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12/10/2020

Et le principe de précaution ?!

La première campagne paneuropéenne visant à réduire les risques liés à l'utilisation d'agents chimiques et biologiques et d'autres substances dangereuses au travail, était lancée le 13 mai 2003 au Parlement européen à Strasbourg, par l'Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail. Le défi était immense puisque l'on considérait qu'environ un quart des 150 millions de travailleurs de l'Union européenne (UE) étaient concernés.

Pour les seuls agents carcinogènes (pouvant causer le cancer), 32 millions de personnes étaient exposées en Europe ! Le cancer avec l'asthme et certains problèmes neuropsychiatriques ne représentaient d'ailleurs qu'une partie des maladies provoquées par les 100 000 produits chimiques commercialisés dans l'UE, ainsi que par des agents biologiques. Et les coûts humains et financiers étaient considérables, appuyait l'Agence.

Ainsi, on estimait par exemple que l'asthme professionnel (un tiers des cas chez l'adulte) coûtait entre 400 et 800 millions d'euros. Ou que les maladies de peau d'origine professionnelle coûtaient à elles seules 600 millions d'euros par an à l'UE. Et encore les données existantes ne reposaient-elles que sur des études de substances dont la toxicité était connue. C'est-à-dire en fait une minorité des produits sur le marché.

Car les deux tiers des 30 000 produits chimiques les plus fréquemment utilisés dans l'UE, soit environ 20 000 substances, n'avaient pas fait l'objet de tests et évaluations toxicologiques complets et systématiques. Et ne parlons pas des 70 000 autres. Quant aux fiches techniques de sécurité fournies par les fabricants de substances dangereuses, 20 % d'entre elles - toujours selon l'Agence européenne - contenaient des erreurs.

Comme de plus, ajoutait-elle, seulement 12 % des entreprises respectaient les règlements relatifs à la prévention des risques concernant les substances qui présentaient des risques toxicologiques connus, on s'apercevait de l'ampleur du problème de santé publique. Les secteurs les plus dangereux s'étendant de la construction et de l'agriculture à l'imprimerie, au nettoyage, aux soins de santé et à la mécanique automobile.

Outre les agents carcinogènes, 22 % des travailleurs de l'UE respiraient des fumées et des vapeurs pendant au moins un quart de leur vie professionnelle et 16 % maniaient ou entraient en contact avec des substances dangereuses. Le tout étant cause d'une bonne partie des sept millions de victimes de maladies professionnelles qui occasionnaient 350 millions de journées de travail perdues. Et l'on osait parler de principe, et de précaution !

Au Grand Entretien du 7/9 sur France Inter le 28 août 2018, Nicolas Hulot s'exclamait : "On me dit de prendre mon temps, d'être patient... Mais ça fait trente ans qu'on est patient, ça fait trente ans qu'on laisse les phénomènes se dérouler, ils sont en train de nous échapper. On me dit de me fixer deux, trois priorités, mais tout est priorité ! Les sujets de santé-environnement qui viennent nous exploser à la figure, dont on va se rendre compte qu'ils ont des conséquences...".

Et l'intervieweuse Léa Salamé de l'interrompre fort opportunément, au moment où Nicolas Hulot allait peut-être devenir trop concret : "... mais, Nicolas Hulot, l'économie est aussi prioritaire (...)". Le "aussi" de Léa Salamé est à savourer, puis à mettre en parallèle avec une seule question : saura-t-on un jour le nombre de malades, de blessés et de morts causés par cette priorité donnée à l'économie depuis des décennies ? Quelques minutes plus tôt, Nicolas Hulot avait annoncé en direct sa démission du ministère de la Transition écologique et solidaire. Sans transition aucune évidemment.

18/03/2014

Oui à la vie, non à ce genre de vie

Le printemps est comme un oui à la vie, un oui de la vie. Quand la nature s'éveille de son long engourdissement hivernal, c'est comme si à chaque fois la vie affirmait sa suprématie sur la mort. Xavier Bichat disait que «La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort». Le printemps est la saison de la renaissance, de la nouvelle vie qui éclôt, de l'espérance retrouvée. «Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir».

Mais curieusement l'espérance vient à manquer en ce printemps. Nous semblons loin de vivre un "printemps" : une "Période pendant laquelle des espoirs de progrès (économique, social) semblent sur le point de se réaliser". Peut-être parce que nous nous trouvons en France et au sein de l'Union européenne dans une situation analogue à celle décrite par cette formule d'André Gide : «Dans la vie, rien ne se résout ; tout continue».

