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19/03/2023

François, frère du peuple

Il me souvient d’une boutade de mon enfance. Une histoire sous forme d’un dialogue entre deux personnages. « Un nouveau pape est appelé à régner. » « Araignée, quel drôle de nom ! Pourquoi pas libellule ou papillon ?! ». Et voilà qu’il y a dix ans, un nouveau pape était appelé François en hommage à François d’Assise. Et pourquoi pas François de Sales ou François Xavier ?

Le pape François avait répondu lors de son audience aux représentants des moyens de communication : « C’est pour moi l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et préserve la création (…). Ah, comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres ! ». Difficile de parler plus clair. François d’Assise est l’homme de la situation pour l’Église et pour le monde.

Celui qui en 1207, à vingt-cinq ans, s’est entièrement dépouillé pour « (…) vivre conformément au saint Évangile », ainsi qu’il l’écrivait dans son testament. Lui, Francesco Bernardone, le jeune homme riche, fils d’un marchand de drap d’Assise en Italie, a tout quitté pour "suivre Jésus". Et ses contemporains ne s’y sont pas trompés. Ils l’appelèrent « l’autre christ », « le nouveau christ ».

En 2009, pour les 800 ans de l’ordre créé par saint François d’Assise, le ministre général des franciscains revenait dans un entretien au journal La Croix sur l’identité de la famille franciscaine. Fraternité, non-violence, prière, pauvreté, liberté, amour… sont quelques-uns des mots-clés pour la cerner. Mais trois citations permettent d’aller au cœur de l’esprit franciscain.

« Pour nous, expliquait le Père Carballo, la pauvreté doit être vécue comme synonyme de liberté. Pour être vraiment libre, l’homme doit pouvoir se libérer du matérialisme. (…) notre vœu consiste à vivre "sans rien en propre", nous ouvrant ainsi à cette liberté vis-à-vis des biens matériels et de la tentation de posséder l’autre. (…) La grande tentation de l’homme contemporain est de dominer l’autre (…). »

Et continuait le ministre général, « Le drame du christianisme en Occident n’est pas de décroître, mais que nous sommes trop peu chrétiens. Pas trop peu de chrétiens, mais trop peu chrétiens ! (…) Nous devons témoigner, par nos vies et par nos paroles, que l’Évangile est encore aujourd’hui une belle et bonne nouvelle, pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui ».

L’ordre des franciscains, soulignait-il en conclusion, « se construit sur trois piliers : (…) la qualité évangélique de notre vie, les études (…), et enfin, la proximité avec les gens, particulièrement les plus pauvres ». Huit siècles que les franciscains sont les « frères du peuple ». Le pape François s’inscrit dans cette démarche en y ajoutant la dimension environnementale apportée par Jean-Paul II.

Car dès 1979, celui-ci déclarait saint François d’Assise « patron de l’écologie » et appelait régulièrement comme en 1990 à une « conversion authentique dans la façon de penser et dans le comportement » ; « (…) en adoptant, disait Benoît XVI en 2006, un style de vie et de consommation compatible avec la sauvegarde de la Création et avec les critères de justice (…) ».

En d’autres termes, ajoutait-il en 2007, « (…) Suivre le chemin de traverse du véritable amour : un mode de vie sobre et solide, avec (…) un profond intérêt pour le bien commun ! ». Le pape François prend le relais des propos de ses prédécesseurs pour rappeler qu’au cœur du message évangélique il y a l’esprit de pauvreté qui est absolument contraire à l’esprit de notre temps.

Rien de révolutionnaire donc ? Non, toujours aussi révolutionnaire, comme il y a 2000 ans Jésus-Christ dont les paroles, indique l’historien Jean-Christian Petitfils, « impliquent un appel à fonder les rapports sociaux sur le partage, le respect de l’autre, l’amour fraternel, le rejet de la violence des puissants. Mais la révolution annoncée est d’abord une révolution intérieure, qui doit tout transformer.

« Le renversement évangélique commence par la subversion des cœurs. » Et voilà ce qu’implique le choix de François d’Assise par le cardinal Jorge Mario Bergoglio : faire retour à l’Évangile, à tout l’Évangile, pour « le vivre dans sa radicalité » comme les frères franciscains. « La radicalité de l’amour absolu, note encore Jean-Christian Petitfils, exige que tout lui soit subordonné. »

06/03/2020

Question de vie ou de mort

Que serions-nous sans l'amour de la vie et la confiance en l'avenir ? Sans doute des sortes de morts vivants. Mais que sommes-nous devenus à force de nous laisser vivre, uniquement dans le présent, aliénés par la croyance que demain sera forcément meilleur qu'aujourd'hui ? Des êtres comme absents et amorphes, des vivants "morts", qui ne savent plus vivre, figés dans leur narcissisme.

