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27/06/2022

Remettre l'homme à sa place : au centre

La Convivialité est un livre paru en 1973 en France au Seuil. Son auteur, Ivan Illich, né à Vienne en 1926 et décédé en 2002, est considéré par certains comme l'un des plus grands penseurs de ces soixante-dix dernières années. Dans son ouvrage, Ivan Illich développe une critique globale du système productiviste, et distingue en particulier «cinq menaces contre la population de la planète dues au développement industriel avancé».

«La surcroissance menace le droit de l'homme à s'enraciner dans l'environnement avec lequel il a évoluéPour Ivan Illich, le danger vient du surpeuplement, de la surabondance et de la perversion de "l'outil", considéré comme une fin et l'homme un moyen, et devenu destructeur. Seuls la prise de conscience de cette inversion et un recentrage sur la personne humaine seraient de nature selon lui à rétablir l'équilibre écologique.

«L'industrialisation menace le droit de l'homme à l'autonomie dans l'action.» "L'outil" - tout appareil, engin, instrument, machine..., mais aussi tout moyen, méthode, système... -, quand il se fait prépondérant, supprime d'après Ivan Illich le «pouvoir-faire» de l'homme et établit la «consommation obligatoire». Cette "marchandisation" des besoins, y compris élémentaires, conduit à la dépendance, voire à l'inaction et à la passivité.

«La surprogrammation de l'homme en vue de son nouvel environnement menace sa créativitéA l'origine de cette «surprogrammation de l'opérateur et du client», Ivan Illich voit la «spécialisation de l'outil» et la «division du travail». Le savoir devient un bien rare, précieux. L'éducation, «préparation programmée à la "vie active"», devient permanente par le recyclage. Ce qui peut réduire considérablement la curiosité et la créativité.

«La complexification des processus de production menace son droit à la parole, c'est-à-dire à la politique.» L'homme se voit dépossédé du fait, dit Ivan Illich, que «le pouvoir de décider du destin de tous se concentre entre les mains de quelques-uns». Ce citoyen déchu est la victime de l'organisation industrielle. Et Ivan Illich de souhaiter le respect des autres modes de production pour une meilleure répartition du pouvoir et de l'avoir.

«Le renforcement des mécanismes d'usure menace le droit de l'homme à sa tradition, son recours au précédent à travers le langage, le mythe et le rituel.» Suivant Ivan Illich, l'innovation - sa direction et son rythme - est imposée. La dévalorisation de l'ancien et la survalorisation du nouveau entraînent l'homme dans des achats compulsifs. Pris dans le progrès, l'évolution, la mode, il se trouve arraché de son passé qui le rattachait.

28/11/2017

L'amour de la servitude

La véritable révolution eut lieu quand nos ancêtres, qui durant des millénaires avaient vécu proches de la nature et au rythme des saisons, furent arrachés à leur terre. Travailleurs indépendants pour beaucoup, ils vivaient en petites communautés rurales avec leurs solidarités et leurs dissensions. La vie était rude, le confort minimum, la pauvreté ordinaire. Etaient-ils heureux sans l'eau courante froide et chaude, les commodités, le chauffage central, l'électricité, la machine à laver, la cuisinière, le four à micro-ondes, le réfrigérateur, le congélateur, le lave-vaisselle, la radio, la télévision, la chaîne stéréo, le téléphone, l'ordinateur, l'automobile... ?

Le progrès est venu, la modernité diraient certains. D'abord l'industrialisation puis l'urbanisation. Les campagnes se vidèrent pour la ville et ses usines. La prolétarisation s'en suivit donc ainsi que l'immigration qui se poursuivit car les besoins en main-d'œuvre étaient énormes. Le développement phénoménal du secteur tertiaire acheva l'organisation d'un salariat de masse. Des salariés déracinés, dont le pouvoir d'achat a stagné voire légèrement diminué durant une génération. Mais dont le niveau de vie familial a longtemps augmenté grâce au second salaire du conjoint et au crédit. Jusqu’à aujourd'hui.

Après avoir emprunté pour la maison puis la voiture, nous empruntons pour l'électroménager, la hi-fi et même pour notre consommation courante. Qui plus est, la durée des remboursements s'allonge. Et ils sont de plus en plus nombreux les candidats à la propriété qui s'endettent pour vingt à trente ans. Avons-nous vraiment choisi cette fuite en avant sans arrêt et sans fin, ce mode de vie qui nous fait travailler, contraints et forcés, pour consommer et payer nos dettes ? Ou sommes-nous nostalgiques de cette existence où les hommes étaient libres et indépendants, maîtres d'eux-mêmes, de leurs actes, de leur destin, de leur temps... ?

Aldous Huxley, dans sa nouvelle préface au Meilleur des mondes, écrivait en 1946 : «Un État totalitaire vraiment "efficient" serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et leur armée de directeurs auraient la haute main sur une population d'esclaves qu'il serait inutile de contraindre, parce qu'ils auraient l'amour de leur servitude. La leur faire aimer - telle est la tâche assignée dans les États totalitaires d'aujourd'hui aux ministères de la propagande, aux rédacteurs en chef de journaux, et aux maîtres d'école».