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17/05/2019

Le bon temps des troupeaux transhumants

C'est le temps de la transhumance. Les troupeaux prennent le chemin des alpages, là-haut sur la montagne, cloches tintinnabulantes. Des touristes suivent parfois, heureux de renouer avec un rite ancestral à l'heure des beaux jours, et de retrouver le sentiment de s'élever tout simplement en refaisant des gestes d'antan qui avaient tout leur sens.

Comment des actes si simples peuvent-ils ainsi vous remuer intérieurement ? Peut-être parce qu'ils restituent le temps où l'on prenait le temps, où le temps n'était pas de l'argent, où l'on ne gaspillait pas son temps avec des fadaises... Chacun allait son petit bonhomme de chemin, sans se presser car qui voulait aller loin devait ménager sa monture, et l'on voulait aller loin.

L'important était de durer et non de brûler sa vie. Les générations s'entraidaient, se succédaient, se supportaient aussi. La sagesse des anciens tempérait la fougue des plus jeunes. Dans les villages, on s'épiait certes, on s'enviait parfois, on se querellait aussi, mais l'on vivait en harmonie avec la nature que l'on domptait sans la brusquer, avec infiniment de respect.

Le rythme du jour et de la nuit, des saisons qui passent, du pas lourd des chevaux et des animaux domestiques, donnait le tempo. Rien ne servait de courir, il fallait partir à point. Et l'on partait souvent dès l'aube, et l'on revenait avant la nuit. L'hiver au coin du feu était réparateur. Le froid purifiait la terre et figeait la vie jusqu'au retour du premier temps : le printemps.

Le travail ne manquait pas et l'on maîtrisait son outil de travail. Le dimanche, on allait à la messe tout endimanché. On venait parfois de très loin. Cela aussi avait un sens. On causait au bistrot, on s'enguirlandait, mais au moins on disait ce qu'on pensait. On aimait à rire, on aimait à boire, on aimait à chanter avec tout le monde, tout le petit monde de son pays que l'on connaissait.

C'était avant les grandes guerres, les grandes villes, les grandes usines, les grandes migrations. Avant que des grands troupeaux de femmes et d'hommes déracinés soient envoyés à l'abattoir, parqués dans des cages à lapin ou enchaînés au travail à la chaîne. Aujourd'hui, leurs descendants viennent voir les troupeaux qui transhument, et ils se souviennent du temps où l'on espérait les temps nouveaux.