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02/12/2014

Retour à l'envoyeur

L'homme industrieux, l'homme ingénieux, habile et inventif, est à l'origine de la formidable évolution de l'humanité. Mais cet homme est aujourd'hui confronté dans beaucoup de domaines à un phénomène de retour de manivelle, de bâton ou de flamme. Bien de ses inventions lui deviennent contraires, et la nature elle-même. Et ce choc en retour ou contre-choc est tel que nombreux sont les humains comme frappés de stupeur.

Etre 100 % naturel, l'homme a cru pouvoir s'affranchir des lois de la nature. Mais se couper de la nature, c'est s'amputer. S'en prendre à la nature, c'est s'en prendre à soi-même. Vouloir sortir de la nature, c'est comme vouloir sortir de soi. La science et la technique ont ainsi voulu domestiquer la nature, la rendre moins inhospitalière, la maîtriser pour l'utiliser, et elles y ont réussi pour partie, mais la nature est rebelle et développe des résistances.

Les revirements soudains, les réactions imprévues en sens opposé, les contrecoups de l'action agressive de l'homme sur la nature, les conséquences néfastes ou dangereuses que nous sommes en train de vivre, sont autant de signaux d'alerte. La nature reprend sa place, et la question de la place de l'homme dans la nature se pose. «La nature agit toujours avec lenteur» pensait Montesquieu, en temps normal sans doute, et encore.

Georges Duhamel lui, disait que «La nature ne procède que par bonds et désordres soudains». Quoi qu'il en soit, «La nature bienfaisante, qui toujours travaille à rétablir ce que l'homme ne cesse de détruire» selon Buffon, pourrait bien emporter l'homme dans son mouvement de restauration des grands équilibres. La nature n'est ni bonne ni méchante, elle obéit à des lois et l'homme va peut-être payer cher son sentiment de supériorité.

II le paye déjà cher par de multiples affections dues aux altérations qu'il fait subir à son milieu. Mais aux victimes, on ose leur dire que "c'est la faute à pas de chance" ou alors à leur "Terrain favorable" qui serait comme une provocation pour les "Facteurs déclenchant". La génétique, espère-t-on, remédiera un jour au "Terrain". Quant aux "Facteurs", s'y attaquer vraiment serait remettre en question une partie de notre mode de vie.

Et «notre mode de vie n'est pas négociable», comme disait Georges Bush père. Alors on procède par étapes pour ne pas toucher à la sacro-sainte croissance et au progrès à grands pas. Seulement la politique des petits pas suffira-t-elle à retourner la situation, à renverser la tendance, à trouver les parades ? L'acte d'hostilité de l'homme vis-à-vis de la nature dite hostile se retourne contre son auteur, c'est l'effet boomerang. Boum !

14/10/2014

Plus de science ou plus de raison ?

«L'humanité consomme plus de ressources biologiques, de l'ordre de 25 %, que la planète n'en produit chaque année. Elle pompe donc maintenant dans ses réserves, une situation qui ne pourra pas durer longtemps.» Le journal Le Monde rendait compte par ces quelques lignes du dernier rapport du WWF (Fonds mondial pour la nature) juste avant la crise financière aux États-Unis. A ce rythme-là, deux planètes Terre seraient nécessaires pour assurer la consommation de 2050.

«Déforestation, mauvaise gestion des sols et de l'eau douce, surconsommation, démographie ou pénurie d'énergie» sont d'ailleurs de ces «problèmes qui se sont généralement conjugués pour entraîner la mort de grandes civilisations» écrivait L'Expansion en citant l'ouvrage de Jared Diamond Effondrement aux éditions Gallimard, qui pense qu'avec la mondialisation, "pour la première fois nous courons un risque de déclin mondial".

Le temps est compté juge encore ce biologiste et géographe à l'université de Californie. De plus, la dégradation ou la modification de l'environnement nuisent gravement à notre santé. Notre métabolisme est, quoi qu'on dise, fortement perturbé par des toxiques en libre circulation comme le mercure, le plomb, le cadmium, l'étain, les dioxines, les solvants, les détergents, les pesticides... Et les arguments de lobbys ne sont plus recevables.

