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06/03/2020

Question de vie ou de mort

Que serions-nous sans l'amour de la vie et la confiance en l'avenir ? Sans doute des sortes de morts vivants. Mais que sommes-nous devenus à force de nous laisser vivre, uniquement dans le présent, aliénés par la croyance que demain sera forcément meilleur qu'aujourd'hui ? Des êtres comme absents et amorphes, des vivants "morts", qui ne savent plus vivre, figés dans leur narcissisme.

Un lavage de cerveaux à coups de mots vides de sens comme "modernité", nous a fait perdre de vue le progrès réel qui fait de la vie un sommet et tend à ce que chacun vive "Sa" vie, une vie longue et heureuse. Mais si nous nous réveillons de ce rêve où tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, plutôt que de reconnaître que "Ce n'est pas une vie", nous préférons nous laisser bercer.

Les problèmes comme les tensions, tels de lourds nuages annonciateurs d'une tempête, s'accumulent à l'horizon. Ils sont, disent des observateurs depuis des décennies, comparables à ceux d'une reconstruction d'après-guerre. Pour les résoudre, il faudra de la lucidité, de la volonté, du courage, de la ténacité, des ressources qui pourraient bien manquer chez certaines populations habituées au confort, à la facilité...

Où trouver la force vitale nécessaire pour donner un nouvel élan ? Il n'est pas sûr qu'on puisse la trouver parmi les dirigeants des systèmes actuels d'organisation. Pourquoi ces hommes remettraient en question l'ordre établi auquel ils doivent leur place et leurs privilèges ?! Non, il faut sans doute encourager l'émergence de nouveaux responsables capables d'engager les réformes indispensables.

Car sinon, le doute et la peur continueront de s'insinuer dans les esprits. Et à l'image de cette bourse folle, la méfiance remplacera entièrement nos folles certitudes. Et là où la foi serait nécessaire pour soulever les montagnes, il n'y aura plus qu'inconstance et désertion. Le manque de confiance n'est ainsi pas meilleur que son excès, dans ce sens qu'ils mènent tous deux à la sclérose.

La perte de confiance en l'avenir, partout palpable, s'accompagne aujourd'hui d'une perte du sens et du respect de la vie. Et la joie de vivre voire l'amour de la vie pourraient être affectés par cette "culture de mort" dénoncée en son temps par le pape Jean-Paul II. Les pulsions autodestructrices ou destructrices, ces fuites en arrière, répondant aux tensions d'un monde de plus en plus inhumain et invivable du fait de ses fuites en avant.

09/11/2018

La France telle qu'elle est (2)

Il y a trois jours nous consultions le premier de deux livres parus en 1994 et 1995, qui avaient eu leur heure de gloire. Passons au second avant de dévoiler les titres et leur auteur ou signataire. Celui-ci enfonce le clou. «Le peuple a perdu confiance. Son désarroi l'incline à la résignation ; il risque de l'inciter à la colère. Plus de la moitié de la population française n'est ni entendue, ni défendue» affirme-t-il avant de s'alarmer.

A force d'être ignorés, «Les ouvriers, les employés, les cadres, les professions intermédiaires, trame de notre tissu social et forces vives de notre pays, peuvent être sensibles aux sirènes de la démagogie». Et puis, «Cinq millions de nos compatriotes vivent dans la précarité ; des centaines de milliers de jeunes cherchent en vain de quoi nourrir ce qui leur reste d'espérance. Les pauvres s'appauvrissent, les bas salaires stagnent.

«Les commerçants, les artisans, les professionnels libéraux, les petits patrons connaissent des difficultés croissantes. De plus en plus de ménages ont du mal à payer leur loyer ou à rembourser leurs emprunts (...). Dans certaines banlieues délabrées des grandes villes, des zones entières sont hors la loi. (...) Trop de Français se sentent incompris et dédaignés. Ils ont peur (...). Chacun sait que la peur entraîne la paralysie.»

