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14/09/2018

Fin de "la politique du pire" ?

 

Laisser parler ou éveiller ce qu’il y a de pire chez beaucoup pour justifier l’inadmissible… Rappelons-nous.

 

 

Parmi les multiples déclarations du "meilleur de nos candidats" durant la campagne de l'élection présidentielle de 2007, une avait particulièrement suscité des réactions, celle faite à Michel Onfray dans les colonnes de Philosophie magazine. « (…) J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable (…) ».

Cette déclaration pouvait faire penser aux travaux de deux psychologues à la Stern School of Business de New York, Justin Kruger et David Dunning, qui démontraient l’association de l’incompétence et de la confiance en soi chez les plus mauvais de leurs candidats à un test de compétence logique, en soulignant qu’elle constitue un moteur de réussite professionnelle. Les personnes inconscientes de leur incompétence montrent un aplomb imperturbable, ce qui est un plus devant des recruteurs… ou des électeurs.

 

Le plus intéressant c’était que "le meilleur de nos candidats" ne s’arrêtait pas là. Il ajoutait : « Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire (…) ». La toxicité du tabac (ou d’autres substances) n’est pourtant plus à démontrer. Elle est d’ailleurs si élevée que, suivant la classification, sa vente devrait être réglementée pour les personnes majeures. Mais là tout est inversé : le tabac, les cigarettiers, l’Etat… ne sont pas responsables, leurs victimes sous l’emprise de pressions psychologiques et de la nicotine sont coupables. Et on ose leur dire, à eux et à tous ceux atteints précocement par des affections, que "c'est la faute à pas de chance" ou alors à leur "Terrain favorable" qui serait comme une provocation pour les "Facteurs déclenchants". La génétique, espère-t-on, remédiera un jour au "Terrain". Quant aux "Facteurs", s'y attaquer vraiment serait remettre en question une partie de notre mode de vie. Et «notre mode de vie n'est pas négociable», comme disait Georges Bush père.

 

L’idée ainsi exprimée relève d’une morale de vainqueurs, en fait dominante dans des sociétés qui font le malheur de plus en plus d'êtres humains auxquels elles prétendent pourtant vouloir du bien, qui leur empoisonnent la vie, qui les rendent malades. "Malheur aux vaincus !" Doublement, car en plus d’être sacrifiés, ils sont oubliés de « l’histoire officielle et menteuse » écrite par les vainqueurs. Et c’est pourquoi cette dernière déclaration sur les fumeurs n’avait suscité aucune réaction, ni à droite ni à gauche.

 

"Le meilleur de nos candidats" faisait remonter ce qu’il y a de pire chez beaucoup : le fait de considérer que le malheur, la maladie ou la mort prématurée sont des détails de l’histoire, que "c’est la faute à personne" ou "à tout le monde" (ce qui revient au même), que les fragiles, les faibles n’ont que ce qu’ils méritent et que c'est "tant pis pour eux", qu’ils ont besoin d’être soignés, d’être traités et qu’un jour la science y pourvoira… C’était tout le génie (n’ayons pas peur des mots) du "meilleur de nos candidats", l'un des nombreux "responsables de ce qui va", de flatter ainsi les plus bas instincts.

 

Et ce n’est peut-être pas fini. "Ensemble tout est possible" encore pour édifier « le meilleur des mondes possibles ».

 

 

 

26/09/2014

Une vie contre nature

«Dubos craint que l'humanité ne soit capable de s'adapter aux tensions engendrées par la seconde révolution industrielle et la surpopulation, de la même manière qu'elle a survécu dans le passé à la famine, à la peste et à la guerre. Il parle avec crainte de cette possibilité de survie parce que l'adaptabilité, qui est un atout pour la survie, est aussi un lourd handicap. Les causes les plus courantes de maladie sont des exigences d'adaptation.»

Dans Némésis médicale - L'expropriation de la santé paru au Seuil en 1975, Ivan Illich écrivait ces lignes en faisant référence au biologiste René Dubos. Olivier Rey qui le cite dans son livre Une folle solitude - Le fantasme de l'homme auto-construit édité au Seuil également, s'interroge sur le «développement tous azimuts de la technique» et I'«artificialisation sans cesse plus poussée de la vie humaine» que la croissance réclame.

