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18/07/2025

Cérémonie d'ouverture des JO 2024 : du n'importe quoi dans un fourre-tout

Un an est passé. A propos de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 et du fait pour certains qu’il ne fallait pas voir ce que l’on voyait, revenons sur ce que Jacques Attali a déclaré à l’époque dans une courte vidéo, et dans un français et un raisonnement parfois approximatifs ou confus :

« Que retiendra-t-on dans dix ans de cette cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de 2024 ? Pour avoir co-organisé avec Jack Lang et Jean-Paul Goude les fêtes du bicentenaire de la Révolution française avec des centaines de chars sur les Champs-Élysées, suivis par des centaines de milliers de personnes, avec quarante-cinq chefs d’États tout autour de l’avenue, je mesure que d’abord ce qu’on retiendra, c’est qu’il n’y a rien à retenir de tragique, que tout s’est passé bien, sans difficulté, sans drame. Nous ne marquerons pas ce jour d’une pierre noire.

« Ce qu’on retiendra aussi je pense, c’est l’ensemble des transgressions qu’on y a vues de toute nature. Et dans dix ans, soit ces transgressions seront devenues naturelles et banales, et elles ne choqueront plus personne, soit au contraire, ces transgressions seront ressenties comme la mesure de ce que 2024 était un moment de décadence et que il fallait revenir en arrière.

« Nous verrons dans dix ans si la transgression est devenue ouverture vers la liberté ou au contraire si 2024 aura été un point d’inflexion vers un retour obscurantiste, nostalgique, qui aura marqué la fin d’une époque de liberté. Je ne pense pas que le pire soit le plus vraisemblable, je pense au contraire que ce qui s’ouvre ici est une période où la France aura ouvert une voie ».

Que retiendra-t-on de cette prise de parole ? Peut-être d’abord ce qu’a retenu Jacques Attali des fêtes du bicentenaire de la Révolution française, essentiellement des noms dont le sien et des chiffres censés, on imagine, impressionner. Mais impression soleil couchant. Que reste-t-il de ce bicentenaire ? Que reste-t-il de Jacques Attali, pourtant si souvent pertinent et brillant ? Une satisfaction, une autosatisfaction peut-être voire une suffisance ou une arrogance ? Et un bilan : « tout s’est passé bien, sans difficulté, sans drame », y compris pour lui, mais pour la France ? Etions-nous à la veille d’une modernité heureuse, d’une mondialisation heureuse, d’une diversité et d’un métissage heureux… ? Marquerions-nous cette époque d’une pierre blanche ?

Ce qu’il faut ensuite souligner, c’est que Jacques Attali reconnaît ce que Thomas Jolly, le directeur artistique des cérémonies des JO 2024, ne reconnaît pas ou plus ou pas toujours, soit « l’ensemble des transgressions qu’on y a vues de toute nature », la transgression étant devenue pour beaucoup d’artistes l’alpha et l’oméga de leur art, acheté par une clientèle désireuse de s’encanailler, d’être "up to date", le fer de lance, en avance sur son temps, à la pointe du progrès(essisme), et de participer à cet avant-gardisme d’opérette, car peu innovateur, ou alors que technologiquement parlant, et obsédé par la race et le sexe.

Jacques Attali malheureusement ne désigne ni ne nomme ces transgressions et il nous faut les chercher, les deviner. Quelle transgression de montrer Marie-Antoinette tenant, telle une sainte martyre, sa tête dans les mains (on dit saint céphalophore), sur de la musique métal reprenant le chant révolutionnaire : « Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates à la lanterne. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra » ?! Sa tête dans les mains, mais qui chante malgré tout d’une voix comique et à tue-tête (si l’on ose dire), peut-être pour dédramatiser la guillotine et la décapitation qui ne sont finalement qu’un mauvais moment à passer (et puis, elle l’avait peut-être un peu cherché quand même, n’est-ce pas !? Pourtant, même Jean-Luc Mélenchon s’est offusqué). Le tout avec force flammes, fumées, projections rouge sang…, et une Liberté guidant le peuple mais pas de Delacroix, plutôt une Liberté opium du peuple, asservissant le peuple et le consolant, le réconfortant des inégalités sociales.

