15/03/2013
Science sans conscience
Le constat fait il y a trois jours, du mépris longtemps de tout principe de précaution dans le domaine des produits chimiques en Europe, est valable également pour les États-Unis. En tout cas si l'on en croit Noam Chomsky, linguiste et philosophe radical de réputation internationale, professeur émérite au Massachusetts Institute of Technology, et Edward S. Herman, économiste et professeur émérite à la Wharton School de l'Université de Pennsylvanie.
Coauteurs de La Fabrique de l'opinion publique aux éditions Le Serpent à Plumes, ils examinaient dès 1988 la «propagande» de l'industrie chimique, qui lui permet «de fabriquer et de vendre des produits (...) sans aucune preuve préliminaire d'innocuité, alors que l'efficacité du travail de surveillance (...) est compromise par le manque de crédits et les limites politiques imposées aux systèmes de répression et aux tests de contrôle».
Restriction des moyens et des champs d'action à laquelle s'ajoute une perversion bien connue des organismes de contrôle : leur dépendance ; ici, chargée des tests, l'industrie est juge et partie. Conséquence : «Chaque année, le Programme toxicologique du Gouvernement fédéral teste le potentiel carcinogène de dix ou douze produits chimiques sans s'intéresser aux autres dangers potentiels qu'ils pourraient présenter».
Mais chaque année, «entre 500 et 1000 produits nouveaux entrent dans les circuits commerciaux». Pas étonnant donc qu'il n'existe «aucune information précise sur la dangerosité potentielle de 78 % des produits chimiques disponibles». Quant aux 22 % restants, les évaluations ignorent leurs effets à long terme sur l'organisme ou leur impact sur l'environnement, par interaction, accumulation, décomposition...
Les risques seraient "acceptables" et la science "honnête", aux dires des industriels. Mais n'est-ce pas eux qui ont «fabriqué d'innombrables composés (...) étiquetés "sans danger" - du tétraéthyle de plomb dans les carburants aux PCB* dans les piles électriques en passant par l'amiante, le DDT**, la dioxine - tous connus aujourd'hui pour leur dangerosité», et qui ne les ont retirés du marché que contraints et forcés ?!
Pour «vendre sans aucune entrave», les auteurs citaient aussi le recours à des scientifiques aux avis divergeant de ceux de chercheurs indépendants, la falsification de résultats, l'abaissement de normes réglementaires ou le paravent des "Précautions d'emploi". Selon Jean Bernard, «La science trouve toujours les moyens pour réparer ses erreurs». Belle certitude ! Qui "fait une belle jambe" à toutes les victimes entre-temps.
* PCB : polychlorobiphényle ** DDT : dichloro-diphényl-trichloréthane ; insecticide
11:00 Publié dans Science | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : principe de précaution, produits chimiques, noam chomsky, massachusetts institute of technology, edward s. herman, wharton school, la fabrique de l'opinion publique, éditions le serpent à plumes, propagande de l'industrie chimique, preuve préliminaire d'innocuité, surveillance, manque de crédits, limites politiques, restriction des moyens et des champs d'action, organismes de contrôle, dépendance, tests, industrie juge et partie, programme toxicologique, potentiel carcinogène, autres dangers potentiels, produits nouveaux, circuits commerciaux, information, évaluations, effets à long terme sur l'organisme, impact sur l'environnement, interaction, accumulation, décomposition, risques "acceptables", science "honnête", industriels, tétraéthyle de plomb, amiante, ddt, dioxine, pcb, retirés du marché, contraints et forcés, "vendre sans aucune entrave", scientifiques, chercheurs indépendants, falsification de résultats, normes réglementaires, précautions d'emploi, jean bernard, "la science trouve toujours les moyens pour réparer ses erreurs", victimes | Facebook |
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