Ce mathématicien, professeur à l'École polytechnique à l'origine et maintenant philosophe, chercheur au CNRS et enseignant à l'université Panthéon-Sorbonne, redoute «que le mouvement finisse par provoquer, entre les individus et le monde que collectivement ils façonnent, une inadaptation génératrice d'un malaise croissant, de malheur, de convulsions diverses (...)». Il pense que nos capacités d'adaptation ne sont pas sans limites et avance des éléments appuyant sa thèse.

Ainsi dit-il, «Des médecins-anthropologues situent l'origine d'un certain nombre de pathologies physiques et psychiques modernes dans un décalage excessif entre les conditions d'existence contemporaines et celles qui permettraient un épanouissement des facultés réelles de l'individu». Et il note en passant que «s’il est de plus en plus nécessaire de "se former" au monde, (...) c'est le signe que ce monde est de plus en plus étranger».

Pourra-t-on longtemps encore passer froidement les victimes par pertes et profits et «laisser croire que la science pourra indéfiniment réparer nos erreurs» ? Non répond Claude Aubert, qui relève dans son livre Espérance de vie, la fin des illusions, «l'augmentation continuelle de l'incidence de nombreuses maladies chroniques, telles que le cancer, le diabète, l'asthme, les allergies ou la broncho-pneumopathie chronique obstructive».

Le constat de cet ingénieur agronome : «les seniors sont bien souvent en meilleure santé que la génération suivante». La cause selon lui : «un mode de vie devenu aberrant, entre malbouffe, sédentarité et pollution (...)». Et la «perspective effrayante» de certains scientifiques : «si nous continuons ainsi, notre génération sera la première de l'histoire de l'humanité dans laquelle les parents verront leurs enfants mourir avant eux».

17/12/2013

Lutter contre le mal et pour le bien de l'homme

«(...) Le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais» écrit saint Paul dans son Épître aux Romains (chapitre 7, verset 19). Le mal est autour de nous, le mal est en nous ; nous péchons «en pensée, en parole, par action et par omission». Et Victor Hugo confirme : «Personne n'est méchant et que de mal on fait !». Notre bonne volonté ne suffit pas, pire elle peut être à l'origine de maux insoupçonnés.

«La bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté» disait Albert Camus. Car cette "disposition à bien faire" peut conduire à en faire trop, à faire du zèle, à ne pas faire de détail, à nous rendre peu regardants sur les "indications", les "contre-indications", les "précautions d'emploi", les "mises en garde spéciales", les "interactions", les "effets indésirables" de bien des actions, même "bonnes", que nous entreprenons.

"On ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs", d'accord, mais quand les œufs ce sont des hommes et que ce sont nos proches ou nous-mêmes les sacrifiés, par exemple au "progrès", sommes-nous toujours d'accord ? Les "Globalement positif" négligent le négatif grandissant. "La bonne cause" ne peut justifier les injustices, les abus voire les crimes. Le malheur, la maladie ou la mort prématurée ne sont pas des détails de l'histoire.

Rousseau pensait qu'«Il n'y a point de vrai progrès de raison dans l'espèce humaine parce que tout ce qu'on gagne d'un côté on le perd de l'autre». Ainsi, «Quelque importance que nous attachions à la science et au pouvoir humains, il est pourtant évident que seule une humanité poursuivant des fins morales peut bénéficier dans une pleine mesure des progrès matériels et triompher en même temps des dangers qui les accompagnent».

Dixit Albert Schweitzer, qui en déduisait que «La condition de toute vraie civilisation» réside dans «l'éthique du respect de la vie» qui «contient (...) en soi tout ce qui peut se révéler comme amour, dévouement, compassion à la douleur, sympathie dans la joie et le commun effort». Pour lui, le mal est tout ce qui attente à la vie, à la nature et à la dignité humaines, mais aussi tout ce qui attente à toute vie et à la nature.

Et il concluait «(...) qu'avec les progrès de la science et de la puissance, la civilisation véritable n'est pas devenue plus aisée à atteindre, mais au contraire plus difficile» ; «(...) que nous avons tous à lutter contre les circonstances pour garder notre humanité et que nous devons nous appliquer à transformer la lutte quasi désespérée menée par tant d'êtres pour conserver leur personnalité humaine dans des circonstances sociales défavorables, en un combat qui ait des chances de succès».