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11/02/2014

L'Europe de Schuman

Plutôt que de "faire parler les morts", ne serait-il pas préférable de se reporter à leurs écrits qui eux restent ? Et il s'avère qu'un des "Pères de l'Europe" nous a laissé un petit livre qui est d'ailleurs le «seul ouvrage publié» par lui et qui «permet de retrouver la pensée et la vision européennes qui ont guidé son œuvre». L'homme en question est Robert Schuman et c'est un éditeur suisse (Nagel SA) qui le publie pour la cinquième fois.

Dès le début, Robert Schuman fait le constat que «Nos moyens propres ne sont plus à l'échelle de nos besoins». «L'isolement est devenu non seulement une cause de faiblesse, mais une cause de déchéance.» «(...) il faut une union, une cohésion, une coordination...» Mais il précise : «Il ne s'agit pas de fusionner des États, de créer un super État» ; l'Europe doit «conférer» à chaque nation «un champ d'action plus large et plus élevé».

Et surtout dit-il : «L'Europe, avant d'être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle dans le sens le plus élevé de ce terme» ; «(...) l'unité de l'Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions européennes ; leur création suivra le cheminement des esprits». Pour cela, «(...) il y a lieu de faire ressortir, de mettre en valeur la réelle communauté d'idées et d'aspirations (...)».

«L'Europe, affirme aussi Robert Schuman, c'est la mise en œuvre d'une démocratie généralisée dans le sens chrétien du mot.» Pour lui, «l'état démocratique (...) est au service du peuple et il agit en accord avec lui». Et ajoute ce chrétien respectueux de «la neutralité de l'Etat» : «La démocratie sera chrétienne ou elle ne sera pas. Une démocratie antichrétienne sera une caricature qui sombrera dans la tyrannie ou dans l'anarchie».

Quant à la concurrence, il la comprend avec «des clauses de sauvegarde pour limiter les risques». «Il faut égaliser, harmoniser les conditions de la production, les législations, la masse des salaires et des charges, afin que chaque pays participant soit à même de soutenir la libre confrontation avec les autres. Toute communauté viable exige que soient d'abord atténuées, et si possible éliminées, ces différences de situation (...)».

Voilà donc ce que disait de l'Europe le premier président de l'Assemblée parlementaire européenne. Il a intitulé son ouvrage Pour l'Europe, et ce titre est comme une invitation à "être pour..." mais aussi à agir "pour l'intérêt, le bien de" l'Europe. Dans ce dessein, la pensée et la vision d'un de ses fondateurs indiquent peut-être la voie pour reprendre l'édifice européen, le rétablir, voire le refonder. Sonder ses fondations pour sa refondation.

07/02/2014

Refus d'obtempérer aux dogmes de la modernité

Tandis que des élections européennes s'annoncent (le 25 mai de cette année), ne perdons pas de vue un certain 29 mai 2005, date du référendum français sur le traité établissant une constitution pour l'Europe. Le premier référendum sur un traité européen à être rejeté en France après ceux de 1972 et 1992, le "non" l'emportant avec 54,67 % des suffrages exprimés. Un "non" toujours d'actualité. Petit rappel des faits pour les pompiers pyromanes de l'Europe.

 

Ce fut à désespérer de l'influence des prescripteurs d'opinions. Les lobbies ont fait pression et leur action a fait pschitt. Ils se sont heurtés à un mur et s'y sont cassé les dents. Ceux votant "Pas comme il faut" ont été plus nombreux que ceux votant "Bien comme il faut". Un Non «franc et massif» venu du fond du peuple français, s'est dressé contre les "il faut" et les "ça ne se fait pas" réprobateurs, comme un acte de rébellion.

Quelle claque ! Sans doute parce que les citoyens frondeurs de tous les temps en ont leur claque d'avoir le sentiment d'être les pigeons dans les affaires qu'on leur propose. Le Marché unique leur paraît un marché conclu dans et sur leur dos. "Nécessaire", "Indispensable" affirment ceux qui raisonnent "dans le cadre de...". Assez de boniments ! répondent ceux qui exigent que "le cadre" soit revu et corrigé, et qui ce dimanche-là se sont sentis revivre.

«Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent» pensait Hugo. C'est en se défendant, en résistant, que l'on s'affirme, que l'on existe, dans l'espoir de "Réaliser toutes les possibilités de la vie". Mais «Un monde sans espoir est irrespirable» écrivait Malraux. Les tenants du non (d'hier ou d'aujourd'hui) demandent peut-être de pouvoir respirer, d'avoir un moment de répit dans les épreuves éliminatoires où ils sont engagés contre leur gré à une cadence infernale.

