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14/01/2014

La démocratie : une oligarchie masquée ?

Au XIXe siècle, Tocqueville mettait en garde contre un péril inhérent à la démocratie (pour lui, démocratie chrétienne) : «le despotisme de la majorité». Pour éviter cet abus de pouvoir, Le Petit Robert précise que cet historien et homme politique français pensait qu'«au maintien de la liberté, il faut donc deux garanties essentielles, la liberté de la presse et l'indépendance du pouvoir judiciaire». Ces garanties sont-elles remplies ?

A première vue, les "contre-pouvoirs" que sont les médias et la justice semblent faire leur travail dans notre démocratie. Contrebalançant les autres pouvoirs (exécutif, législatif, mais aussi économique et financier), le quatrième pouvoir (la presse, les médias) et le pouvoir judiciaire paraissent jouir d'une liberté d'action inédite dans l'histoire, avoir les mains libres comme jamais. Et pourtant un doute subsiste malgré "l'évidence".

D'où vient donc cette impression assez générale qu'on nous cache des choses, qu'il y a des "intouchables", que "la vérité est ailleurs" ? Même depuis la "fin" des affaires, la méfiance ne s'est toujours pas dissipée. Peut-être parce que d'aucuns ont dit que la justice n'était "pas un pouvoir mais une autorité", d'autres parlé de "reprise en main" de la justice ; peut-être à cause de la concentration des médias entre quelques mains.

Ne serait-ce d'ailleurs pas les mêmes mains ou peu s'en faut ? celles d'un pouvoir politico-économique, d'une élite puissante bénéficiant seule d'une véritable liberté d'expression dans les médias et capable de faire obstruction à la justice, d'échapper aux poursuites ou de les faire cesser. Si c'était le cas, nous serions alors dans une oligarchie, à mi-chemin de la démocratie et de la monarchie, une sorte en fait d'aristocratie.

Ainsi, si le despotisme est une "forme de gouvernement dans lequel tous les pouvoirs sont réunis dans les mains d'un seul", l'oligarchie elle est étymologiquement le "commandement de quelques-uns". "Un régime politique dans lequel la souveraineté appartient à un petit groupe de personnes, à une classe restreinte et privilégiée" ; "où l'autorité est entre les mains de quelques personnes ou de quelques familles puissantes".

Tocqueville craignait le despotisme de la majorité dans le cadre d'une démocratie, mais ne devrait-on pas craindre le despotisme d'une minorité dans le cadre d'une oligarchie qui ne dirait pas son nom ? Notre démocratie se rapprocherait alors d'un régime semi-autoritaire et aurait ainsi réussi l'impossible : avoir changé de forme tout en gardant son nom ou avoir masqué depuis toujours sa véritable nature sous un faux nom.

19/11/2013

Une vie de sauvage

Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot concluent leur livre Toute l'histoire du monde, de la préhistoire à nos jours (Fayard), par cette citation : «En affaiblissant parmi eux le sentiment du bien commun, en dispersant les familles, en interrompant la chaîne des souvenirs, en accroissant outre mesure leurs besoins, on les a rendus moins civilisés qu'ils n'étaient». "Tocqueville parlait de l'influence néfaste de la modernité sur les indiens."

Alexis de Tocqueville a vécu dans la première moitié du XIXe siècle, au début de l'Ère industrielle. Historien et homme politique français, il reste dans les mémoires comme l'auteur d'un ouvrage : De la démocratie en Amérique. Le Petit Robert précise que «Très sensible aux progrès constants de l'égalité, Tocqueville pense cependant qu'il peut découler de la démocratie (...) un redoutable danger, le despotisme de la majorité (...)».

Mais c'est un autre despotisme qu'il évoque dans la citation qui nous intéresse, celui de la modernité, devenue absolue, arbitraire et oppressive. Une modernité qui s'impose à tous sans discussion et force les individus à s'accommoder sans relâche à toutes les "transitions". Et les dégâts énoncés par Tocqueville sont les mêmes constatés aujourd'hui dans nos nations "civilisées" où l'homme "est rendu comme étranger à lui-même".

Les sciences et les techniques même si elles "contribuent au bien-être, à la commodité de la vie matérielle", n'apportent pas à l'être humain de réponses à ses questions existentielles. Les sociétés contemporaines dites développées l'acculent à courir après "les biens de ce monde" pour les accumuler à plaisir, et à courir après les plaisirs pour "se changer les idées", négligeant les biens de nature intellectuelle, spirituelle, esthétique.

Alain écrivait : «Dès que la vie matérielle est bien assurée, tout le bonheur reste à faire». Les pays riches en sont là. En perdant de vue que la seule vraie richesse, c'est l'homme, on a perdu de vue son équilibre physique et mental, et ses nobles aspirations. Et en axant sur les biens de nature matérielle, dans le but d'en produire et faire consommer le plus possible, on a fait de l'homme un moyen matériel, des hommes un "matériel humain".

L'individu ne s'appartient plus. Le type de vie qu'on lui fait mener, a pour effet de le vider. Son for intérieur assailli par toutes les tentations, il est comme sorti de sa nature, bouté "hors de lui" : "en proie à l'agitation, à l'égarement ou à l'extase". Avec l'oubli du bien général, la mobilité de la main-d'œuvre, les familles éclatées, la rupture d'avec le passé, la surconsommation, il se trouve ainsi peut-être moins civilisé que ses ancêtres.