La transgression serait de ne plus prendre la Révolution comme « un bloc dont on ne peut rien distraire » (c’est-à-dire dont on ne peut rien détacher, séparer ou retrancher mais aussi distinguer, ce qui est une insulte à l’intelligence) et de reconnaître sa trahison par la Terreur ou plutôt les terreurs. Mais il est vrai que minimiser, relativiser le sort des adversaires ou ennemis d’antan est un vieux procédé, toujours d’actualité, y compris 235 ans plus tard et y compris pour le dauphin par exemple, Louis XVII, un enfant de dix ans passé par pertes et profits. On parle d’un régicide, celui de Louis XVI, mais il y en eut en fait deux : « Dansons la Carmagnole, Vive le son, Vive le son… ».

Et comme « Léa qui dit toujours : qu’importe la destination tant qu’y a du son » (dans une publicité Volkswagen), c’est le son qui compte. « (…) Ce qu’ils appellent réussite c’est le bruit qu’on fait et le fric qu’on gagne » écrivait Simone de Beauvoir dans Les Mandarins. Peu importe le but, la finalité et même la raison d’être : la justification ou le sens profond de tout cela. L’intensité ne peut être que sonore ou visuelle (Thomas Jolly a d’ailleurs reçu le Molière de la meilleure création visuelle et sonore en 2023). Tout est superficiel, très narcissique et ne mène nulle part, avec cette culture club, ce clubbing, et cette manie de réduire "la fête" à "nightclubs et dancefloors", de la danse (répétitive) sur de la dance (répétitive), sono à tout casser, vidéos, spotlights, fumigènes et lasers.

Thomas Jolly dit avoir « voulu faire une cérémonie qui répare, qui réconcilie » mais qui répare quoi, qui réconcilie avec qui ? On ne le saura pas, même si bien sûr l’on subodore une fois de plus des souffre-douleurs ou des martyrs dans le passé, tout un ressenti (et le ressenti-ment), où se mêlent froissements, vexations et offenses, et un repentir à n’en plus finir pour les "descendants" de leurs "bourreaux", allez au hasard : les hommes blancs et hétérosexuels. Expiation et pacification à la Hunger Games sous les assauts d’un terrorisme intellectuel qui, dans sa forme doucereuse et spectaculaire, dit le bien et le mal, le vrai et le faux, le juste et l’injuste…, pour faire culpabiliser, mais aussi impressionne, c’est-à-dire frappe, touche pour influencer ou intimider.

La « grande fête païenne » que Thomas Jolly revendique dans la partie centrale, confirme en tout cas la résurgence depuis des années du paganisme comme succédané du religieux ou retour au religieux archaïque, d’avant les religions monothéistes, somme toute assez logique en ces temps de planète à sauver, de "reconnexion à Mère Nature", aux forces naturelles ou cosmiques et telluriques… Où chacun se fait sa religion de tout, se fait une religion à sa mode, se fait sa petite religion à Soi, Saint crétin du syncrétisme, avec un peu de panthéisme, d’animisme, de polythéisme…, des esprits et divinités multiples et toute sorte de superstitions. Tout ceci finalement se ramenant à une religion du "moi, personnellement, je", "nombril du monde" se prenant pour un dieu venu au monde pour en jouir, et ne pouvant souffrir de voir la recherche de son bon plaisir contrariée, voyant même de l’hostilité dans toute gêne ou tout gêneur.

