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04/11/2014

Redevenir libres, égaux et fraternels

«Liberté, Égalité, Fraternité», où ça ? «La liberté n'est qu'illusion dans un pays qui n'a plus ni Constitution, faute de séparation et de contrôle des pouvoirs, ni Etat de droit, compte tenu du naufrage de l'institution judiciaire. L'égalité est une chimère, quand les privilèges de castes et de statuts vont de pair avec la montée des discriminations et la ségrégation selon l'origine géographique et sociale, l'héritage culturel, la race et la religion.

«La fraternité est réduite à néant, alors que chemine une guerre civile de moins en moins froide entre les générations, les communautés, les races et les ethnies, alors que s'exacerbent les pulsions xénophobes.» Qui avait décidé ainsi de dire la vérité ? Nicolas Baverez, avocat, économiste et historien, auteur de Que faire ? Agenda 2007 aux éditions Perrin. «La vérité, disait Michel Audiart(1), n'est jamais amusante. Sans cela, tout le monde la dirait.»

La devise de la République française est en lambeaux. Et ceux qui ne veulent pas le voir ou ne s'en émeuvent pas, cherchent à "tuer" le porteur de la mauvaise nouvelle, comme s'il en était responsable. Réfutons les préceptes à la Henri Queuille(2) pour qui «il n'est pas de problème que le temps et l'absence de solution ne contribuent à résoudre» ou qu'«en politique, il faut moins résoudre les problèmes que faire taire ceux qui les posent».

La somme des intérêts particuliers ne fait pas l'intérêt général, désolé pour l'économiste Adam Smith. Du fait déjà d'un déséquilibre manifeste entre les citoyens : certains ont plus de poids, sont organisés en groupes de pression... La foire d'empoigne qui s'ensuit a toutefois des limites. L'Etat ne peut plus être «cette grande fiction, dont parlait Frédéric Bastiat, à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde».

«Solon, l'archonte [titre des magistrats gouvernant les républiques grecques] qui fonda la démocratie athénienne, soulignait que "la société est bien gouvernée quand les citoyens obéissent aux magistrats et les magistrats aux lois". A l'aune de cette maxime exigeante, nul ne peut manquer de conclure que la France n'est plus gouvernée» écrivait encore Nicolas Baverez, particulièrement sévère dans Nouveau monde, Vieille France chez Perrin.

«La tyrannie d’un Prince ne met pas un Etat plus près de la ruine que l'indifférence pour le bien commun n'y met une République» remarquait Montesquieu, qui disait aussi que «le droit à la différence amène toujours la différence des droits(3)». Respectueux des lois, égaux en droit, attentifs à l'intérêt de tous, telle devrait être la devise des gouvernants comme des gouvernés, unis au service d'une seule communauté : la nation.

(1)La Tragédie du Président ; scènes de la vie politique 1986-2006 - Franz-Olivier Giesbert - Flammarion (2)Accusé Chirac levez-vous ! - Denis Jeambar - Seuil (3)Lettre ouverte aux démagogues - Rachid Kaci - Editions des Syrtes

12/07/2013

C'est Mozart qu'on assassine

«Qu'on tourne et retourne comme on voudra l'histoire du monde, il y est clair que les misérables n'ont jamais été aimés pour eux-mêmes. Les meilleurs ne les souffrent ou ne les tolèrent que par pitié. Par la pitié, ils les excluent de l'amour, car la réciprocité est la loi de l'amour, il n'est pas de réciprocité possible à la pitié. La pitié est un amour déchu, avili, un mince filet de l'eau divine qui se perd dans les sables.»

Bernanos, cité ici par Alain Finkielkraut dans L'Humanité perdue - Essai sur le XXe siècle paru au Seuil, a peut-être vu juste pour ce qui est de notre fraternité affichée, ou de notre solidarité comme l'on préfère dire aujourd'hui. Au moment des vacances, où ceux qui le peuvent fuient l'enfer quotidien pour "se retrouver" dans des lieux paradisiaques, il n'est peut-être pas inutile de se rappeler l'humanité souffrante.

Dans ces occasions de repos et de réjouissance, Qui se souvient des Hommes ? pourrait-on dire en empruntant à Jean Raspail, ces hommes dont on se contente de maintenir la tête hors de l'eau mais qui semblent définitivement exclus du cercle des "heureux de ce monde". «Dans quel moule terrible ont-ils passé, marqués par lui comme par une machine à emboutir ?» s'interrogeait Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des hommes.

De quoi avons-nous peur qui nous fait faire la charité ? d'un soulèvement qui viserait à renverser le pouvoir établi dont nous nous satisfaisons ? De quelle mauvaise conscience voulons-nous nous laver en donnant ainsi de notre temps et de notre argent superflus ? La charité, parfois même ostentatoire, ne peut nous dispenser d'agir sur les causes de la misère et qui "empêchent les dons, le talent de s'exprimer".

Que faisons-nous de l'enfant plein de promesses étouffé dans l'infortuné ? Ne serions-nous pas comme ces dames d'œuvres ou patronnesses, ces femmes du monde qui se consacraient à des œuvres de bienfaisance, qui patronnaient des fêtes de charité, tout en ignorant ou en jetant un voile pudique sur les responsabilités de leur grand patron de mari et surtout du système économique dont elles bénéficiaient ?

«Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point, écrivait encore Saint-Exupéry. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C'est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné.» Et rien ne pourra lui donner sa chance, l'aider à trouver sa place et lui permettre de mener une vie digne, sinon l'amour qui me le ferait considérer comme un alter ego, un autre moi-même.