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28/11/2017

L'amour de la servitude

La véritable révolution eut lieu quand nos ancêtres, qui durant des millénaires avaient vécu proches de la nature et au rythme des saisons, furent arrachés à leur terre. Travailleurs indépendants pour beaucoup, ils vivaient en petites communautés rurales avec leurs solidarités et leurs dissensions. La vie était rude, le confort minimum, la pauvreté ordinaire. Etaient-ils heureux sans l'eau courante froide et chaude, les commodités, le chauffage central, l'électricité, la machine à laver, la cuisinière, le four à micro-ondes, le réfrigérateur, le congélateur, le lave-vaisselle, la radio, la télévision, la chaîne stéréo, le téléphone, l'ordinateur, l'automobile... ?

Le progrès est venu, la modernité diraient certains. D'abord l'industrialisation puis l'urbanisation. Les campagnes se vidèrent pour la ville et ses usines. La prolétarisation s'en suivit donc ainsi que l'immigration qui se poursuivit car les besoins en main-d'œuvre étaient énormes. Le développement phénoménal du secteur tertiaire acheva l'organisation d'un salariat de masse. Des salariés déracinés, dont le pouvoir d'achat a stagné voire légèrement diminué durant une génération. Mais dont le niveau de vie familial a longtemps augmenté grâce au second salaire du conjoint et au crédit. Jusqu’à aujourd'hui.

Après avoir emprunté pour la maison puis la voiture, nous empruntons pour l'électroménager, la hi-fi et même pour notre consommation courante. Qui plus est, la durée des remboursements s'allonge. Et ils sont de plus en plus nombreux les candidats à la propriété qui s'endettent pour vingt à trente ans. Avons-nous vraiment choisi cette fuite en avant sans arrêt et sans fin, ce mode de vie qui nous fait travailler, contraints et forcés, pour consommer et payer nos dettes ? Ou sommes-nous nostalgiques de cette existence où les hommes étaient libres et indépendants, maîtres d'eux-mêmes, de leurs actes, de leur destin, de leur temps... ?

Aldous Huxley, dans sa nouvelle préface au Meilleur des mondes, écrivait en 1946 : «Un État totalitaire vraiment "efficient" serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et leur armée de directeurs auraient la haute main sur une population d'esclaves qu'il serait inutile de contraindre, parce qu'ils auraient l'amour de leur servitude. La leur faire aimer - telle est la tâche assignée dans les États totalitaires d'aujourd'hui aux ministères de la propagande, aux rédacteurs en chef de journaux, et aux maîtres d'école».