29/09/2025
Comme des petits enfants
Quand une vie nouvelle commence, très vite une question se pose concernant l'enfant : boit-il assez ? Certains soutiennent que le biberon permet de donner exactement la quantité voulue ; d'autres que «lorsqu'un enfant tète sa maman, il prend lui-même la quantité dont il a besoin (...). Mais [qu']avec l'enfant nourri au biberon, on n'est pas sûr que les rations de lait qu'on a décidé de lui donner (...) soient adaptées à ses besoins».
C'était l'avis de Laurence Pernoud qui dans J'élève mon enfant (Editions Horay) - la bible des jeunes parents - ajoutait qu'en effet, «Au même poids et pour le même âge, certains bébés ont besoin de plus de nourriture, quelquefois un tiers en plus». Et Laurence Pernoud allait même plus loin : «l'expérience vous enseignera d'ailleurs que, d'une manière générale, les enfants savent mieux que quiconque ce qui leur est nécessaire».
Ne serait-ce pas le cas des adultes aussi ?! En filigrane apparaît en effet la question des besoins de l'individu dans une société qui peut vouloir décider pour lui des normes, de ce qui lui correspond théoriquement, et dans une économie où le capitalisme «ne se conforme pas aux besoins : il les a presque tous créés» écrivait Jacques Chardonne. Ces besoins dont la satisfaction ne semble pourtant pas faire le bonheur.
Car cet "individu conforme" réclame-t-il ? pleure-t-il et crie-t-il ? dort-il bien ? Bref, a-t-il l'air satisfait de son sort comme un bébé bien nourri ? Pas vraiment, et l'explication est peut-être à aller chercher du côté de la non satisfaction d'autres besoins. Malgré un "état de besoin" créé par l'accoutumance à la consommation - entre désir de continuer et effets nuisibles -, l'individu ressentirait-il en fait un manque plus profond ?
Car «(...) l'enfant des villes rêve de campagne. Lorsqu'on lui demande de dessiner l'endroit où il voudrait vivre, il montre une maison, petite, au milieu d'un pré, avec des arbres, des fleurs, souvent des oiseaux et plus loin une rivière». Ce qu'offre la société n'est peut-être pas adapté aux vrais besoins de l'homme. On dit que "Le mieux est l'ennemi du bien", peut-être que le mieux-être est l'ennemi du bien-être, pour paraphraser Ivan Illich.
Et de fait, les envies de s'évader, de renaître, de commencer une nouvelle vie n'ont rien à voir avec des rêves de grandeurs et de châteaux en Espagne. Elles expriment au contraire le besoin de mener une vie simple, naturelle. «Bienheureux les pauvres en esprit», "ceux qui se veulent pauvres, qui sont pauvres en intention", qui se passent du superflu mais ne manquent pas du nécessaire. Bienheureux comme des petits enfants.
10:51 Publié dans Besoins de l'homme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vie nouvelle, enfant, quantité dont l'enfant a besoin, rations adaptées aux besoins de l'enfant, laurence pernoud, j'élève mon enfant, éditions horay, besoin de plus ou moins, besoins de l'individu, société, normes, économie, capitalisme, jacques chardonne, satisfaction, bonheur, individu conforme, état de besoin, accoutumance, consommation, effets nuisibles, manque plus profond, vrais besoins de l'homme, mieux-être, bien-être, ivan illich, s'évader, renaître, commencer une nouvelle vie, rêves de grandeurs, châteaux en espagne, besoin de mener une vie simple, une vie naturelle, bienheureux les pauvres en esprit, superflu, nécessaire | Facebook |
09/03/2021
Les mauvais joueurs d'un jeu dangereux
Le délinquant financier diffère du criminel sur un point fondamental, racontait Eva Joly, il n'avoue jamais (en règle générale). Et ajoutait-elle avec humour dans son livre Notre affaire à tous (Les arènes) : «même si nous arrivons à lui glisser devant les yeux la preuve du versement illicite de plusieurs millions sur son compte bancaire. Il trouvera toujours une nouvelle fable, sans exclure l'existence d'une machination destinée à l'enrichir à son insu !».
Se reconnaître comme un délinquant lui est tout simplement impossible. Comme l'écrivait celle qui était alors première juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris chargée notamment du dossier Elf : «Ses raisons d'agir sont plus légitimes que le Code pénal». Et la magistrate notait avec acuité : «Dans son esprit, la société est un jeu de pouvoir, où les règles ne sont que l'indicateur éphémère d'un rapport de force».
Déjà en 1933, le sociologue américain Edwin Sutherland analysait ce phénomène : «Alors que les délinquants de droit commun reconnaissent qu'ils sont délinquants et sont considérés comme tels par le public, les délinquants d'affaires sont estimés par tous - à commencer par eux-mêmes - comme des hommes de bien et d'honneur. Selon eux, les vrais criminels sont ceux qui font les lois, car ils gênent le business».
D'où des attitudes souvent arrogantes dans ces milieux d'affaires et politiques où l'on ne se tient pas pour un justiciable comme les autres, où l'on croit que tout est négociable. Les interrogatoires, rapportait Eva Joly, qui fut aussi un temps conseillère auprès du ministre de la Justice et du ministre des Affaires étrangères de Norvège, tournent ainsi à l'épreuve de force, la violence verbale et l'intimidation y étant monnaie courante.
