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31/08/2021

Carpe diem

Les sentez-vous venir ces jours de rentrée ? Ils sont là à l'horizon, plus courts et plus sombres, emplis de routines et d'occupations stériles. Inutile d'espérer, ils viendront aussi sûrement que la faim ou la mort. Les beaux jours sont sur le déclin mais indolents encore sous le soleil, nous tentons de refuser l'évidence. La vie reprend son cours inexorablement. Pas de répit, ou alors de courte durée.

"Un instant monsieur le bourreau", serions-nous tentés d'implorer, mais celui-ci le sablier en main nous fait signe qu'il est temps. Pourquoi donc n'est-il pas possible de prolonger ces bons moments ? On connaît les réponses toutes faites : "Toutes les bonnes choses ont une fin" ou "Si on ne travaillait pas, on n'apprécierait plus". Pas sûr ! Les jours passent, les années passent, que demeure-t-il ?

Des souvenirs, des photos, des films que l'on se repasse, le sourire aux lèvres, nostalgiques. Que ce fut bon d'être ensemble, en couple, en famille, entre amis, pour partager ces heures de liberté. Les enfants qui grandissaient, les parents qui vieillissaient, et nos chers disparus ; tout le monde est là, comme si c'était hier. «Je me souviens Des jours anciens Et je pleure» écrivait Verlaine.

D'autres viendront après nous sur nos traces à jamais effacées. Et là où nous fûmes heureux, d'autres le seront. Que restera-t-il de nos amours et de ces beaux jours ? «Carpe diem», cueille le jour disait Horace dans ses Odes, ce qui pourrait se traduire par "mets à profit le jour présent". La vie est courte, hâtons-nous d'en jouir en tirant de chaque chose sa «substantifique moelle»*, ce qu'il y a d'essentiel.

Les vacances font partie de ces occasions de "retrouvailles" avec soi-même et ceux qu'on aime ? Elles sont un moment privilégié pour faire le point, s'interroger sur le sens de son existence et prendre de bonnes résolutions. La suractivité voulue par notre société nous interdit de nous concentrer sur l'essentiel et de nous demander si nous avons choisi et choisissons vraiment librement notre vie.

Mais la rentrée est déjà là et nous prend à la gorge. La routine et les occupations stériles de nouveau décideront de notre vie qui ira ainsi bien souvent jusqu'à son terme, entre désir de révolte et résignation. Et de renoncement en renoncement, minés par les habitudes et les obligations, nous croirons être heureux parce que nous serons immobiles**.

* Rabelais - ** d’après Tristan Bernard

16/08/2020

Mélodies d'été, mélancolie d'hiver

«Des villas, des mimosas, Au fond de la baie de Somme, La famille sur les transats, Le pommier, les pommes. Je regardais la mer qui brille dans l'été parfait. Dans l'eau se baignaient des jeunes filles qui m'attiraient.» La chanson d'Alain Souchon exprime la nostalgie de l'enfance et des vacances en famille. On avance, tel est son titre ; évocateur de la fuite des jours et de nos fuites : "en avant" ou "devant nos responsabilités".

On est cette «Foule sentimentale» dont parle encore Alain Souchon : «On a soif d'idéal - Attirée par les étoiles, les voiles - Que des choses pas commerciales». Le temps des vacances est aussi celui de l'abandon - de la détente, de la nonchalance - et de l'abandon de notre vie bassement matérielle et de ses intérêts. Tout à la "satisfaction" de nos "aspirations du cœur ou de l'esprit", nous retrouvons pour un moment notre naturel.

Mais «Foule sentimentale - II faut voir comme on nous parle - Comme on nous parle» continue Alain Souchon. Car dès la rentrée, le matraquage reprendra. Nous serons à nouveau bombardés : «0h la la la vie en rose - Le rose qu'on nous propose - D'avoir les quantités d'choses - Qui donnent envie d'autre chose - Aïe, on nous fait croire - Que le bonheur c'est d'avoir - De l'avoir plein nos armoires - Dérisions de nous dérisoires (...)».

