24/11/2025
On meurt de ne plus aimer, être aimé et "avoir soif"
La pyramide de Maslow, c'est la hiérarchie des besoins de l'homme établie par le psychologue américain Abraham Maslow. Tout en bas au niveau des besoins physiologiques, on trouve notamment la soif. Et plus haut au niveau des besoins de socialisation, figure en particulier l'amour. On peut se demander pourquoi l'amour n'est pas placé tout en haut de cette échelle, au niveau des besoins d'estime ou d'accomplissement.
Car l'attachement, l'amour, l'affection, ces trois mots qui peut-être ne font qu'un, disent ce sentiment plus haut que tout qu'il est vital d'éprouver : «(...) c'est le premier besoin de l'enfant ; sans affection il ne peut vraiment vivre. Et cela sera vrai toute la vie» écrivait Laurence Pernoud dans son livre J'élève mon enfant chez Horay. Sans amour, l'être humain ne vit pas vraiment. L'amour est sa sève et sans doute sa plus grande liberté.
«Et, conséquence importante sur la voie de l'autonomie, poursuivait Laurence Pernoud, vers 4-6 mois, l'enfant dont les besoins d'attachement ont été comblés se sent suffisamment en sécurité pour commencer à se détacher, à se séparer.» Il peut en quelque sorte "partir", "quitter" son père et sa mère en toute confiance, l'espace de quelques heures ou d'une journée, car il "se sait" aimé, il "se sait" attendu. Merveilleuse assurance.
L'attachement apparaît quand commence le dialogue, «(...) ce dialogue inépuisable, fait de caresses, de paroles, de sourires (...), où l'enfant appelle et la mère réagit, où l'enfant vocalise et la mère répond». Plus précisément, «(...) c'est de la qualité des échanges, des interactions, que vont se créer des liens, et que va naître l'attachement». Et ainsi, «Les liens deviennent chaque jour plus forts et déjà l'inquiétude mesure l'attachement».
Peut-on dire alors que c'est d'une baisse de la qualité des échanges que peut naître le détachement ? et que la perte de l'inquiétude pour ceux à qui ou ce à quoi on tenait, on était dévoué, mesure le détachement ? Le dialogue impossible et le repliement sur soi, caractéristiques de notre époque, seraient ainsi liés. Détaché des autres et du monde, indifférent, l'homme occidental repu, vieux avant l'âge, n'a en fait plus "soif".
Désabusé et blasé, celui "qui a perdu ses illusions" et "n'éprouve plus de plaisir à rien", meurt ainsi à petit feu, non "de soif" mais de ne plus "avoir soif". Il continue pourtant de "boire", il "boit" sans "soif", cherche à s'étourdir de mille façons pour s'oublier d'abord et pour oublier peut-être aussi qu'il n'a pas su entretenir la conversation, conserver l'esprit ouvert et curieux d'un enfant, empêcher son cœur de se dessécher, "rester sur sa soif".
09:00 Publié dans Besoins de l'homme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pyramide de maslow, hiérarchie des besoins de l'homme, besoins physiologiques, soif, besoins de socialisation, amour, besoins d'estime, besoins d'accomplissement, attachement, affection, sentiment vital, laurence pernoud, j'élève mon enfant, éditions horay, sève, liberté, autonomie, sécurité, confiance, assurance, dialogue, qualité des échanges, interactions, liens, inquiétude, perte de l'inquiétude, détachement, dialogue impossible, repliement sur soi, l'homme occidental repu, indifférent, ne plus avoir soif, désabusé, blasé, sans illusions, s'étourdir, s'oublier, entretenir la conversation, conserver l'esprit ouvert et curieux d'un enfant, empêcher son coeur de se dessécher, rester sur sa soif |
Facebook |
28/04/2025
A Dieu François, frère du peuple
Il me souvient d’une boutade de mon enfance. Une histoire sous forme d’un dialogue entre deux personnages. « Un nouveau pape est appelé à régner. » « Araignée, quel drôle de nom ! Pourquoi pas libellule ou papillon ?! ». Et voilà qu’il y a douze ans, un nouveau pape était appelé François en hommage à François d’Assise, et qu'il vient de nous quitter. Et pourquoi pas François de Sales ou François Xavier ?