Ainsi, rapportait L'Expansion, «Le journaliste scientifique Frédéric Denhez, dans Les Pollutions invisibles (éditions Delachaux et Niestlé), bat en brèche deux dogmes utilisés par ceux, industriels ou politiques, pour qui il reste urgent de ne rien faire : la "valeur seuil", c'est-à-dire la dose au-dessous de laquelle une molécule n'aurait pas d'effet, et le défaut de preuve irréfutable, souvent "interprété comme la preuve de l'absence de risque"».

Jean-Paul Fitoussi dans le quotidien Le Monde, avait-il raison alors d'espérer en «l'augmentation des connaissances» ? «L'accumulation des savoirs et du progrès des techniques» aura-t-elle raison de la «décumulation des stocks de ressources épuisables ou de la dénaturation tout aussi irréversible de certains fonds environnementaux»? «La seule issue au problème de la finitude de notre monde» se trouve-t-elle dans plus de science ?

André Lebeau* répondait dans le magazine Sciences et Avenir que la technique «bute sur les limites de la planète (...). J'aimerais que les hommes acquièrent une conscience claire du fait qu'ils se trouvent face à un problème radicalement nouveau et dramatique (...). Extrapoler, de l'expérience du passé, que la technique va être capable de régler nos problèmes "d'enfermement planétaire" me semble une vision à tout le moins très optimiste».

* André Lebeau était alors géophysicien de formation, professeur honoraire au Conservatoire national des arts et métiers, ancien président du Centre national d’études spatiales (Cnes), ex-directeur général de la Météorologie nationale…

07/10/2014

Un homme bientôt hors jeu ?

Comment comprendre notre monde si nous ne voyons pas que, comme l'écrit Olivier Rey, «l'adaptation de l'homme à l'environnement créé par et pour le développement technique et économique est devenue un objectif consciencieusement poursuivi» ? Auteur de Une folle solitude - Le fantasme de l'homme auto-construit au Seuil, celui-ci met l'accent sur un travail engagé dans la seconde moitié du XXe siècle dans nos sociétés.

C'est Norbert Wiener, fondateur de la cybernétique, qui exprime le premier en 1954 le but inavoué de sa discipline «qui étudie les phénomènes de traitement de l'information et de régulation à l'intérieur des systèmes, qu'il s'agisse de machines ou d'êtres vivants». Il écrit : "Nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons maintenant nous modifier nous-mêmes pour vivre au sein de ce nouvel environnement".

Mais cela ne se fait pas sans quelques résistances. Et notamment internes. Porteur «de gènes qui, pour l'essentiel, ont été sélectionnés dans des conditions de vie paléolithiques, très différentes de celles que nous connaissons à l'heure actuelle», le «vieil homme» en chacun de nous «s'obstine à souffrir de ses nouvelles conditions de vie, censées promouvoir le sujet qu'en vérité elles excluent dès que celui-ci contrarie le progrès».

L'exclusion est intrinsèque à l'évolution voulue de nos sociétés. La formation initiale et continue ou les «médicaments contre les troubles psychiques» pour prendre deux exemples, n'arrivent pas ou plus (ou pas encore ?) à rattraper le décrochage qui affecte de plus en plus d'hommes. Et «Tandis qu'on travaille à modifier l'homme pour l'adapter à son nouveau milieu, ce milieu continue à évoluer, nécessitant une nouvelle adaptation».

«Il fut un temps où, remarque Olivier Rey, le salut rapatrié de l'au-delà à l'ici-bas, la politique fut chargée de résoudre tous les problèmes humains. Ayant échoué à façonner le monde idéal, le salut est maintenant attendu d'une technique qui nous rende heureux du monde tel qu'il est, quel qu'il soit.» On attend ainsi de tout homme une "béat-attitude", un optimisme béat, en prévision de la béatitude à venir "c'est promis juré".

Mais un problème chasse l'autre, à un risque succède un autre risque, on n'en finit jamais. Ivan Illich dans Une société sans école disait : «L'homme contemporain (...) s'efforce de créer le monde entier à son image. Il construit, planifie son environnement, puis il découvre que pour y parvenir il lui faut se refaire constamment, afin de s'insérer dans sa propre création (...)». «L'enjeu de la partie» serait-il, comme il dit, «la disparition de l'homme» ?