Le jouisseur, obsédé par les jouissances matérielles de la vie, peut être un hédoniste ou un épicurien, il peut être aussi un bon vivant ou un fêtard, un noceur, un bringueur, un teufeur, il peut être encore un libertin ou un débauché. Dans les tableaux centraux de la cérémonie d’ouverture des JO 2024, tous ces types de jouisseurs sont présentés, entre défilé de mode et carnaval bigarrés, entre bacchanale et orgie sous les auspices de Dionysos, avec personnages équivoques, interlopes (entre Bacchantes ou Ménades et satyres), outrageusement fardés ou sapés et pouvant représenter ou suggérer ce qu’on appelait avant les transvertis, les rôles intervertis ou les invertis, toutes les minorités sexuelles possibles et imaginables (avec toutes les combinaisons possibles d’identité de genre et d’orientation sexuelle).

C’est tout un petit monde de la fête et de la nuit, un demi-monde fait de demi-mondains, mis au jour, mis en pleine lumière. Au-delà de l’exposition des LGBTQIA+ (comprendre : des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexes, asexuels, etc.) et des différentes races, ce sont aussi des drag-queens, des androgynes, une femme à barbe, une obèse…, soit le tout-venant des milieux un peu vite qualifiés d’artistiques ou culturels, plus précisément du milieu de la nuit. Sorte de Cour des Miracles réunissant tous les reclus de la société, mais ces reclus n’en sont plus, ils sont dans nos sociétés médiatisés et surexposés sur toutes les scènes et dans toutes les arènes publiques et ont nul besoin de gilets jaunes pour être visibles ; plus rien de transgressif donc, en tout cas pour l’Occident, mais un Occident vu comme décadent par le reste du monde, le Sud global, qui doit donc, si l’on comprend bien nos commentateurs professionnels, être peuplé d’une majorité de réactionnaires et d’extrémistes de droite.

Pour résumer, et Thomas Jolly le dit en substance, la cérémonie d’ouverture des JO 2024 se caractérise par le mélange des genres et la "fixette" sur le genre, selon une bible de la modernité actuelle appliquée à une bonne partie de la création artistique, et « il y a dans la création artistique une force religieuse et moralisante » comme l’écrivait l’historien Jules Michelet dans son Journal. Thomas Jolly s’est fait le grand prêtre, c’est-à-dire le ministre sacré présidant à la conception des cérémonies du culte olympique en imposant ses vues et celles de minorités particulières se jugeant discriminées, comme si seules l’origine et l’orientation sexuelle donnaient lieu à discrimination. Et aujourd’hui auréolé de sa gloire, de ses vertus, récompensé d’un Molière d’honneur inédit dans l’histoire des Molières, il est comme le cheval au galop sur la Seine, lévitant 10 cm au-dessus de la surface et courant pour faire fructifier, tirer bénéfice.

En quoi rendre visibles, mettre en avant des minorités ou des groupes marginaux constitue un immense progrès, ou le fait d’être visibles, représentés, une liberté fondamentale ? Est-ce là la transgression ? A moins de vouloir démocratiser le marginal, généraliser l’exception, vivre tous ses fantasmes…, ce qui serait là pour le coup transgressif et subversif. Tout le monde bisexuel et partouzard, polygame ou polyandre, à se déhancher dès qu’on peut sur un dancefloor ou un podium (pardon, un catwalk, c’est tellement plus chic en anglais), etc. La liberté se nicherait donc là essentiellement, voire ne nicherait que là, dans le choix de son sexe, de son genre, de son orientation…, bref, de sa vie intime (qui selon certains devrait être politique), et dans le fait de pouvoir se montrer (avec ostentation), de pouvoir être vu, s’offrir à la vue : une vision imposée à l’autre, ou recherchée par l’autre. Être vu et voir, l’éternelle rencontre de l’exhibitionnisme et du voyeurisme, à son paroxysme dans notre société perverse de la mise en scène de soi, de sa vie. Où tous les moyens sont permis pour émouvoir autrui, le captiver et emporter son adhésion.