Le pape François avait répondu lors de son audience aux représentants des moyens de communication : « C’est pour moi l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et préserve la création (…). Ah, comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres ! ». Difficile de parler plus clair. François d’Assise était l’homme de la situation pour l’Église et pour le monde.
Celui qui en 1207, à vingt-cinq ans, s’est entièrement dépouillé pour « (…) vivre conformément au saint Évangile », ainsi qu’il l’écrivait dans son testament. Lui, Francesco Bernardone, le jeune homme riche, fils d’un marchand de drap d’Assise en Italie, a tout quitté pour "suivre Jésus". Et ses contemporains ne s’y sont pas trompés. Ils l’appelèrent « l’autre christ », « le nouveau christ ».
En 2009, pour les 800 ans de l’ordre créé par saint François d’Assise, le ministre général des franciscains revenait dans un entretien au journal La Croix sur l’identité de la famille franciscaine. Fraternité, non-violence, prière, pauvreté, liberté, amour… sont quelques-uns des mots-clés pour la cerner. Mais trois citations permettent d’aller au cœur de l’esprit franciscain.
« Pour nous, expliquait le Père Carballo, la pauvreté doit être vécue comme synonyme de liberté. Pour être vraiment libre, l’homme doit pouvoir se libérer du matérialisme. (…) notre vœu consiste à vivre "sans rien en propre", nous ouvrant ainsi à cette liberté vis-à-vis des biens matériels et de la tentation de posséder l’autre. (…) La grande tentation de l’homme contemporain est de dominer l’autre (…). »
Et continuait le ministre général, « Le drame du christianisme en Occident n’est pas de décroître, mais que nous sommes trop peu chrétiens. Pas trop peu de chrétiens, mais trop peu chrétiens ! (…) Nous devons témoigner, par nos vies et par nos paroles, que l’Évangile est encore aujourd’hui une belle et bonne nouvelle, pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui ».
L’ordre des franciscains, soulignait-il en conclusion, « se construit sur trois piliers : (…) la qualité évangélique de notre vie, les études (…), et enfin, la proximité avec les gens, particulièrement les plus pauvres ». Huit siècles que les franciscains sont les « frères du peuple ». Le pape François s’inscrivait dans cette démarche en y ajoutant la dimension environnementale apportée par Jean-Paul II.
Car dès 1979, celui-ci déclarait saint François d’Assise « patron de l’écologie » et appelait régulièrement comme en 1990 à une « conversion authentique dans la façon de penser et dans le comportement » ; « (…) en adoptant, disait Benoît XVI en 2006, un style de vie et de consommation compatible avec la sauvegarde de la Création et avec les critères de justice (…) ».
En d’autres termes, ajoutait-il en 2007, « (…) Suivre le chemin de traverse du véritable amour : un mode de vie sobre et solide, avec (…) un profond intérêt pour le bien commun ! ». Le pape François prenait le relais des propos de ses prédécesseurs pour rappeler qu’au cœur du message évangélique il y a l’esprit de pauvreté qui est absolument contraire à l’esprit de notre temps.
Rien de révolutionnaire donc ? Non, toujours aussi révolutionnaire, comme il y a 2000 ans Jésus-Christ dont les paroles, indique l’historien Jean-Christian Petitfils, « impliquent un appel à fonder les rapports sociaux sur le partage, le respect de l’autre, l’amour fraternel, le rejet de la violence des puissants. Mais la révolution annoncée est d’abord une révolution intérieure, qui doit tout transformer.