Un lavage de cerveaux à coups de mots vides de sens comme "modernité", nous a fait perdre de vue le progrès réel qui fait de la vie un sommet et tend à ce que chacun vive "Sa" vie, une vie longue et heureuse. Mais si nous nous réveillons de ce rêve où tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, plutôt que de reconnaître que "Ce n'est pas une vie", nous préférons nous laisser bercer.

Les problèmes comme les tensions, tels de lourds nuages annonciateurs d'une tempête, s'accumulent à l'horizon. Ils sont, disent des observateurs depuis des décennies, comparables à ceux d'une reconstruction d'après-guerre. Pour les résoudre, il faudra de la lucidité, de la volonté, du courage, de la ténacité, des ressources qui pourraient bien manquer chez certaines populations habituées au confort, à la facilité...

Où trouver la force vitale nécessaire pour donner un nouvel élan ? Il n'est pas sûr qu'on puisse la trouver parmi les dirigeants des systèmes actuels d'organisation. Pourquoi ces hommes remettraient en question l'ordre établi auquel ils doivent leur place et leurs privilèges ?! Non, il faut sans doute encourager l'émergence de nouveaux responsables capables d'engager les réformes indispensables.

Car sinon, le doute et la peur continueront de s'insinuer dans les esprits. Et à l'image de cette bourse folle, la méfiance remplacera entièrement nos folles certitudes. Et là où la foi serait nécessaire pour soulever les montagnes, il n'y aura plus qu'inconstance et désertion. Le manque de confiance n'est ainsi pas meilleur que son excès, dans ce sens qu'ils mènent tous deux à la sclérose.

La perte de confiance en l'avenir, partout palpable, s'accompagne aujourd'hui d'une perte du sens et du respect de la vie. Et la joie de vivre voire l'amour de la vie pourraient être affectés par cette "culture de mort" dénoncée en son temps par le pape Jean-Paul II. Les pulsions autodestructrices ou destructrices, ces fuites en arrière, répondant aux tensions d'un monde de plus en plus inhumain et invivable du fait de ses fuites en avant.

17/01/2019

Une démocratie sans valeurs ?

Le lancement du "grand débat national" et l'approche des élections européennes nous amènent à juger de la valeur de notre démocratie, de la valeur de la démocratie en Europe et de nos valeurs. Des phrases sorties de dictionnaires ou de cours d'instruction civique affirment : "Organisation politique dans laquelle l'ensemble des citoyens exercent la souveraineté" ; "Repose sur le respect de la liberté et de l'égalité des citoyens" ; "Dans une démocratie représentative, le peuple élit des représentants", ainsi interposés.

Lamartine déduisait de cette dernière affirmation que «Le suffrage universel est donc la démocratie elle-même». Disons que cette opinion paraît pour le moins datée, même si elle reste peut-être encore partagée dans certains milieux issus de la belle époque où les "hommes de qualité" avaient tous les pouvoirs. Toutefois, l'habillage démocratique moderne ne masquerait-il pas la poursuite de pratiques d'un autre temps ?

Cette question, Sophie Coignard et Alexandre Wickham se la posent dans L'Omerta française (Albin Michel) paru en 1999 (!). Ils y citent aussi le philosophe Cioran : «Seul un monstre peut se permettre le luxe de voir les choses telles qu'elles sont. Mais une collectivité ne subsiste que dans la mesure où elle se crée des fictions et s'y attache. S'emploie-t-elle à cultiver la lucidité et le sarcasme (...) ? Elle se désagrège, elle s'effondre».

Ils voient dans ce point de vue une justification possible de toutes les dérives. «La société française est bâtie sur des mythes si puissants, écrivent-ils, que toute analyse critique s'apparente à une transgression. D'où un système de connivences institutionnalisées et de lois répressives destinées à décourager les remises en cause.» Et ils en appellent «à transformer (...) la France en une démocratie digne de ce nom».

Ils sont nombreux les observateurs de nos mœurs sociales et politiques à constater les égarements de notre démocratie et la perte de valeurs hier encore répandues. Et dans un sens, quoi d'étonnant ? puisque ce qui compte dorénavant, ce sont la valeur marchande, la valeur vénale, la valeur d'usage, la valeur d'échange, la valeur travail, la valeur ajoutée, les valeurs financières et monétaires, et les valeurs mobilières.

Mais que faisons-nous des valeurs qui "n'ont pas de prix" ? Sur l'échelle des valeurs, où plaçons-nous la liberté, l'égalité, la fraternité, l'honnêteté, la vérité, la justice, le courage, l'amour, la fidélité, la tolérance, la prudence, la tempérance, la générosité, la compassion, la gratitude, l'humilité... ? Le pape Jean-Paul II nous mettait en garde en 1991 : «Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois (…)».