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07/02/2014

Refus d'obtempérer aux dogmes de la modernité

Tandis que des élections européennes s'annoncent (le 25 mai de cette année), ne perdons pas de vue un certain 29 mai 2005, date du référendum français sur le traité établissant une constitution pour l'Europe. Le premier référendum sur un traité européen à être rejeté en France après ceux de 1972 et 1992, le "non" l'emportant avec 54,67 % des suffrages exprimés. Un "non" toujours d'actualité. Petit rappel des faits pour les pompiers pyromanes de l'Europe.

 

Ce fut à désespérer de l'influence des prescripteurs d'opinions. Les lobbies ont fait pression et leur action a fait pschitt. Ils se sont heurtés à un mur et s'y sont cassé les dents. Ceux votant "Pas comme il faut" ont été plus nombreux que ceux votant "Bien comme il faut". Un Non «franc et massif» venu du fond du peuple français, s'est dressé contre les "il faut" et les "ça ne se fait pas" réprobateurs, comme un acte de rébellion.

Quelle claque ! Sans doute parce que les citoyens frondeurs de tous les temps en ont leur claque d'avoir le sentiment d'être les pigeons dans les affaires qu'on leur propose. Le Marché unique leur paraît un marché conclu dans et sur leur dos. "Nécessaire", "Indispensable" affirment ceux qui raisonnent "dans le cadre de...". Assez de boniments ! répondent ceux qui exigent que "le cadre" soit revu et corrigé, et qui ce dimanche-là se sont sentis revivre.

«Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent» pensait Hugo. C'est en se défendant, en résistant, que l'on s'affirme, que l'on existe, dans l'espoir de "Réaliser toutes les possibilités de la vie". Mais «Un monde sans espoir est irrespirable» écrivait Malraux. Les tenants du non (d'hier ou d'aujourd'hui) demandent peut-être de pouvoir respirer, d'avoir un moment de répit dans les épreuves éliminatoires où ils sont engagés contre leur gré à une cadence infernale.

Bien décidés à ne plus se laisser avoir et faire, à ne plus se conduire ou s'exprimer comme des béni-oui-oui (ces "personnes toujours empressées à approuver les paroles, les actes d'une autorité, d'un pouvoir"), ils ont dit et disent non à l'orthodoxie des "gardiens du Temple" européen - en chasseraient bien d'ailleurs les marchands -, et aussi non au passage à leur chantage : "oui ou le chaos", et à tout Eur-opium du peuple destiné à l'endormir.

Ce qu'ils voudraient bien, c'est connaître l’Euro-vision de leurs dirigeants et savoir ce qu'il reste de la civilisation européenne dans la construction de l'Europe et ce qu'il reste du projet des Pères fondateurs d'une Europe-puissance. En fait, ils aimeraient une Union européenne conciliant leur désir d'une communauté européenne à visage humain, qui ne soit pas qu'économique, et leur désir de vivre au sein de communautés à taille humaine.

Mais la modernité emporte tout. Valéry soulignait «Tout ce qu'emporte de risques la précipitation dans le travail». Le Non rappelle à ceux qui veulent "presser le mouvement" qu’"il ne faut rien précipiter". L'homme a besoin d'attaches. Et l'Europe et ses habitants ont besoin de retrouver «des raisons de vivre» et «le sens d'un bien commun», comme l'écrivent Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot dans Toute l'histoire du monde chez Fayard.

19/11/2013

Une vie de sauvage

Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot concluent leur livre Toute l'histoire du monde, de la préhistoire à nos jours (Fayard), par cette citation : «En affaiblissant parmi eux le sentiment du bien commun, en dispersant les familles, en interrompant la chaîne des souvenirs, en accroissant outre mesure leurs besoins, on les a rendus moins civilisés qu'ils n'étaient». "Tocqueville parlait de l'influence néfaste de la modernité sur les indiens."

Alexis de Tocqueville a vécu dans la première moitié du XIXe siècle, au début de l'Ère industrielle. Historien et homme politique français, il reste dans les mémoires comme l'auteur d'un ouvrage : De la démocratie en Amérique. Le Petit Robert précise que «Très sensible aux progrès constants de l'égalité, Tocqueville pense cependant qu'il peut découler de la démocratie (...) un redoutable danger, le despotisme de la majorité (...)».

Mais c'est un autre despotisme qu'il évoque dans la citation qui nous intéresse, celui de la modernité, devenue absolue, arbitraire et oppressive. Une modernité qui s'impose à tous sans discussion et force les individus à s'accommoder sans relâche à toutes les "transitions". Et les dégâts énoncés par Tocqueville sont les mêmes constatés aujourd'hui dans nos nations "civilisées" où l'homme "est rendu comme étranger à lui-même".

Les sciences et les techniques même si elles "contribuent au bien-être, à la commodité de la vie matérielle", n'apportent pas à l'être humain de réponses à ses questions existentielles. Les sociétés contemporaines dites développées l'acculent à courir après "les biens de ce monde" pour les accumuler à plaisir, et à courir après les plaisirs pour "se changer les idées", négligeant les biens de nature intellectuelle, spirituelle, esthétique.

Alain écrivait : «Dès que la vie matérielle est bien assurée, tout le bonheur reste à faire». Les pays riches en sont là. En perdant de vue que la seule vraie richesse, c'est l'homme, on a perdu de vue son équilibre physique et mental, et ses nobles aspirations. Et en axant sur les biens de nature matérielle, dans le but d'en produire et faire consommer le plus possible, on a fait de l'homme un moyen matériel, des hommes un "matériel humain".

L'individu ne s'appartient plus. Le type de vie qu'on lui fait mener, a pour effet de le vider. Son for intérieur assailli par toutes les tentations, il est comme sorti de sa nature, bouté "hors de lui" : "en proie à l'agitation, à l'égarement ou à l'extase". Avec l'oubli du bien général, la mobilité de la main-d'œuvre, les familles éclatées, la rupture d'avec le passé, la surconsommation, il se trouve ainsi peut-être moins civilisé que ses ancêtres.