Et l’obscurantisme que redoute Jacques Attali, serait donc quoi ? Une vie de couple et en famille ? Trouble dans le couple, vive le "trouple" ! A trois dans le sens "plan à trois", qui, au fait, n’a rien à voir avec « le triangle amoureux » dans la littérature. Ou l’obscurantisme serait d’invisibiliser, de laisser dans les marges les marginaux, de ne pas mettre en avant, mettre en valeur des minorités particulières jouissant pourtant (à peu de chose près) des mêmes droits ? Que vient donc faire ici, face à la liberté, l’obscurantisme (opposition à la diffusion du savoir, des connaissances scientifiques, de la culture, des Lumières…, intolérance, étroitesse d’esprit, superstitions, croyances) ? On peut critiquer l’affichage, l’étalage, cet excès et cette prétention, sans empêcher. On peut même émettre un jugement négatif sans condamner. Ou l’obscurantisme dont il s’agit, serait-il, comme si souvent, religieux (Ah ce sentiment de supériorité chez certains athées !) ? En tout cas, il ne semble pas que le « retour obscurantiste » de Jacques Attali fasse référence à ce "progressisme" dit "éveillé" qui rejette notamment des enseignements des sciences biologiques ou médicales, et venant notamment de professeurs d’université et d’étudiants censés être sensés. Avec aussi cette "construction sociale" évoquée à tout bout de champ et donc, aussi incroyable que cela puisse paraître, à propos de la race et du genre. Avec enfin cette "irresponsabilisation" généralisée de ces minorités, non coupables par principe. Vertige de l’irrationnel.

L’idée fixe ou la manie de la diversité sexuelle et de genre (sans oublier la diversité raciale), rend compte de la situation et de l’expérience personnelles de ces militants, et pour tout dire de leur égocentrisme. Monomaniaques, tout à leur auto-analyse, ils promènent leurs états d’âme, identités, orientations, déséquilibres, failles… en bandoulière, les impose à tous comme s’ils étaient le centre du monde ou investis d’une mission : propageant leurs doctrines, prêchant la bonne parole et pour leur paroisse, dans le but de gouverner les esprits, régir, manœuvrer, dominer, régenter. Cette idée fixe ne serait pas gênante si elle ne conduisait pas à une surreprésentation de ces minorités et si ce n’était pas la seule diversité permise. Or, aucune autre divergence n’est permise. Chacun n’en fait qu’à sa tête mais on ne veut voir qu’une seule tête. Aucune voix discordante ! Et donc quid de la liberté d’expression, autrement plus importante qu’une liberté de faire reconnaître comme légitime n’importe quels envie, désir, besoin, tentation, caprice, lubie ou fantaisie ? Ceux qui se disent par exemple "mal dans leur corps", ne faudrait-il pas envisager l’hypothèse qu’ils sont peut-être plus précisément et pour une part "mal dans leur tête" ? Mais puisqu’agir sur la tête est impossible pour le moment et qu’agir sur le corps est possible techniquement, l’on choisit d’accéder à leurs demandes de transformation de leur corps, de leur apparence.

Dans Itinéraire de l’égarement au Seuil, Olivier Rey écrit : « L’idéal moderne de liberté, l’affranchissement de la tradition pour mener sa vie propre, authentique, pour être soi-même - comment cela a-t-il pu déchoir en liberté de choisir le lieu de ses prochaines vacances ? La vie ressemble à une simple mise bout à bout d’émotions, sans autre sens que l’angoisse d’un arrêt. (...) Comment en sommes-nous arrivés à cette monstrueuse insignifiance ? Comment avons-nous pu à ce point nous fourvoyer ? ». On peut remplacer la « liberté de choisir le lieu de ses prochaines vacances » par la liberté de se travestir, la liberté de se dire tout ce qu’on veut en matière d’identité sexuelle et de genre, la liberté de soi-disant "changer de sexe", etc. Comment a-t-on pu vider de son sens l’existence en accumulant les outrances et les transgressions des limites et des normes éthiques, de notre système de valeur, de nos règles de conduite, de nos principes moraux qui permettaient la vie en société, une vie harmonieuse ? « Quand la borne est franchie, il n’est plus de limite, Et la première faute aux fautes nous invite » (François Ponsard). Et l’on passe ainsi de l’exception qui confirme la règle à l’exception qui devient la règle. Et quand tout est transgression (déconstruction) plus rien ne l’est, sauf le retour à une époque de liberté responsable et non anarchique, où pour reprendre une formule répétée par nos parents : « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ».

