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17/12/2013

Lutter contre le mal et pour le bien de l'homme

«(...) Le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais» écrit saint Paul dans son Épître aux Romains (chapitre 7, verset 19). Le mal est autour de nous, le mal est en nous ; nous péchons «en pensée, en parole, par action et par omission». Et Victor Hugo confirme : «Personne n'est méchant et que de mal on fait !». Notre bonne volonté ne suffit pas, pire elle peut être à l'origine de maux insoupçonnés.

«La bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté» disait Albert Camus. Car cette "disposition à bien faire" peut conduire à en faire trop, à faire du zèle, à ne pas faire de détail, à nous rendre peu regardants sur les "indications", les "contre-indications", les "précautions d'emploi", les "mises en garde spéciales", les "interactions", les "effets indésirables" de bien des actions, même "bonnes", que nous entreprenons.

"On ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs", d'accord, mais quand les œufs ce sont des hommes et que ce sont nos proches ou nous-mêmes les sacrifiés, par exemple au "progrès", sommes-nous toujours d'accord ? Les "Globalement positif" négligent le négatif grandissant. "La bonne cause" ne peut justifier les injustices, les abus voire les crimes. Le malheur, la maladie ou la mort prématurée ne sont pas des détails de l'histoire.

Rousseau pensait qu'«Il n'y a point de vrai progrès de raison dans l'espèce humaine parce que tout ce qu'on gagne d'un côté on le perd de l'autre». Ainsi, «Quelque importance que nous attachions à la science et au pouvoir humains, il est pourtant évident que seule une humanité poursuivant des fins morales peut bénéficier dans une pleine mesure des progrès matériels et triompher en même temps des dangers qui les accompagnent».

Dixit Albert Schweitzer, qui en déduisait que «La condition de toute vraie civilisation» réside dans «l'éthique du respect de la vie» qui «contient (...) en soi tout ce qui peut se révéler comme amour, dévouement, compassion à la douleur, sympathie dans la joie et le commun effort». Pour lui, le mal est tout ce qui attente à la vie, à la nature et à la dignité humaines, mais aussi tout ce qui attente à toute vie et à la nature.

Et il concluait «(...) qu'avec les progrès de la science et de la puissance, la civilisation véritable n'est pas devenue plus aisée à atteindre, mais au contraire plus difficile» ; «(...) que nous avons tous à lutter contre les circonstances pour garder notre humanité et que nous devons nous appliquer à transformer la lutte quasi désespérée menée par tant d'êtres pour conserver leur personnalité humaine dans des circonstances sociales défavorables, en un combat qui ait des chances de succès».

21/05/2013

La joie perdue des Français

II est toujours intéressant d'écouter un grand historien, académicien et professeur honoraire au collège de France, ne serait-ce que parce qu'il fait profession de prendre du recul. D'ailleurs, notre aveuglement actuel ne viendrait-il pas en grande partie d'un manque de recul ? cet éloignement dans l'espace ou dans le temps, cette distance, nécessaires pour avoir une vision ou une appréciation meilleure, pour avoir une vue d'ensemble.

Enfermés dans nos situations actuelles et personnelles, nous n'arrivons plus à "prendre nos distances", à cette distanciation qui permet d'en juger plus objectivement. Bloqués dans le court terme, dans un espace vital qui se réduit mais avec des moyens de transport et de communication abolissant les distances, nous vivons dans le présent en tentant d'en jouir le plus possible. Allant, parant au plus pressé, au plus urgent.

Hic et nunc : ici et maintenant, tel est notre champ d'action, notre perspective ; vivre et agir "sur-le-champ", "sans délai et dans ce lieu même". Ego hic et nunc : Moi, ici, maintenant, voilà l'horizon de l'homme moderne engagé avec des œillères dans une marche forcée, centré sur lui-même, égocentrique. L'homme à courte vue ne lit pas les grands mouvements de l'histoire et ne peut donc être à la hauteur de la situation.

D'une hauteur de vues, l'historien en dispose, Marc Fumaroli en l'occurrence. Ce spécialiste de l'art de la conversation et de la civilisation classique française revenait en 2004 dans Le Figaro Magazine sur les causes de la grandeur et de la décadence des Français. «Une chose est certaine, disait-il, c'est que nous ne donnons plus le ton au monde. C'est le monde qui nous donne le ton.» Et ce déclin date pour lui de la fin du XVIIIe siècle.

L'Angleterre prend le relais, puis les Etats-Unis. Deux nations où «Il n'y a jamais eu d'apprêt particulier pour la conversation ou pour la sociabilité» affirme Marc Fumaroli. Alors que comme Tocqueville, il pense que sous l'Ancien Régime, "Les Français aimaient la joie", et qu'«Une des causes de leur décadence est peut-être d'avoir cessé d'aimer cette joie !». La Révolution et ses suites ayant créé plusieurs France «irréconciliables».

Ne plus arriver à se parler, telle est la plaie ouverte. Et «La grande cause de la disparition de la conversation, selon Marc Fumaroli, c'est la perte du goût des loisirs nobles. Et donc la disparition de réunions qui n'avaient d'autre but que la réunion (...). On a perdu le sens d'une vie de société n'ayant pour but qu'elle-même», le plaisir de conjuguer les différences, et même peut-être «le sentiment de participer à une communauté».