16/02/2012
Epigraphes
« (…) Dès mes premières années à l’Université, j’avais commencé à douter de l’idée que l’humanité s’orientait irrésistiblement vers le progrès. J’avais l’impression que la flamme de l’idéal brûlait plus faiblement, sans qu’on le remarquât ou s’en souciât. Que de fois j’avais constaté que l’opinion, loin de blâmer l’expression publique de thèses barbares, les acceptait au contraire, et jugeait opportune la conduite inhumaine des Etats et des peuples. Déjà le zèle pour ce qu’il est juste et équitable de faire me semblait tiède. Et je reconnaissais, à de nombreux symptômes, une singulière lassitude intellectuelle et spirituelle chez cette génération si fière de ses travaux. Il me semblait lui entendre dire ce dont elle se persuadait elle-même : que les espoirs entretenus jusque-là sur l’avenir de l’humanité avaient été placés trop haut, et qu’il faudrait bien se borner à ne poursuivre que l’accessible. (…)
« Lorsque, vers la fin du XIXe siècle, nous jetions un regard en arrière dans tous les domaines pour mesurer les progrès accomplis, nous y apportions un optimisme qui me paraissait inconcevable. Partout on semblait admettre que non seulement nous avions avancé du point de vue de la technique et des sciences, mais que, dans le domaine spirituel et moral, nous étions parvenus à un niveau plus élevé et qui ne serait plus jamais mis en question. Or il me semblait à moi que dans la vie spirituelle, non seulement nous n’avions pas dépassé les générations précédentes, mais que sur beaucoup de points, nous vivions de leurs conquêtes, et qu’une bonne part de ces biens commençait à fondre entre nos doigts (…).
« Quand je faisais part de certaines de ces idées à des amis, ils les traitaient le plus souvent de paradoxes intéressants ou de propos d’un pessimisme fin-de-siècle. Là-dessus je me renfermai complètement en moi-même. Dans mes prédications seulement je laissais parler mes doutes quant à notre culture et notre spiritualité (…) »
Albert Schweitzer (Ma vie et ma pensée (1931) - Éditions Albin Michel)
envisageant « d’écrire une œuvre intitulée Nous autres, les épigones »
peu avant la Première Guerre mondiale qui mit fin à son projet.
« (…) Et ce mépris de l’homme qui est à l’origine des crimes nazis, on en relève des traces ailleurs, dans l’archipel du Goulag, dans certaines expériences génétiques, dans l’exploitation industrielle du fœtus, dans le trafic des enfants à naître, dans l’indifférence totale des fabricants de pollution, dans l’immoralité consciente ou inconsciente des experts en manipulations psychologiques. (…) »
André Frossard - Le Crime contre l’humanité - Éditions Robert Laffont
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