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03/10/2024

Plus jamais ça !

« La première question, je vais simplement y répondre en vous disant l’émotion de toute la Nation et [pause] je crois de tous les Franç… toutes les Françaises et de tous les Français devant [pause] ce crime odieux et atroce, et la douleur de toute une famille, qu’il faut respecter, accompagner, et évidemment la justice fera son travail, évidemment les services de l’État feront le leur mais [pause] je serai avant tout et simplement dans l’expression de cette solidarité et de cette affection de la Nation. Pour le reste, le gouvernement fait son travail, chaque ministre dans ses compétences, et [pause] il faut chaque jour mieux protéger les Français, mais le faire [pause], le faire, le faire [pause] et moins dire [pause], voilà. »

C’est cinq jours après la découverte du corps de Philippine à moitié enterré dans le bois de Boulogne, qu’Emmanuel Macron en déplacement au Canada se décide à prendre la parole en répondant à une question d’un journaliste en conférence de presse. Cinq jours au cours desquels chacun a pu mesurer l’horreur du crime commis par un homme de 22 ans sortant de prison pour viol, en attente d’expulsion pour le Maroc, libéré de son centre de rétention administrative et récidivant dans la foulée jusqu’à l’assassinat ou au meurtre de cette femme au printemps de sa vie, de cette jeune fille lumineuse que tous les parents du monde auraient aimé avoir pour enfant. La cathédrale de Versailles allait l’accueillir pour son mariage avec Thibault, elle l’a accueillie pour un "À Dieu" poignant, dans la souffrance et l’Espérance.

Alors, les mots du Président de la République sont bien pauvres pour dire cette vie fauchée, cette famille brisée, cette mort révoltante. On aurait aimé qu’il s’écrie : "Nous pleurons avec ceux qui pleurent, mais passé le temps des larmes, plus jamais ça !" ; mais à la place, des intonations et des hésitations sonnant faux et juste l’impression d’une émotion surjouée. C’est d’ailleurs le premier mot qui lui vient : « l’émotion », celle « de toute la Nation », enfin, il n’en est pas sûr : « je crois, ajoute-t-il, de tous les Français », avant de se reprendre : « de toutes les Françaises et de tous les Français ». Ouf ! il avait failli utiliser le masculin comme neutre ; il y a des choses qui sont graves tout de même. Heureusement, il l’affirme : « évidemment la justice fera son travail, évidemment les services de l’État feront le leur » et un peu loin, « le gouvernement fait son travail ».

« Évidemment » répété deux fois, « fera ou fait son travail, feront le leur » trois fois, comme une incantation pour déjouer le sort, ou pour s’en ou nous en persuader peut-être ? Car, est-il évident que la justice, les services de l’État et le gouvernement ont fait, font ou feront leur travail ? Enfin, pour conclure, il exprime le besoin ou la nécessité ou l’obligation de « chaque jour mieux (et non pas "bien") protéger les Français » (ce qui souligne une insuffisance et lui fait oublier au passage les "Françaises" et "toutes et tous"…, sans doute l’émotion), comme il avait parlé auparavant de « la douleur de toute une famille, qu’il faut respecter, accompagner ». « Il faut chaque jour mieux protéger les Français mais le faire », et ce « mais » (souvent absent des transcriptions et des citations ou remplacer par "et") avec « le faire », est suivi d’un silence. Hésitation sur un mot, entre deux mots… ?

Emmanuel Macron poursuit en répétant « le faire, le faire » pour terminer par « et moins dire », ce qui pourrait passer pour un aveu, une confession. La conjonction "mais" peut introduire une précision, une restriction, une correction voire une idée contraire ou une objection, mais là rien de tout cela, juste « le faire ». Simple hypothèse : et si Emmanuel Macron avait voulu dire par exemple "avec humanité" et qu’il s’était arrêté à temps. La phrase deviendrait alors : "Il faut chaque jour mieux protéger les Français mais le faire avec humanité" ou "avec compréhension" ou "avec responsabilité" voire "avec bienveillance". On pense à l’épouse du gendarme Éric Comyn : « La France a tué mon mari par son insuffisance, par son laxisme et son excès de tolérance ».

La Président de la République aurait pu dire "avec fermeté", "avec vigueur", ce qui aurait dénoté une détermination, une résolution, et une certaine autorité. Mais "avec fermeté", cela veut dire "sans transiger", on peut toujours rêver après des décennies de concessions, d’accommodements, d’arrangements, de compromis, de compromissions. Et puis, on oppose toujours la fermeté à l’humanité et l’exigence ou l’excellence à la bienveillance, alors qu’elles peuvent aller ensemble. "Humanité" ou "bienveillance" sont trop souvent l’autre nom de la paresse, de la faiblesse, de la démission, de la capitulation. La résignation et l’abandon ne sont plus acceptables, que ce soit à l’école, dans les familles, dans la société…, ou au sein de la justice, des services de l’État, du gouvernement…

"Faire le malheur de ceux qu’on aime" (ou qu’on dit aimer), voilà où nous en sommes dans maints endroits en France, avec des "responsables" parfois "hauts" qui ne sont jamais responsables que de "ce qui va". Ce qui ne va pas, ce sont les nôtres, en particulier nos femmes, nos enfants, dévisagés, toisés, bafoués, insultés, humiliés, poursuivis, brusqués, frappés, violentés, tués voire massacrés. Ce qui ne va pas, c’est que la priorité n’est pas de protéger. Ce qui ne va pas, c’est que considérer cela insupportable, inadmissible, vous rend suspect. Ce qui ne va pas, c’est que « toute la Nation », « toutes les Françaises » et « tous les Français » n’ont pas été émus du martyre de Philippine et n’ont pas respecté ou accompagné « la douleur de toute une famille ». Ce qui ne va pas, ce sont ceux, pardon celles et ceux qui veulent faire l’ange et qui font la bête, ce sont ces « (…) vertus chrétiennes devenues folles (…) » (Chesterton).

L’amour ou la charité certes, mais avec la justice, la prudence et la force. L’accueil inconditionnel, illimité, le respect de la différence, intégral, l’acceptation de l’autre tel qu’il est, sans réserve, conduisent à l’aveuglement et au fanatisme. Il faut retrouver la raison, loin d’idées et théories vagues ou d’une vague émotion.