Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/02/2024

Des vœux pour l’avenir que l’on veut

Une année qui passe comme une étoile filante, le temps de faire un vœu mais un vœu qui ne serait pas "pieux" : sans espoir de réalisation.

Le temps qui passe, qui nous file entre les doigts, et l’inquiétude sur ce que nous arrivons à transmettre ou pas, sur ce que nous lèguerons aux générations futures.

Un vœu peut être vu comme une prière pour l’avenir, mais comme disait le philosophe Henri Bergson : « l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ». Un vœu devrait donc être en rapport avec un "je veux", avec une volonté. Certains avancent par exemple, comme le regretté journaliste Gérard Leclerc, que « la réussite des enfants, c’est la volonté des parents » ; c’est peut-être vite dit et un peu court. Il n’empêche que l’avenir pour une part se crée. La philosophe Simone Weil écrivait : « l’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien ; c’est nous qui, pour le construire, devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même ». Et elle disait de même pour l’amour. L’écrivain et aviateur Antoine de Saint-Exupéry pensait qu’« aimer, c’est donner sans attendre de retour et tout acte est prière, s’il est don de soi ».

Que voudrions-nous qu’il nous survive ? Que voudrions-nous laisser en héritage en dehors de quelques biens, d’un patrimoine mobilier ou immobilier ? Qu’avons-nous fait des promesses de notre baptême et de toutes les belles promesses de notre jeunesse ? Que souhaitons-nous pour nos enfants ? D’être des "partisans du moindre effort" ? D’éviter les difficultés ou de ne pas se donner la peine ? De rester des nains refusant de se jucher sur des épaules de géants ? De ne pas savoir choisir et se gouverner ? De se contenter d’être des techniciens ou des spécialistes froids et aveugles, des gestionnaires ou des décideurs plutôt que des visionnaires ou des dirigeants ? De simplement produire et consommer des biens ou des services ? De surtout "en profiter" ?  Voire d’être des assistés ou des rentiers ?

Qu’avons-nous fait de ce qui animait nos parents et les parents de nos parents : l’amour de la sobriété, des joies simples de la vie, l'amour du travail bien fait, l'amour de la famille, l’amour de la patrie (le pays du père), l’amour de la langue maternelle (apprise sur les genoux de la mère), l’amour du livre, de l’écrit, l’amour de la culture classique et des beaux-arts, l’amour de l’histoire, du  patrimoine, l’amour de la raison, l’amour du bien et du bien commun, de la justice, de la vérité, l’amour de la conversation et du débat, l’amour de la convivialité, l’amour du prochain qui va bien au-delà de l’amour de nos seuls proches ou de ceux qui nous sont proches, l’amour du grand, du beau et du bon voire l’amour d’un Dieu "Père" révélé par Jésus-Christ qui fait de nous tous des frères et des sœurs… ?

La frénésie du bonheur que dénonce le philosophe Luc Ferry dans son livre éponyme, cette recherche effrénée de confort, de bien-être, de plaisirs…, fige dans un hic et nunc (ici et maintenant) débarrassé du passé et de l’avenir mais aussi de la réflexion et de la morale qui pourraient amener à se poser des questions et gâcheraient "la fête". D’où la prolifération des « marchands de bonheur », de « la psychologie positive » et des « théories du développement personnel ». D’où aussi l’impression que certains de nos compatriotes se comportent comme des "touristes en leur pays", préoccupés de leur seule situation personnelle.

Le sondeur et analyste Jérôme Fourquet va peut-être plus loin encore avec cette observation d’évidence : « Dans une société comme la nôtre qui est très individualiste, très hédoniste, le réflexe le plus partagé, ce n’est pas celui de l’affrontement, c’est celui de l’évitement » qui fait trouver des moyens détournés dans le meilleur des cas et, dans le pire, confine à la facilité, au laisser-aller, à la faiblesse, à la complaisance ou à la lâcheté.

Les vœux qu’il nous faut former pour ceux que nous aimons et en particulier nos descendants, peuvent être puisés notamment dans des écrits d’écoles qui fondent leur projet sur le mérite dans le but d’assurer l’avenir, celui des enfants mais pas seulement : « offrir à notre pays des personnes qui sachent se donner et servir avec honneur et compétence ». Ou encore : « former de jeunes adultes cultivés, imaginatifs et libres, dotés d’un sens aigu du service et du don. Leur permettre de développer la maîtrise de soi, la confiance en soi, la persévérance et le dépassement de soi, et de découvrir et de vivre le sens de la responsabilité et de l’engagement ». Antoine de Saint-Exupéry disait aussi : « Préparer l’avenir ce n’est que fonder le présent. (…) Il n’est jamais que du présent à mettre en ordre. A quoi bon discuter cet héritage. L'avenir, tu n'as point à le prévoir mais à le permettre ».

Des vœux "les pieds sur terre" se résumeraient donc à cette idée que nous n’avons rien à attendre de l’avenir mais que nous avons tout à agir pour l’avenir, pour "après nous", afin de laisser à nos enfants et aux enfants de nos enfants une civilisation qui aurait à conserver et à défendre ses traditions, à se méfier de l’innovation pour l’innovation et de l’hyperconsommation, et à apprendre des autres civilisations comme, nous explique la professeure de psychologie du temps Ruth Ogden, celle des « Māori de Nouvelle-Zélande, où le centre d’attention lorsqu’ils se déplacent dans le temps n’est pas le futur, mais le passé. Le proverbe Māori Kia whakatōmuri te haere whakamua se traduit par "Je marche à reculons vers l’avenir avec les yeux fixés sur mon passé" ».

Commençons donc par changer la formule habituelle adressée à nos proches et nos relations : « Que cette année nouvelle vous apporte… », pour l’inverser : « Que vous puissiez apporter durant cette nouvelle année à votre famille et à vos enfants, à votre entreprise et à ses collaborateurs, à vos projets et ceux qui y coopèrent, à votre ou vos associations, votre commune, votre département, votre région, à notre France et à ses citoyens… ce qui fera leur développement, leur élévation, leur édification, leur réussite, leur joie…, et finalement leur bonheur et donc votre bonheur ».

Que pourrions-nous souhaiter de mieux en effet que de trouver le bonheur par cet "agir pour l’avenir" dans notre vie personnelle, familiale ou professionnelle ? Afin « de le rendre possible » comme l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry et pour ne pas avoir à dire qu’on n’a "pas voulu tout ça", ou comme l’actrice Louise Brooks : « Nous sommes tous égarés. Ma vie ne fut rien » ; elle qui pensait qu’« un homme ne compte que dans la mesure où il agit, aime et incite les autres à agir et à aimer, bien plus que par ce qu’il laisse derrière lui ».

 

« Mais n'espère rien de l'homme s'il travaille pour sa propre vie et non pour son éternité »

(Citadelle - Antoine de Saint-Exupéry).

 

Écrire un commentaire