Bien décidés à ne plus se laisser avoir et faire, à ne plus se conduire ou s'exprimer comme des béni-oui-oui (ces "personnes toujours empressées à approuver les paroles, les actes d'une autorité, d'un pouvoir"), ils ont dit et disent non à l'orthodoxie des "gardiens du Temple" européen - en chasseraient bien d'ailleurs les marchands -, et aussi non au passage à leur chantage : "oui ou le chaos", et à tout Eur-opium du peuple destiné à l'endormir.

Ce qu'ils voudraient bien, c'est connaître l’Euro-vision de leurs dirigeants et savoir ce qu'il reste de la civilisation européenne dans la construction de l'Europe et ce qu'il reste du projet des Pères fondateurs d'une Europe-puissance. En fait, ils aimeraient une Union européenne conciliant leur désir d'une communauté européenne à visage humain, qui ne soit pas qu'économique, et leur désir de vivre au sein de communautés à taille humaine.

Mais la modernité emporte tout. Valéry soulignait «Tout ce qu'emporte de risques la précipitation dans le travail». Le Non rappelle à ceux qui veulent "presser le mouvement" qu’"il ne faut rien précipiter". L'homme a besoin d'attaches. Et l'Europe et ses habitants ont besoin de retrouver «des raisons de vivre» et «le sens d'un bien commun», comme l'écrivent Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot dans Toute l'histoire du monde chez Fayard.

04/02/2014

Voter est un devoir, être élu aussi

Cette année auront lieu en France des élections municipales et européennes. Les premières se tiendront les dimanches 23 et 30 mars. Il faut se souvenir qu'au début de ce siècle, les dimanches 11 et 18 mars 2001, les électeurs étaient appelés cette fois-là à voter pour leur maire et leur conseiller général. Et que déjà et comme à chaque consultation, il était à craindre de nouveau une augmentation de l'abstention.

Pour tenter de comprendre la raison de ce désintérêt, on évoquait alors "les affaires". Mais suivant l'opinion communément admise «La majorité des élus est honnête et dévouée». On aimerait évidemment connaître l'enquête qui permet d'aboutir à une telle certitude. Toutefois l'on peut affirmer qu'en effet parmi les élus qui n'ont pas de pouvoir décisionnel, c'est-à-dire la grande majorité des conseillers municipaux et généraux ainsi que des conseillers régionaux..., la plupart, dans l'exercice de leur(s) mandat(s), n'ont sans doute rien à se reprocher. Mais au delà, les citoyens voudraient être sûrs du désintéressement des élus, de leur volonté de rechercher le bien commun et de servir l'intérêt général. L'ambition personnelle à elle seule ne peut justifier pour nombre d'électeurs une candidature. Croire aux motivations souvent nobles avancées par les candidats, à leur sincérité, voilà bien la difficulté à laquelle est confronté l'électeur "échaudé" et revenu de tout.

De même, on avançait pour expliquer cette désaffection des urnes, l'impuissance des élus face, en particulier, aux lois d'une économie toute puissante. C'était ignorer toutefois la principale mission de l'Etat et des Collectivités, qui est de répartir et de redistribuer l'argent public afin de compenser les inégalités, et les déséquilibres engendrés par le libéralisme. Mais au delà, il est vrai que la complexité des problèmes contraint de faire appel à des collaborateurs et des fonctionnaires spécialisés ou à des intervenants extérieurs. Et, mises à part quelques réorientations politiques ou de circonstance, les choix s'imposent et les marges de manœuvre sont étroites. Le rôle de l'élu se trouve ainsi réduit à celui d'animateur ou d'intermédiaire dont les électeurs voient mal la nécessité. Qui plus est, les domaines d'intervention des Collectivités sont en grande partie constitués d'obligations légales, ce qui entraîne la disparition de débats authentiques et bien souvent l'unanimité sur la plupart des délibérations. D'où un sentiment d'absence d'enjeux véritables.

Devant cette double suspicion d'avidité et d'inutilité, il paraissait insuffisant d'en appeler au sens civique, il fallait rétablir la confiance. Et comme il y a treize ans, cela ne semble possible qu'en assurant le rééquilibrage des pouvoirs, le non cumul des mandats et fonctions, la transparence totale et le contrôle effectif des décisions et des finances publiques, l'information impartiale et la participation réelle du citoyen... Ce n'est qu'à ces conditions qu'on pourra ensuite rappeler ce dernier à ses devoirs.