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07/06/2019

Le dopage généralisé

Le dopage de "haut niveau" résulterait de la pression des sponsors, des médias, des annonceurs, des familles, des spectateurs, du pays tout entier. Mais comment expliquer le dopage au quotidien ? Ici nulle pression financière, médiatique, politique. Non, simplement l'obsession de la réussite à l'école, aux examens, dans l'entreprise, dans ses loisirs... Fortifiants, excitants, stimulants sont autant de "bâtons de jeunesse" pour se rassurer, être en forme, être le meilleur. Le culte de la performance, qui bat son plein en cette période d'abondance en matière d'événements sportifs, n'explique cependant pas tout. Il y a aussi ce besoin de bien-être, de s'évader de la réalité. Tabac, alcool, calmants, médicaments, télévision, jeux vidéos, distractions en tout genre - dont le sport lui-même -..., autant de drogues auxquelles nous pouvons nous accoutumer et qui loin de nous libérer, nous rendent dépendants.

Le sport, qui devrait d'abord être une activité physique et ludique, nécessite efforts, discipline, respect des règles et fair-play. Voilà qui n'est guère à la mode. Devenus un spectacle aux enjeux vertigineux, les sports médiatisés n'obéissent plus en fait qu'à des intérêts qu'il faut avant tout sauvegarder. Et certains de ceux qui savent depuis toujours, condamnent officiellement ces pratiques de dopage voire peuvent se porter partie civile à des procès, tout en évitant de faire rechercher les produits dopants et "masquants" les plus en pointe utilisés chez les grandes nations ou, tout au moins, tout en n'ignorant rien des multiples façons de contourner les contrôles. Hypocrisie, mensonge, tricherie sont les mots qui caractérisent le mieux ces "milieux" où se côtoient des sportifs, des dirigeants, des entraîneurs, des médecins, des sponsors, des organisateurs, des pharmaciens, des politiques, des journalistes...

Le dopage trouve sa source dans une société cupide, envieuse et rancunière dans laquelle on évalue, on compare, on convoite, on se mesure, on se confronte, on se venge. Il se développe dans une société d'apparences, d'esbroufe et d'artifices dans laquelle on masque ses doutes, ses inquiétudes, ses défauts, mais aussi sa faiblesse, sa paresse, son refus de se plier aux règles du jeu et d'envisager ou d'accepter la défaite. Il se généralise dans une société de tolérance, de connivence et de lâcheté dans laquelle on laisse faire, on couvre ou on excuse. Devancer, dépasser, battre, vaincre, gagner (plus)... même sans mérite, voilà à quoi sont réduites nos valeurs, pas seulement sportives. Et quoi qu'il arrive, le spectacle continue, celui d'une lutte inégale et déloyale où ce qui compte est d'emporter la victoire et d'empocher ses gains, pour notre plus grand divertissement.

19/11/2013

Une vie de sauvage

Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot concluent leur livre Toute l'histoire du monde, de la préhistoire à nos jours (Fayard), par cette citation : «En affaiblissant parmi eux le sentiment du bien commun, en dispersant les familles, en interrompant la chaîne des souvenirs, en accroissant outre mesure leurs besoins, on les a rendus moins civilisés qu'ils n'étaient». "Tocqueville parlait de l'influence néfaste de la modernité sur les indiens."

Alexis de Tocqueville a vécu dans la première moitié du XIXe siècle, au début de l'Ère industrielle. Historien et homme politique français, il reste dans les mémoires comme l'auteur d'un ouvrage : De la démocratie en Amérique. Le Petit Robert précise que «Très sensible aux progrès constants de l'égalité, Tocqueville pense cependant qu'il peut découler de la démocratie (...) un redoutable danger, le despotisme de la majorité (...)».

Mais c'est un autre despotisme qu'il évoque dans la citation qui nous intéresse, celui de la modernité, devenue absolue, arbitraire et oppressive. Une modernité qui s'impose à tous sans discussion et force les individus à s'accommoder sans relâche à toutes les "transitions". Et les dégâts énoncés par Tocqueville sont les mêmes constatés aujourd'hui dans nos nations "civilisées" où l'homme "est rendu comme étranger à lui-même".

Les sciences et les techniques même si elles "contribuent au bien-être, à la commodité de la vie matérielle", n'apportent pas à l'être humain de réponses à ses questions existentielles. Les sociétés contemporaines dites développées l'acculent à courir après "les biens de ce monde" pour les accumuler à plaisir, et à courir après les plaisirs pour "se changer les idées", négligeant les biens de nature intellectuelle, spirituelle, esthétique.

Alain écrivait : «Dès que la vie matérielle est bien assurée, tout le bonheur reste à faire». Les pays riches en sont là. En perdant de vue que la seule vraie richesse, c'est l'homme, on a perdu de vue son équilibre physique et mental, et ses nobles aspirations. Et en axant sur les biens de nature matérielle, dans le but d'en produire et faire consommer le plus possible, on a fait de l'homme un moyen matériel, des hommes un "matériel humain".

L'individu ne s'appartient plus. Le type de vie qu'on lui fait mener, a pour effet de le vider. Son for intérieur assailli par toutes les tentations, il est comme sorti de sa nature, bouté "hors de lui" : "en proie à l'agitation, à l'égarement ou à l'extase". Avec l'oubli du bien général, la mobilité de la main-d'œuvre, les familles éclatées, la rupture d'avec le passé, la surconsommation, il se trouve ainsi peut-être moins civilisé que ses ancêtres.