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16/08/2020

Mélodies d'été, mélancolie d'hiver

«Des villas, des mimosas, Au fond de la baie de Somme, La famille sur les transats, Le pommier, les pommes. Je regardais la mer qui brille dans l'été parfait. Dans l'eau se baignaient des jeunes filles qui m'attiraient.» La chanson d'Alain Souchon exprime la nostalgie de l'enfance et des vacances en famille. On avance, tel est son titre ; évocateur de la fuite des jours et de nos fuites : "en avant" ou "devant nos responsabilités".

On est cette «Foule sentimentale» dont parle encore Alain Souchon : «On a soif d'idéal - Attirée par les étoiles, les voiles - Que des choses pas commerciales». Le temps des vacances est aussi celui de l'abandon - de la détente, de la nonchalance - et de l'abandon de notre vie bassement matérielle et de ses intérêts. Tout à la "satisfaction" de nos "aspirations du cœur ou de l'esprit", nous retrouvons pour un moment notre naturel.

Mais «Foule sentimentale - II faut voir comme on nous parle - Comme on nous parle» continue Alain Souchon. Car dès la rentrée, le matraquage reprendra. Nous serons à nouveau bombardés : «0h la la la vie en rose - Le rose qu'on nous propose - D'avoir les quantités d'choses - Qui donnent envie d'autre chose - Aïe, on nous fait croire - Que le bonheur c'est d'avoir - De l'avoir plein nos armoires - Dérisions de nous dérisoires (...)».

«Il se dégage - De ces cartons d'emballage - Des gens lavés, hors d'usage - Et tristes et sans aucun avantage - On nous inflige - Des désirs qui nous affligent - On nous prend faut pas déconner dès qu'on est né - Pour des cons alors qu'on est - Des - Foules sentimentales - Avec soif d'idéal (...)». Une soif de bien-être, un "désir passionné et impatient" - "ardent" - de nous accomplir, de nous épanouir, de nous réaliser pleinement.

«La France ne se réalise pleinement que dans l'harmonieux équilibre» écrivait André Gide. N'est-ce pas ce qui nous manque cruellement ? N'est-ce pas ce que nous recherchons désespérément ? L'harmonie, l'équilibre, comme dans notre enfance ou en vacances. Mais «Il y a tant de vagues et de fumée - Qu'on arrive plus à distinguer - Le blanc du noir - Et l'énergie du désespoir (...)» chantait Michel Berger dans Le paradis blanc.

«Y a tant de vagues, et tant d'idées - Qu'on arrive plus à décider - Le faux du vrai - Et qui aimer ou condamner (...)». Alors peut-être faut-il mettre à profit ces quelques jours de vacances pour retrouver nos esprits, et retrouver les jours où «On voulait tout le monde refaire». Et «Recommencer là où le monde a commencé (...)- Loin des regards de haine - Et des combats de sang (...) - Comme dans mes rêves d'enfant (...)».

01/02/2019

Résister au "Métro, boulot, dodo"

II y a des phrases qui vous restent en mémoire, on ne sait pourquoi, dont vous ignorez la provenance et même l'auteur. Ainsi celle-ci : «Il n'y a que deux façons pour l'Homme de rester digne dans une station de métro. Soit il monte le dernier, soit il reste sur le quai». Quelle comparaison plus pertinente avec notre train-train quotidien, que ce mode de transport en commun, rapide et pratique, plus souterrain qu'aérien !?

«Rame, rame, rameurs ramez. On avance à rien dans c'canoë. Là-haut, on t'mène en bateau. Tu n'pourras jamais tout quitter, t'en aller. Tais-toi et rame» chante Alain Souchon. La musique adoucissant les mœurs, il n'est pas exclu que cet air soit diffusé pour tranquilliser les masses dans les rames (justement) des métros. Et de fait, le passager ne pipe pas, comme accablé ou dégoûté de tout ; se préparant à ramer.

Car qui dit métro dit boulot. En tout cas pour le travailleur-voyageur qui se rend à (ou revient de) sa "boîte". On lui dit et répète qu'il ne faut pas manquer les trains qui passent, mais prendre le train en marche. Alors il bosse dans l'espoir ténu d'une "opportunité" qui lui ferait quitter cet enfer. Parce qu'il "faut bien bouffer". Et puis il court pour ne pas rater le dernier métro ; en attendant le dodo et ses rêves réparateurs.

Après avoir travaillé comme une bête de somme, l'usager emporté par la foule, comme un animal domestiqué, suit le troupeau. Tel un zombi, il traverse les couloirs blafards du métro. Plus seul que s'il était dans un désert. Absent et las. Promiscuité, inconfort, bousculades..., voilà son triste sort. On ne saluera jamais assez la patience et peut-être aussi l'excellence du dressage qui entraînent ainsi une telle passivité.

Comme une vache regarde passer un train, il contemple avec un air abruti sa vie qui s'écoule, canalisée. Sans chercher à lui faire prendre une autre direction. De portillons en portes automatiques, de couloirs en lignes, de bouches en tunnels, perdu dans le réseau, dans le labyrinthe de ses pensées, il s'abandonne. Le métropolitain des grandes villes et des banlieues charriant ainsi ses tombereaux de moutons de Panurge.

Pour rester digne sur ce chemin de fer urbain, l'Homme n'a donc pas d'autre choix que de garder ses distances, ne pas se précipiter dans le flux migratoire, laisser passer les plus pressés d'être pressurés. Il peut aussi laisser passer la rame, et puis les autres rames, juste pour sortir des rails, emprunter des chemins de traverse, trouver sa voie. «La seule dignité de l'homme : la révolte tenace contre sa condition», écrivait Camus.