Les protestations indignées où l'on jure ses grands dieux qu'on ne savait rien, sont proférées avec tant de sincérité que le doute peut s'installer. Eva Joly expliquait : «L'honneur et la duplicité, l'apparence de la légalité et la vérité du crime sont si intimement liés dans ces affaires, la négation de la réalité est telle lors de ces interrogatoires que je devais sans cesse revenir aux faits pour m'assurer que je ne fantasmais pas».
Cela prend encore une autre dimension quand c'est un politique, un élu ou plus particulièrement un législateur qui se joue des lois. "Celui qui fait les lois" et se fait prendre, ne devrait s'en prendre qu'à lui-même, car les juges ne font que les appliquer. Mais combien préfèrent s'en prendre à la légitimité des juges et des lois elles-mêmes, jouant ainsi avec le feu, car c'est avec l'essence de la "démocratie" qu'ils jouent !
10:50 Publié dans Délinquance financière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : délinquant financier, criminel, eva joly, notre affaire à tous, éditions les arènes, il n'avoue jamais, preuve, versement illicite, compte bancaire, fable, juge d'instruction, tribunal de grande instance de paris, dossier elf, code pénal, magistrate, société, jeu de pouvoir, règles, rapport de force, edwin sutherland, délinquants de droit commun, délinquants d'affaires, hommes de bien et d'honneur, vrais criminels, ceux qui font les lois gênent le business, attitudes arrogantes, milieux d'affaires et politiques, justiciable, tout est négociable, interrogatoires, épreuve de force, violence verbale, intimidation, protestations indignées, sincérité, doute, honneur, duplicité, apparence de la légalité, vérité du crime, affaires, négation de la réalité, faits, politique, élu, législateur, lois, juges, légitimité, démocratie | Facebook |
03/07/2020
Des congés bien utiles
Nous voici au cœur de l'été. Le temps des grandes vacances pour celui qui le peut. L'occasion de dételer, cesser de travailler, adopter un mode de vie plus calme, et de se détendre, se laisser aller, se décontracter. Il faut le voir détaler à l'heure du départ, prendre congé de sa société et de la société sans regarder en arrière. Comme un condamné rendu à la liberté, voulant oublier son passé et savourer le moment présent, part sans se retourner.
Le fonctionnement excessif d'un organisme conduit à une diminution de ses forces, de son activité. La fatigue provoquée chez toute personne par les excès de la vie de tous les jours, rend nécessaires des pauses régulières, des "permissions". Entre lassitude et épuisement, elle a besoin de se refaire une santé. C'est pour cela que des temps de repos sont accordés au salarié, afin qu'il recouvre son énergie et reste performant.
Recharger ses batteries est l'objectif des congés payés. Une perte d'efficacité, une baisse d'activité ne sont pas envisageables. En outre, les loisirs sont devenus un secteur-clé de l'économie nationale. Les loisirs sont coûteux, ils font tourner la Machine. Laisser la société comme elle est paraît donc plus avantageux que de construire une société évitant le stress (la fatigue nerveuse) et le surmenage (la fatigue cérébrale, intellectuelle).
L'individu est ainsi enfermé dans un enchaînement de causes et d'effets. Le système économique tel un rouleau compresseur le lamine lentement mais efficacement, puis organise pour lui au bout du rouleau les occupations et les distractions lucratives de ses "temps de liberté", qui agissent comme une soupape de sécurité. Sous pression, l'être humain doit en fait décompresser sous peine de dépression, avant d'être pressé à nouveau.
Diminué, réduit à peu de chose et comme anéanti - perdu dans la multitude et pris dans les engrenages de la société -, l'homme vit ces périodes d'arrêt du travail comme une sortie de l'ordinaire. Mais en réalité les congés rentrent vite dans l'ordre normal, habituel des choses. L'évasion de la vie quotidienne est rattrapée par la banalité et la monotonie. L'itinéraire est fléché. Et puis l'animal dompté regagne sa cage de lui-même.
Dans notre grand Monopoly où règne la "libre circulation", le retour à la case départ est inscrit dans la règle du jeu. On ne part que pour mieux revenir à sa place, rejoindre sa prison dorée. Dans le film de Bertolucci Un thé au Sahara, il est dit concernant la différence entre le voyageur et le touriste : «Le touriste pense au retour avant même de partir, le voyageur, lui, ignore s'il reviendra un jour». Nous ne sommes tous que des touristes.
11:09 Publié dans Congés/Vacances | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : congés, grandes vacances, dételer, se détendre, fonctionnement excessif, diminution des forces, fatigue, pauses régulières, permissions, lassitude, épuisement, se refaire une santé, temps de repos, recouvrer son énergie, rester performant, recharger les batteries, perte d'efficacité, baisse d'activité, loisirs, secteur-clé de l'économie, faire tourner la machine, société, stress, surmenage, enchaînement de causes et d'effets, sortie de l'ordinaire, ordre normal ou habituel des choses, banalité, monotonie, itinéraire fléché, "libre circulation", retour à la case départ, revenir à sa place, rejoindre sa prison dorée, bertolucci, un thé au sahara, voyageur, touriste | Facebook |