Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/03/2019

L'euro à défaut d'Europe

Il faut se rappeler le début du mois de janvier 2002, se replacer même dans l'époque pas si lointaine où l'on pouvait rire encore de nous-mêmes, de nos sottises, de notre naïveté...

"L'euro est arrivé, sans se presser, le bel euro, le grand euro, avec son qui veut dire Euro. Euro, euro, renard rusé qui fait sa loi ; euro, euro, vainqueur, tu l'es à chaque fois". Voilà ce que l'on pouvait s'amuser à fredonner : un petit pot-pourri de chansons sur l'air de Zorro, en l'honneur d'une monnaie unique qui à force d'être annoncée, avait fini par lasser. Car aussi incroyable que cela puisse paraître, en matière d'événement, l'euro, ce fut zéro !

Fallait-il que nous soyons revenus de tout pour que la disparition du franc n'éveille en nous aucune tristesse, et que l'apparition de l'euro ne donne lieu à aucune liesse ! Pas de manifestation de grande envergure, de cérémonie en grande pompe, chacun y allait de ses lieux communs et plaisanteries en tout genre. Face à ce tournant de l'histoire, nous étions aussi blindés que la porte de la Banque centrale.

A moins que plus prosaïquement, l'événement ne méritait pas que l'on s'y attarde. Et mis à part quelques illuminés embrassant les nouveaux précieux billets, chacun remettait à sa place ce qui n'était en fait qu'une vulgaire histoire d'argent. Le temps d'un voyage qui pensait-on se prolongerait, nous étions confrontés à une monnaie inconnue qui ne nous demanderait que quelques semaines pour être apprivoisée.

Mais exceptée la monnaie, rien n'avait changé. Les prix semblaient être restés à peu de choses près les mêmes et nos revenus n'avaient pas augmenté. La vie reprenait son cours, bien loin des fluctuations des cours de l'euro. De tous côtés, ne l'oublions pas, on nous promettait la stabilité, la croissance, le plein emploi, la convergence des économies européennes (!) ; on nous promettait la facilité dans nos déplacements, dans nos paiements ; on nous promettait une mobilité plus grande.

Combien étions-nous et sommes-nous à voyager régulièrement dans les douze pays de "l’Euroland" d'alors, les dix-neuf d'aujourd'hui, à y travailler tous les jours, à y acheter fréquemment des biens ou des services ? Combien étions-nous et sommes-nous à vouloir ou à pouvoir y voyager, travailler ou acheter ? Si l'euro ne pouvait que favoriser les échanges, l'Europe pouvait-elle se réduire à un vaste espace marchand et l'Européen à un simple consommateur ?

Tout se vend et tout s'achète dans le grand commerce européen. Et l'euro n'était qu'un problème technique à surmonter. Bientôt nous n'en avons même plus parlé, occupés que nous étions à en gagner et à en dépenser. Sans autre horizon. A l'image de cette Europe gérée à la petite semaine et vide de sens, qui confondait (et confond encore) la fin et les moyens. L'euro en était un, mais la seule question qui valait était : "quelle finalité pour l'Europe ?". Jusqu'à cette crise profonde de l'Union européenne.