«Il se dégage - De ces cartons d'emballage - Des gens lavés, hors d'usage - Et tristes et sans aucun avantage - On nous inflige - Des désirs qui nous affligent - On nous prend faut pas déconner dès qu'on est né - Pour des cons alors qu'on est - Des - Foules sentimentales - Avec soif d'idéal (...)». Une soif de bien-être, un "désir passionné et impatient" - "ardent" - de nous accomplir, de nous épanouir, de nous réaliser pleinement.

«La France ne se réalise pleinement que dans l'harmonieux équilibre» écrivait André Gide. N'est-ce pas ce qui nous manque cruellement ? N'est-ce pas ce que nous recherchons désespérément ? L'harmonie, l'équilibre, comme dans notre enfance ou en vacances. Mais «Il y a tant de vagues et de fumée - Qu'on arrive plus à distinguer - Le blanc du noir - Et l'énergie du désespoir (...)» chantait Michel Berger dans Le paradis blanc.

«Y a tant de vagues, et tant d'idées - Qu'on arrive plus à décider - Le faux du vrai - Et qui aimer ou condamner (...)». Alors peut-être faut-il mettre à profit ces quelques jours de vacances pour retrouver nos esprits, et retrouver les jours où «On voulait tout le monde refaire». Et «Recommencer là où le monde a commencé (...)- Loin des regards de haine - Et des combats de sang (...) - Comme dans mes rêves d'enfant (...)».

03/07/2020

Des congés bien utiles

Nous voici au cœur de l'été. Le temps des grandes vacances pour celui qui le peut. L'occasion de dételer, cesser de travailler, adopter un mode de vie plus calme, et de se détendre, se laisser aller, se décontracter. Il faut le voir détaler à l'heure du départ, prendre congé de sa société et de la société sans regarder en arrière. Comme un condamné rendu à la liberté, voulant oublier son passé et savourer le moment présent, part sans se retourner.

Le fonctionnement excessif d'un organisme conduit à une diminution de ses forces, de son activité. La fatigue provoquée chez toute personne par les excès de la vie de tous les jours, rend nécessaires des pauses régulières, des "permissions". Entre lassitude et épuisement, elle a besoin de se refaire une santé. C'est pour cela que des temps de repos sont accordés au salarié, afin qu'il recouvre son énergie et reste performant.

Recharger ses batteries est l'objectif des congés payés. Une perte d'efficacité, une baisse d'activité ne sont pas envisageables. En outre, les loisirs sont devenus un secteur-clé de l'économie nationale. Les loisirs sont coûteux, ils font tourner la Machine. Laisser la société comme elle est paraît donc plus avantageux que de construire une société évitant le stress (la fatigue nerveuse) et le surmenage (la fatigue cérébrale, intellectuelle).

L'individu est ainsi enfermé dans un enchaînement de causes et d'effets. Le système économique tel un rouleau compresseur le lamine lentement mais efficacement, puis organise pour lui au bout du rouleau les occupations et les distractions lucratives de ses "temps de liberté", qui agissent comme une soupape de sécurité. Sous pression, l'être humain doit en fait décompresser sous peine de dépression, avant d'être pressé à nouveau.

Diminué, réduit à peu de chose et comme anéanti - perdu dans la multitude et pris dans les engrenages de la société -, l'homme vit ces périodes d'arrêt du travail comme une sortie de l'ordinaire. Mais en réalité les congés rentrent vite dans l'ordre normal, habituel des choses. L'évasion de la vie quotidienne est rattrapée par la banalité et la monotonie. L'itinéraire est fléché. Et puis l'animal dompté regagne sa cage de lui-même.

Dans notre grand Monopoly où règne la "libre circulation", le retour à la case départ est inscrit dans la règle du jeu. On ne part que pour mieux revenir à sa place, rejoindre sa prison dorée. Dans le film de Bertolucci Un thé au Sahara, il est dit concernant la différence entre le voyageur et le touriste : «Le touriste pense au retour avant même de partir, le voyageur, lui, ignore s'il reviendra un jour». Nous ne sommes tous que des touristes.