La plus grande transgression de la partie centrale de la cérémonie d’ouverture des JO 2024, ce sont les JO eux-mêmes. Soit : des sportifs repérés et sélectionnés sur leurs aptitudes et leurs résultats, suivant des entraînements exigeants, intensifs visant à l’excellence, au dépassement de soi, avec une discipline, une hygiène de vie, un sens de l’effort, une persévérance, le respect de leur entraîneur, de leurs adversaires et des règles. Des sportifs fiers de porter les couleurs de leur pays, saluant leur drapeau, chantant leur hymne national, encouragés sur le seul critère de l’appartenance à la même nationalité, de l’amour de la patrie, par des supporters partiaux, parfois à la limite du chauvinisme, et pourtant parfaitement respectueux des autres nationalités, le tout, malgré la compétition, la rivalité, dans une atmosphère de camaraderie, d’amitié et même de fraternité. Des sportifs jugés uniquement sur leurs scores, leurs victoires, leurs performances, leurs records durant des épreuves, sans qu’aucun autre critère (racial ou sexuel par exemple) n’intervienne de quelque façon. Ils sont ce qu’ils font. Tous sont salués, les meilleurs, les plus grands champions sont honorés ; il y a un classement, une hiérarchie. Sur des podiums, des récompenses, des prix sous forme de médailles ici, de coupes ailleurs et de rétributions sont remis, différentes suivant la place, la position, le rang. Le bienfait du "haut niveau" : l’émulation (par l’exemple) pour donner le meilleur de soi-même. Comme tout irait mieux dans notre société si plutôt que de tirer vers le bas l’on visait toujours à aller « plus vite, plus haut, plus fort - ensemble ».

Mais retour vers le bas, tant sur la forme que sur le fond quand on voit la pauvreté intellectuelle et morale de ces quelques tableaux. Pour comprendre les visées du projet, il faut aller au cœur des minorités actives qui sont autant de groupes de pression. Le magazine Têtu· de la communauté LGBTQIA+ se glorifie le 30 juillet 2024 de cette « Cérémonie d’ouverture des JO » comme s’il était partie prenante : « Paris, phare queer universel » s’extasie Thomas Vampouille, directeur de la rédaction (le mot queer désignant les minorités sexuelles et de genres). Alors que les débats et polémiques médiatiques battent leur plein en s’interrogeant sur les intentions ou le sens de ce grand "gloubi-boulga", pour Têtu·, c’est on ne peut plus clair. Il y voit « l’incarnation d’un universalisme queer » et poursuit : « chez Têtu, nous n’avions aucun doute. Confiée à Thomas Jolly, dont nous suivons depuis longtemps le travail, la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 s’annonçait comme une pièce de théâtre surdimensionnée célébrant l’ouverture et la diversité ». Mais "ouverture" à qui ou à quoi ? Et de quelle "diversité" parle-t-il ? Réponse : « Reines de la pop mondiale, drag queens, voguing et waacking sur le catwalk… Le bingo que nous avions échafaudé en amont de ce vendredi 26 juillet a été plus que respecté (…) ». Et de « saluer des visages connus de la rédaction » (mais parfaitement inconnus de la plupart des gens) dont des « queens », des « étoiles », une « mannequin », une « DJ », des « danseuses »… (sans doute tous membres de la communauté LGBTetc., tellement diverse et ouverte). Pour conclure par un « Bref, surpassant l’Eurovision, l’ouverture de Paris 2024 est la plus grande fête queer de l’histoire de la télévision mondiale ». Voilà, tout est dit et c’est en effet on ne peut plus clair.

