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01/02/2019

Résister au "Métro, boulot, dodo"

II y a des phrases qui vous restent en mémoire, on ne sait pourquoi, dont vous ignorez la provenance et même l'auteur. Ainsi celle-ci : «Il n'y a que deux façons pour l'Homme de rester digne dans une station de métro. Soit il monte le dernier, soit il reste sur le quai». Quelle comparaison plus pertinente avec notre train-train quotidien, que ce mode de transport en commun, rapide et pratique, plus souterrain qu'aérien !?

«Rame, rame, rameurs ramez. On avance à rien dans c'canoë. Là-haut, on t'mène en bateau. Tu n'pourras jamais tout quitter, t'en aller. Tais-toi et rame» chante Alain Souchon. La musique adoucissant les mœurs, il n'est pas exclu que cet air soit diffusé pour tranquilliser les masses dans les rames (justement) des métros. Et de fait, le passager ne pipe pas, comme accablé ou dégoûté de tout ; se préparant à ramer.

Car qui dit métro dit boulot. En tout cas pour le travailleur-voyageur qui se rend à (ou revient de) sa "boîte". On lui dit et répète qu'il ne faut pas manquer les trains qui passent, mais prendre le train en marche. Alors il bosse dans l'espoir ténu d'une "opportunité" qui lui ferait quitter cet enfer. Parce qu'il "faut bien bouffer". Et puis il court pour ne pas rater le dernier métro ; en attendant le dodo et ses rêves réparateurs.

Après avoir travaillé comme une bête de somme, l'usager emporté par la foule, comme un animal domestiqué, suit le troupeau. Tel un zombi, il traverse les couloirs blafards du métro. Plus seul que s'il était dans un désert. Absent et las. Promiscuité, inconfort, bousculades..., voilà son triste sort. On ne saluera jamais assez la patience et peut-être aussi l'excellence du dressage qui entraînent ainsi une telle passivité.

Comme une vache regarde passer un train, il contemple avec un air abruti sa vie qui s'écoule, canalisée. Sans chercher à lui faire prendre une autre direction. De portillons en portes automatiques, de couloirs en lignes, de bouches en tunnels, perdu dans le réseau, dans le labyrinthe de ses pensées, il s'abandonne. Le métropolitain des grandes villes et des banlieues charriant ainsi ses tombereaux de moutons de Panurge.

Pour rester digne sur ce chemin de fer urbain, l'Homme n'a donc pas d'autre choix que de garder ses distances, ne pas se précipiter dans le flux migratoire, laisser passer les plus pressés d'être pressurés. Il peut aussi laisser passer la rame, et puis les autres rames, juste pour sortir des rails, emprunter des chemins de traverse, trouver sa voie. «La seule dignité de l'homme : la révolte tenace contre sa condition», écrivait Camus.

11/04/2014

Les réseaux contre le bien commun

Le réseau est le nom "correct" employé à la place de ceux "incorrects" de bande, caste, cercle, chapelle, clan, classe, clique, club, coterie, mafia, secte, tribu... Ce qui réunit leurs membres : des intérêts communs. On se rend service, on se "rend la pareille". On sollicite et on procure aide, appui, bienfait, faveur... On se soutient, on se protège. On se refile des tuyaux, on est dans la combine. On se soude et on "dessoude".

L'exclusion est l'envers de l'admission. On en est ou on n'en est pas. Le parrainage est apporté à une personne sur la base de ce qu'elle peut apporter. Donnant, donnant. L'utilité est le mot-clé. «Les hommes vous estiment en raison de votre utilité, sans tenir compte de votre valeur» notait déjà Balzac. Et la complaisance fait le reste. «La complaisance (crée) des amis» écrivait Térence. Et il ajoutait : «La franchise engendre la haine».

Romain Rolland confirmait en avançant que «La plupart des amitiés ne sont guère que des associations de complaisance mutuelle». Une complaisance qui se rend coupable en "laissant faire, en acquiesçant pour ne pas déplaire". De l'indulgence à la connivence, il n'y a qu'un pas. La solidarité quand il s'agit de ne pas nuire aux autres membres ou bien de leur porter assistance, peut en effet tendre à la lâcheté et à la complicité.

La serviabilité chez ces gens-là, jusqu'à l'obséquiosité, dissimule la recherche d'un avantage personnel, d'une récompense. L'indépendance, le refus d'entrer dans ce jeu, de jouer le jeu sont très mal vus. N'avoir besoin de personne, vouloir ne rien devoir à personne sont des offenses à l'esprit de corps, l'esprit de famille, à cette dépendance qu'ils veulent imposer. Ils aiment faire tomber sous leur coupe et mettre en coupe réglée.

Mais en se servant de leur(s) réseau(x) et de ses ou leurs membres pour leur profit exclusif, à "rechercher l'intérêt de leur groupe", ils peuvent en venir à ne plus "tenir compte des règles sociales et des lois de la société". C'est le clanisme. Dans sa version soft et professionnelle : le corporatisme. Balzac encore, écrivait que «la loi de l'Intérêt général (...) est détruite par la loi de l'Intérêt particulier (...) qui engendre l'égoïsme».

Les réseaux sont des combinaisons d'intérêts particuliers convergents. Additions d'égoïsmes, ils participent à la ghettoïsation de la collectivité nationale ; un communautarisme ferment de divisions quand les intérêts divergents deviennent inconciliables. Agir uniquement par intérêt nous mène à agir contre l'intérêt des autres et nous monte les uns contre les autres, alors que, disait Camus, «Le bien public est fait du bien de chacun».