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03/10/2019

Du fol espoir au désespoir

«Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.» Cette phrase, attribuée à Guillaume d'Orange dit le Taciturne, ne l'a-t-on pas entendue cent fois prononcée par nos parents durant notre enfance ?! Elle nous redonnait du cœur à l'ouvrage lors d'un découragement passager. Surtout, elle nous indiquait la voie à suivre, celle de l'engagement et de la patience dans l'effort. C'était un autre temps.

C'était avant les espoirs infondés et les réussites illusoires. Avant les «Tout, tout de suite» et «Toujours plus». Quand on ne recherchait pas la récompense immédiate, mais seulement le plaisir du devoir accompli. Aujourd'hui, l'espérance et l'optimisme sont «l'opium du peuple». Ils sont les noms usuels de ce que Pierre-André Taguieff appelait «le culte de l'avenir et la foi dans le Progrès» dans son essai Du progrès chez Librio.

Et cette «croyance aveugle en un avenir toujours meilleur», cette religion des temps modernes, même si celle-ci en a pris un coup au XXe siècle et encore récemment, continue sur sa lancée. «On avance (Ter). C'est une évidence : on n'a pas assez d'essence pour faire la route dans l'autre sens. On avance. On avance (Ter). Tu vois pas tout ce qu'on dépense. On avance. Faut pas qu'on réfléchisse ni qu'on pense. Il faut qu'on avance» chante Souchon.

Nous réglons ainsi notre marche sur celle du progrès, en suivant ce qu'on nous présente comme le «sens de l'histoire», un sens unique. La meilleure façon de marcher étant de mettre un pied devant l'autre et de recommencer, pour ne pas tomber, rester dans la course. Et les vaines promesses de "happy ends" nous faisant continuer, «Les horizons aux horizons succèdent : On avance toujours, on n'arrive jamais» écrivait Hugo.

L'idée d'être trop engagés pour pouvoir faire marche arrière, nous fait marcher droit, à l'aveuglette, vers ce mieux hypothétique. Et confiants que le chemin emprunté est le bon, que nous ne nous égarons pas, nous dépensons. Entourés de mille prévenances. Destinataires de tout ce qui est bon pour le moral. Heureux ? Selon Chesterton : «L'humanité ne produit des optimistes que lorsqu'elle a cessé de produire des heureux».

Mais notre désengagement, notre impatience - le fait de prendre des raccourcis, de brûler les étapes - pourraient nous jouer de nouveaux tours. Car notait Alain : «Les difficultés sont insurmontables pour l'impatient». Qui peut alors basculer de l'optimisme à un pessimisme tout aussi déraisonnable. Bernanos disait : «Le pessimiste et l'optimiste s'accordent à ne pas voir les choses telles qu'elles sont. L'optimiste est un imbécile heureux, le pessimiste un imbécile malheureux».