Devant ces spectacles "communautarisés", dans le sens de réservés à une ou des communautés minoritaires, parler d’universalisme républicain ne manque pas de sel. Après avoir « été désigné personnalité de l’année à la Cérémonie des têtu· 2024 », Thomas Jolly a répondu le 5 décembre 2024 à une longue interview dans le même magazine. Question de Têtu· : « Quand on a su que tu dirigeais les cérémonies, chez têtu· on s’est réjoui parce qu’on s’est dit qu’il y aurait du queer ; et quand on a regardé la première, ça dépassait encore nos espérances ! Tu avais conscience que tu produisais un manifeste queer ou ça s’est produit sans faire gaffe ? ». Réponse : « Évidemment j’ai fait gaffe à tout, puisque ces cérémonies sont passées au crible de plusieurs instances : le Comité international olympique, le comité français d’organisation des JO, la présidence de la République… Donc rien n’est laissé au hasard (…) ». Là encore, c’est clair et même limpide. Et continuant dans sa foulée, Têtu· affirme même que « (…) la culture queer est un pilier des arts vivants… (sic) » et Thomas Jolly « (…) que, de notre côté, il n’y avait aucune autre idéologie que l’idéologie républicaine (resic) ». Quant aux critiques émises : « le signe d’une homophobie criante », « Mais c’est intéressant de voir qui, finalement, n’aime pas la République… », « Ce que nous avons montré ce soir-là, c’est un autre récit que celui qu’on nous imposait, mais c’est bien la France telle qu’elle est », « la droite réactionnaire veut réduire la culture française à une petite partie qui correspond à son prisme ».

Le directeur artistique des cérémonies des JO 2024 se rend-il compte que la plupart de ses argument peuvent se retourner contre lui, car finalement, qui a imposé un récit ? qui a réduit la culture française à une petite partie ? qui n’aime pas la République ? Sa vision de l’universalisme républicain est en effet plus que discutable. Arrêtons-nous donc sur quelques phrases. « Il faut peut-être déjà se dire que plusieurs minorités qui s’additionnent, en réalité ça fait une majorité. » « Tout au long de la cérémonie, on a fait se rencontrer des singularités, des générations, des cultures, des genres, des sexualités, des origines, etc. Et ça a provoqué un sentiment d’unité. » « (…) Chacun est porteur d’une culture, d’une singularité qui doivent non seulement être respectées, considérées, mais aussi exprimées. Et nos singularités nourrissent l’universalisme français (…). » Que répondre à cet esprit perdu de la République ? D’abord, son « projet » n’est pas « représentatif de la France diverse » comme il le dit dans le magazine Têtu·, car il choisit les diversités qui l’intéressent et dont il fait partie. Et puis, "la reconnaissance des identités particulières" renvoie à notre condition humaine. Chacun a besoin de reconnaissance, mais d’une reconnaissance non pas fondée sur son identité personnelle, sur ce qu’il est (par sa naissance notamment), mais fondée sur ce qu’il fait en paroles et en actes (par sa vie). En République française, on ne peut être renvoyé à "d’où on vient". Héritage de la philosophie des Lumières, l’universalisme républicain s’oppose aux particularismes. Et ces tableaux au cœur de la cérémonie d’ouverture des JO 2024 sont la nième illustration de « l’abandon, de fait, du modèle républicain » que déplorait Marcel Gauchet dans Comprendre le malheur français. Mais qui en est conscient ou qui s’en préoccupe ?

Quant à ce qui a mis le feu aux poudres concernant la supposée représentation grand- guignolesque de la Cène (dernier repas de Jésus-Christ avec ses disciples avant son arrestation et sa mise à mort), ce n’est pas contrairement à ce que dit Thomas Jolly le fait de la droite réactionnaire, mais un post du diffuseur officiel des JO France Télévisions, sur son compte X, qui l’a revendiqué avec une photographie :

« Une mise en Cène LÉ-GEN-DAIRE.  » 

Un post qui a été supprimé suite aux réactions desdits réactionnaires. On imagine donc que Jésus-Christ serait représenté au centre par cette femme (si c’en est une ?) "juste un peu enveloppée" et tatouée, rehaussée d’une sorte d’auréole et, on l’espère, lesbienne, ce qui serait un plus. Autour : drag-queen, femme (ou pas) à barbe et autres "joyeusetés" en guise de disciples. Il faudrait vraiment être bégueule pour être choqué.