« Le renversement évangélique commence par la subversion des cœurs. » Et voilà ce qu’impliquait le choix de François d’Assise par le cardinal Jorge Mario Bergoglio : faire retour à l’Évangile, à tout l’Évangile, pour « le vivre dans sa radicalité » comme les frères franciscains. « La radicalité de l’amour absolu, note encore Jean-Christian Petitfils, exige que tout lui soit subordonné. »
13:02 Publié dans Pape François | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pape, françois, françois d'assise, pauvreté, paix, création, l'homme de la situation, vivre conformément au saint évangile, francesco bernardone, le jeune homme riche, italie, "suivre jésus", "l'autre christ", "le nouveau christ", ordre des franciscains, ministre général, journal la croix, famille franciscaine, fraternité, non-violence, prière, liberté, amour, esprit franciscain, père carballo, matérialisme, vivre "sans rien en propre", biens matériels, tentation de posséder l'autre, dominer l'autre, drame du christianisme en occident, nous sommes trop peu chrétiens, témoigner par nos vies et par nos paroles, belle et bonne nouvelle, qualité évangélique de notre vie, études, proximité avec les gens, les plus pauvres, frères du peuple, jean-paul 2, saint françois d'assise "patron de l'écologie", conversion, façon de penser, comportement, benoît 16, style de vie et de consommation, sauvegarde de la création, critères de justice, véritable amour, mode de vie sobre et solide |
Facebook |
03/11/2024
Un homme qui n'est plus "habité"
Il est un livre signé David Riesman, qui avait eu un succès considérable à sa parution et dont le titre évocateur est La Foule solitaire, anatomie de la société moderne. Philippe Breton, alors sociologue, chercheur au CNRS et enseignant à la Sorbonne, y faisait référence dans son ouvrage La Parole manipulée paru aux éditions La Découverte en 1997. Il y relevait que le sociologue américain avait vu dès les années cinquante l'apparition d'un "homme d'une espèce nouvelle".
«(...) Il oppose l'individu traditionnel, "intra-déterminé", à l'homme moderne "extro-déterminé". Celui-ci ne dispose plus, pour reprendre les métaphores de Riesman, d'un "gyroscope intérieur", réglé par sa famille et son groupe social, et qui lui sert de guide de comportement défini a priori, mais plutôt d'un "radar" qui lui permet de traiter l'information reçue de l'extérieur et de s'y adapter d'une façon assez conformiste.
«L'individu extro-déterminé a un comportement presque entièrement influencé par l'extérieur, ce que pensent les autres, le jugement des "gens qui comptent". C'est un être entièrement social, réagissant aux réactions d'autrui, qui est loin de considérer comme une entrave à sa liberté toutes les incitations qu'il reçoit du monde environnant. Au contraire, il a tendance à considérer celles-ci avec soulagement (...).»
Car ainsi "au courant", l'individu peut s'orienter et agir en conséquence. "Un homme averti en vaut deux." "Branché", "Câblé", il reste en phase avec son temps. "A la page", il adopte "la marche à suivre" afin d'obtenir ce qu'il veut ; et toujours "regarde de quel côté souffle le vent" pour rester "dans le vent". De ce fait, Philippe Breton décrivait «l'homme moderne de la société de communication, comme un "être sans intérieur" (...)».
Ouvert aux quatre vents, il n'a plus d'ancrage. Il flotte au gré des flots, tourne à tous les vents ou prend le chemin signalé par des phares et balises, sa boussole interne déréglée. Hors service la coutume ("habitude collective d'agir, transmise de génération en génération") et la morale ("ensemble des règles de conduite considérées comme bonnes de façon absolue") qui avaient l'inconvénient de s'opposer au changement.
La coutume a été remplacée par l'attrait pour la nouveauté qui permet la consommation. Les usages se sont inclinés devant l'utilité et l'efficacité. Il n'y a plus de morale, il n'y a que des circonstances auxquelles il faut s'adapter et dont il faut profiter. Les "Tout ce qui peut être fait, doit être fait" ont succédé aux "Cela ne se fait pas". Et comme le caméléon se fond dans son milieu, l'individu se fond dans la foule. Tournant sur lui-même et accompagnant le mouvement.
16:30 Publié dans Obéissance/Soumission | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david riesman, la foule solitaire : anatomie de la société moderne, philippe breton, la parole manipulée, éditions la découverte, l'individu traditionnel, l'homme moderne, famille, groupe social, comportement, traiter l'information, conformisme, être entièrement social, liberté, incitations du monde environnant, en phase avec son temps, adopter la marche à suivre, société de communication, être sans intérieur, la coutume, la morale, le changement, l'attrait pour la nouveauté, la consommation, les usages, l'utilité et l'efficacité, les circonstances, s'adapter, en profiter |
Facebook |

