15/04/2014
L'esprit mercantile
«Tels sont les inconvénients de l'esprit commercial. Les intelligences se rétrécissent, l'élévation d'esprit devient impossible. L'instruction est méprisée ou du moins négligée et il s'en faut de peu que l'esprit d'héroïsme ne s'éloigne tout à fait. Il importerait hautement de réfléchir aux moyens de remédier à ces défauts.» Qui parle ainsi ? Adam Smith, "le pape du libéralisme" comme l'écrit Jacques Julliard dans son livre Le Malheur français chez Flammarion.
Cet économiste du XVIIIe siècle parlait d'or. Plus de deux siècles plus tard, nous ne pouvons que constater l'envahissement de «l'esprit commercial» avec ses «inconvénients», ses «défauts» qui ne trouvent aucun remède ; peut-être parce que, tout simplement, nous n'en cherchons pas. «Il importerait hautement de réfléchir» conseillait Adam Smith, mais en avons-nous encore la faculté, la liberté, et si oui, en avons-nous la volonté ?
Un père disait à son fils : «Si tu ne vis pas comme tu penses, tu penseras comme tu vis», raconte Michel Godet dans son ouvrage Le Choc de 2006 chez Odile Jacob. Il est bien possible que nous pensions comme nous vivons, que notre façon de vivre décide de notre façon de voir. Et l'intendance qui devrait suivre, maintenant précède : les questions matérielles, économiques ne sont plus subordonnées aux décisions politiques.
Nous parlons, décidons et agissons avant de réfléchir, "sur des coups de tête", pendant que les logiques de l'économie de marché s'insinuent dans toute la société et influent son organisation. Cette transformation de tout en produit ou service commercial, tout devenant ainsi matière à profit, rend la vie en société impossible. Car entraîné à ne chercher que son profit, l'homme peut se muer facilement en profiteur, mesquinement intéressé.
"Il n'y a pas de petits profits", voici résumé en une phrase l'esprit de notre temps. Un économiste, François Perroux, cité aussi par Jacques Julliard qui le qualifie de libéral authentique, écrivait en 1951 dans Le Capitalisme aux Presses universitaires de France : «Toute société capitaliste fonctionne régulièrement grâce à des secteurs sociaux qui ne sont ni imprégnés, ni animés de l'esprit du gain et de la recherche du plus grand gain.
«Lorsque le haut fonctionnaire, le soldat, le magistrat, le prêtre, l'artiste, le savant sont dominés par cet esprit, la société croule et toute forme d'économie est menacée. Les biens les plus précieux et les plus nobles dans la vie des hommes, l'honneur, la joie, l'affection, le respect d'autrui, ne doivent venir sur aucun marché.» Nous aurions été bien avisés d'écouter ces avertissements au lieu de nous abandonner à l'esprit mercantile.
11:06 Publié dans Déclin, Profit/Cupidité, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esprit commercial, intelligences, élévation d'esprit, instruction, esprit d'héroïsme, adam smith, jacques julliard, le malheur français, éditions flammarion, faculté de réfléchir, liberté de réfléchir, volonté de réfléchir, michel godet, le choc de 2006, éditions odile jacob, façon de vivre, façon de voir, l'intendance précède, questions économiques, décisions politiques, logiques de l'économie de marché, organisation de la société, produit commercial, service commercial, matière à profit, vie en société impossible, profiteur, il n'y a pas de petits profits, françois perroux, le capitalisme, presses universitaires de france, société capitaliste, secteurs sociaux, l'esprit du gain, recherche du plus grand gain, haut fonctionnaire, soldat, magistrat, prêtre, artiste, savant, marché | Facebook |