Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/01/2019

Pauvre démocratie

 

Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour s'apercevoir que notre démocratie est minée dans ses fondements. Et cela fait des décennies que des voix autorisées tentent d'y porter remède. En vain : les voix les plus autorisées ne sont pas les plus écoutées en France. L'autorité de compétence dérange les pouvoirs établis ; pour beaucoup établis sur d'autres critères que la compétence. Pour y voir plus clair, il est nécessaire comme toujours de remonter dans le temps, et notamment à l'année 2000.

 

Le 14 juillet 1999, Jacques Chirac se déclarait hostile à une réduction de la durée du mandat présidentiel. Un an plus tard, il l'appelait de ses vœux au nom d'une certaine idée de la... modernité. Il ajoutait qu'il était opposé à toute autre modification de la Constitution tout en souhaitant une revitalisation de la démocratie.

Non au débat parlementaire et aux amendements, mais oui au référendum, sans explications contradictoires, ni enjeux politiques clairs, ni véritable opposition. Et le résultat fut une abstention record ; quoi d'étonnant ? Ce «gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple» (principe de la République) montrait son vrai visage : celui d'une démocratie illusoire où la Constitution et les Institutions paraissent utilisées comme des «dérivatifs», selon le terme employé par Maurice Schumann* dans un bulletin du Centre d'information civique.

C'est d'ailleurs dans ce bulletin que M. Schumann citait les propos tenus le 25 avril 1969 par le général de Gaulle au sujet de la réduction de la durée du mandat présidentiel : «La Constitution est probablement ce que je lègue de plus important à la France. Or, une brèche irréparable lui sera portée si la durée du mandat présidentiel devient égale à celle du mandat parlementaire. Autant vaudrait en revenir tout de suite au régime des partis».

Jean-Christian Barbé, alors président du Centre d'information civique, en appelait en 1993 à «la redistribution du pouvoir et à la participation effective du citoyen à l'exercice du pouvoir». Sans cette adaptation, il craignait que les Français ne sortent «de la passivité que pour défendre des privilèges surannés et des structures archaïques». Alors que «le peuple veut l'explication, connaître et comprendre pour se déterminer». D'où sa proposition d'instaurer le référendum législatif, et non plus seulement constitutionnel, avec un véritable «droit d'initiative» du peuple pour intervenir dans la confection des «lois ordinaires». D'où aussi son souhait d'une réforme du Code électoral afin que le vote blanc soit reconnu comme suffrage exprimé.

Les Français semblaient avoir décelé un caractère superficiel ou opportuniste à ce référendum sur un quinquennat «sec», sans revalorisation du Parlement c'est-à-dire de la démocratie représentative qui est en fait une «abdication» du citoyen. Ils demandaient peut-être tout simplement à être pris au sérieux et à sortir de cette «apparence de démocratie» pour rentrer dans une démocratie directe où ils pourraient s'exprimer sur de vraies réformes.

Dix-neuf ans plus tard, vingt-six ans plus tard, notre système politique est tout aussi verrouillé et la sclérose s'étend à d'autres sphères. Une démocratie bloquée et contrôlée dans une société pour partie figée. Et la crise actuelle dans sa gestion gouvernementale et médiatique tout comme les sondages ne laissent présager que la perpétuation de ce système. Pour l'instant.

 

*Rappelons que Maurice Schumann fut entre autres un gaulliste de la première heure, porte-parole de la France libre à la BBC, député, sénateur, secrétaire d'Etat, ministre plusieurs fois et académicien.

 

 

30/01/2018

Des mythes à la réalité

«II y a trois sortes de mensonges : les petits mensonges, les gros mensonges et les statistiques» constatait Marc Twain. Il en va ainsi dans nos sociétés évoluées où, de petits en gros mensonges, les dirigeants tentent d'imposer "leurs" vues aux populations grâce à des chiffres et sondages soigneusement choisis et présentés, qui aboutissent à schématiser et à ne plus rendre compte de la réalité.

Le réel est de plus en plus complexe. Le réduire à quelques données relève de la manipulation. Tout comme réduire à un duel, une campagne électorale ou militaire. Un duel, voilà bien une situation simple pour ne pas dire simpliste, qui a les faveurs des médias audiovisuels - qui font l'opinion - et des acteurs des deux bords. Un duel comme dans l'Ouest américain, avec le bon et le méchant.

Pour le militant ou le militaire, le bon c'est celui de son camp, forcément. Le méchant du camp adverse a tous les défauts. Il est trop ceci ou pas assez cela. Le bon, lui, a toutes les qualités. "C'est l'homme providentiel, l'homme dont le pays a besoin pour faire entendre sa voix dans le concert des nations." Hourra ! Vive Nous ! Garde-à-vous, salut aux couleurs et hymne national.

Un homme seul ne dirige plus rien de nos jours, ou alors une structure à taille humaine. Très vite, le dirigeant est conseillé, orienté, "contraint et forcé". Qui dirige qui ? c'est la question qu'on serait en droit de se poser. Le chef d'un Etat n'est pas maître de son destin ni de celui de son pays. Et s'il domine quelque chose, c'est au mieux en apparence son sujet, et moins la situation et ses responsabilités qui le dépassent.

Pour rester dans les mythes du western, John Wayne, grand acteur américain, voyait en Jimmy Carter élu à la présidence des Etats-Unis, «un homme ordinaire prendre en main des responsabilités extraordinaires». Les mythes ont disparu, les grands hommes avec eux. II ne reste plus que des hommes bien ordinaires, avec leurs qualités et leurs défauts, qui tiennent leur rôle comme ils peuvent.

Et les populations découvrent peu à peu, malgré les chiffres, les sondages, et les petits et gros mensonges, que le prête-nom qu'est devenu le président d'une grande nation, ne peut pas grand-chose. En schématisant un peu : il présente bien et fait ce que les circonstances, les influents ou les experts lui dictent de faire. Un pays développé est ainsi bel et bien dirigé, mais pas par son président.