L’imposture de la démarche et son ridicule (qui ne tue plus ou dont la peur n’existe malheureusement plus) sont en quelque sorte révélés par les réflexions, si l’on peut dire, de Thomas Jolly le 12 septembre 2024 au journal Le Monde, concernant Jeanne d’Arc, qu’il voit comme « une des plus grandes travesties de notre Histoire » (sic), ajoutant péremptoire (alors que c’était un chef d’accusation important mais parmi soixante-neuf autres dont hérésie et sorcellerie) : « Jeanne d’Arc n’a-t-elle pas été condamnée parce qu’elle était vêtue en homme ? », pour en conclure que « notre culture est faite de cette fluidité de genres » ; rien que ça. La Pucelle d’Orléans devenant La Drag-Queen du XVe siècle (et pourquoi pas la Queen de Charles VII pendant qu’on y est ?), il fallait oser (et c’est même à ça qu’on les reconnaît…). Tout cela se résume en fait à des provocations, car on ose espérer tout de même qu’il n’y croit pas vraiment à ses élucubrations. Jeanne d’Arc ne se travestissait pas en homme, elle mettait les vêtements prévus à l’époque pour faire la guerre, et il s’avère qu’à ladite époque, c’étaient les hommes et uniquement eux pour ainsi dire, qui faisaient la guerre et y mourraient. Depuis, immense progrès, ce n’est plus un privilège machiste, viriliste, patriarcal, sexiste, etc., de mourir à la guerre. Fort heureusement, les femmes (y compris à barbe), les non binaires, les travestis, les drag-queens, etc., peuvent dorénavant à égalité faire la guerre et y mourir de fort belle manière, mais pas habillés, pas maquillés, pas manucurés et pas chaussés comme ils, elles et "iels" l’étaient lors de ces tableaux tellement illustratifs de la France du bon goût, de l’élégance, du raffinement (à la française). Où étaient l’élévation ou la distinction ? Réponse : dans beaucoup d’autres tableaux, nous sommes d’accord, qu’on pourrait estimer, allez au doigt mouillé, à 86 % du total, soit le même pourcentage (Tiens ! Ça alors !) que celui des Français trouvant très (44 %) ou plutôt (42 %) réussi ce spectacle, selon un sondage de l’institut Harris Interactive, dont l’enseignement principal est que seulement un peu plus de 4 (télé)spectateurs sur 10 l’ont trouvé "très réussi" (les synonymes de "plutôt" étant : moyennement, passablement, relativement…). Qu’ont donc trouvé raté ces 42 % (+ 14 %) ?

Dans dix ans, pour répondre à la question de Jacques Attali, il ne restera sans doute de cette cérémonie d’ouverture des JO 2024 que quelques vagues souvenirs liés probablement à une ou des personnalités, à un geste ou un symbole fort. Un clou chasse l’autre. Entre temps, il y aura eu deux cérémonies d’ouverture de Jeux Olympiques, plus toutes celles des JO d’hiver, des coupes du monde de football, etc. Le trop-plein efface tout. Il n’y a plus que les orgueilleux pour croire à une quelconque postérité. Ils croient entrer dans l’histoire, leurs noms sont écrits dans des livres, mais plus personne ne s’y intéresse et ne les lit. La terre tourne, les têtes tournent, et l’oubli fait son œuvre. Tout passe et seules les plus grandes œuvres du patrimoine artistique et culturel restent. Les cérémonies d’ouverture ou de clôture des JO n’en font pas partie.