«Tandis qu'augmente chaque jour le nombre des exclus, des spéculateurs s'enrichissent, des privilégiés étalent leur vénalité et des clans de circonstance nourrissent des ambitions inavouées, virtuelles ou aléatoires qui occultent sciemment une réalité de plus en plus sombre.» «Au lieu de gouverner, les hommes politiques se sont mis à communiquer en vase clos. Ils ont pris la pose devant les miroirs déformants des médias.»

«Une esthétique du pouvoir a remplacé l'exercice du pouvoir, concédé à (...) des experts technocratiques, des analystes financiers, des éminences lovées dans des cabinets ministériels (...).» «Le peuple est devenu l'oublié d'une démocratie du simulacre et de l'apparence (...). Quand le pouvoir politique abdique, le doute s'empare vite de l'opinion ; les intérêts privés, l'air du temps, les coteries font la loi, les corporatismes se réveillent (...).»

L'auteur ou signataire appelle à la lucidité : «nous sommes à la merci d'une explosion sociale qui peut intervenir sans délai» si ne s'opère pas «une reprise en main du pouvoir par le politique». Vingt-quatre années plus tard, cet "état des lieux" n'a pas pris une ride. Alors donnons d'abord les titres de ces deux ouvrages : Une nouvelle France et La France pour tous. Quant au nom inscrit en haut de la couverture : Jacques Chirac.

09/12/2014

Une France à aimer

«Dostoïevsky soulignait que "toute société, pour se maintenir et vivre, a besoin absolument de respecter quelqu'un et quelque chose, et surtout que ce soit le fait de tout le monde, et non pas de chacun selon sa fantaisie" Cette citation tirée du livre Nouveau monde Vieille France aux éditions Perrin, permettait à son auteur Nicolas Baverez de dénoncer comme suicidaire le désintérêt de beaucoup pour le «destin collectif de la nation».

Une nation est un "groupe humain, généralement assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité (historique, sociale, culturelle) et la volonté de vivre en commun". On peut lui préférer le nom de patrie, étymologiquement le pays du père, qu'on évoque en employant l'expression "La mère patrie" qui lui donne une dimension encore plus affective. «Je suis de mon enfance comme d'un pays» écrivait Saint-Exupéry.

Le patriote "qui aime sa patrie et la sert avec dévouement", ne se réveille pas seulement en chacun de nous lors par exemple d'une finale de Coupe du monde de football. Il peut être là aussi à des moments où on l'attend le moins. Ainsi racontait Erik Orsenna il y a quelques années au magazine Valeurs actuelles, «nous avons demandé à un échantillon représentatif de Français : "A quel moment, (...) vous êtes-vous sentis pour la dernière fois français ?"

«60 % ont répondu : "Lors de l'éclipse de soleil". Nous leur avons demandé pourquoi. Réponse : "Parce que nous étions dehors, ensemble, à regarder dans la même direction" Toute l'idée de nation ou de patrie est dans ce "Regarder ensemble dans la même direction" cher à Saint-Exupéry, qui disait que c'était cela aimer. Et c'est peut-être cela le "mal français" : un manque d'amour et même comme une honte. Pourtant…

Ses paysages, ses monuments, sa langue, sa culture, ses traditions... font de notre pays, le pays où il fait bon vivre, et celui le plus visité au monde. Son histoire et ses valeurs témoignent aussi d'«un idéal de résistance», comme le notait François Bayrou dans Projet d’espoir chez Plon, qui n'empêche pas la France d'être à la pointe aujourd’hui dans bien des domaines. Autant de motifs de fierté n'interdisant en rien la lucidité.

La philosophe Simone Weil* écrivait : «Un amour parfaitement pur de la patrie a une affinité avec les sentiments qu'inspirent à un homme des jeunes enfants, ses vieux parents, une femme aimée... Un tel amour peut avoir les yeux ouverts sur les injustices, les crimes, les hontes contenus dans le passé, le présent et les appétits du pays, sans dissimulation ni réticence, et sans être diminué, il en est seulement rendu plus douloureux».

* citée par Max Gallo dans Fier d’être français aux éditions Fayard