Le Français serait-il devenu «Un vivant dégoûté de vivre» comme l'écrivait Alfred de Musset ? Et pourrait-il faire sienne cette phrase de Gide : «Je ne sais plus bien ce qui me maintient encore en vie sinon l'habitude de vivre»? Car, paradoxe, malgré une vie bien souvent qui "n'est plus une vie", malgré le fait de "Ne plus vivre" (d'être dans l'anxiété), l'ultime espérance de l'homme semble-t-il, est de "Vivre longtemps". Vivre pour vivre.

La vie moderne, quotidienne, accable l'individu qui désespère de ne pouvoir "Vivre sa vie". A "Travailler pour vivre", parce qu’"Il faut bien vivre", à «Perdre sa vie à la gagner», il en vient à "Se laisser vivre". Beaucoup ne parviennent même plus à "vivre de leur travail", "n'ont plus de quoi vivre" (sans parler des "sans-emploi"). Et chacun craint d'avoir à dire comme l'actrice américaine Louise Brooks au terme de son existence : «Nous sommes tous égarés. Ma vie ne fut rien».

Alors pour fuir la réalité, on peut "Vivre pour soi", "Vivre au jour le jour", "Faire la vie", "Mener une double vie", "Refaire sa vie", "Exposer sa vie"..., voire "Attenter à sa vie". Tout est bon. On s'échappe en vacances dans des lieux «où l'on aimerait à vivre» (La Bruyère). On vit caché pour vivre heureux. On rêve de "Changer de vie", de "Vivre libre, en paix" et peut-être de «Naître, vivre et mourir dans la même maison» (Sainte-Beuve).

«Les Français ne croient plus en rien» notaient les préfets en 2005. Sans doute les a-t-on trop fait "Vivre d'espérance". Et peut-être s'aperçoivent-ils qu'ils n'ont pas "choisi leur vie" et que «(...) le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre» (Hugo), sans jouir de la vie. Alors la tentation est grande d'user du peu de liberté qu'il leur reste, celle de pouvoir dire non. Non à cette vie dont ils ne veulent pas ou plus, en ce printemps qui dit oui à la vie.

07/02/2014

Refus d'obtempérer aux dogmes de la modernité

Tandis que des élections européennes s'annoncent (le 25 mai de cette année), ne perdons pas de vue un certain 29 mai 2005, date du référendum français sur le traité établissant une constitution pour l'Europe. Le premier référendum sur un traité européen à être rejeté en France après ceux de 1972 et 1992, le "non" l'emportant avec 54,67 % des suffrages exprimés. Un "non" toujours d'actualité. Petit rappel des faits pour les pompiers pyromanes de l'Europe.

 

Ce fut à désespérer de l'influence des prescripteurs d'opinions. Les lobbies ont fait pression et leur action a fait pschitt. Ils se sont heurtés à un mur et s'y sont cassé les dents. Ceux votant "Pas comme il faut" ont été plus nombreux que ceux votant "Bien comme il faut". Un Non «franc et massif» venu du fond du peuple français, s'est dressé contre les "il faut" et les "ça ne se fait pas" réprobateurs, comme un acte de rébellion.

Quelle claque ! Sans doute parce que les citoyens frondeurs de tous les temps en ont leur claque d'avoir le sentiment d'être les pigeons dans les affaires qu'on leur propose. Le Marché unique leur paraît un marché conclu dans et sur leur dos. "Nécessaire", "Indispensable" affirment ceux qui raisonnent "dans le cadre de...". Assez de boniments ! répondent ceux qui exigent que "le cadre" soit revu et corrigé, et qui ce dimanche-là se sont sentis revivre.

«Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent» pensait Hugo. C'est en se défendant, en résistant, que l'on s'affirme, que l'on existe, dans l'espoir de "Réaliser toutes les possibilités de la vie". Mais «Un monde sans espoir est irrespirable» écrivait Malraux. Les tenants du non (d'hier ou d'aujourd'hui) demandent peut-être de pouvoir respirer, d'avoir un moment de répit dans les épreuves éliminatoires où ils sont engagés contre leur gré à une cadence infernale.

Bien décidés à ne plus se laisser avoir et faire, à ne plus se conduire ou s'exprimer comme des béni-oui-oui (ces "personnes toujours empressées à approuver les paroles, les actes d'une autorité, d'un pouvoir"), ils ont dit et disent non à l'orthodoxie des "gardiens du Temple" européen - en chasseraient bien d'ailleurs les marchands -, et aussi non au passage à leur chantage : "oui ou le chaos", et à tout Eur-opium du peuple destiné à l'endormir.

Ce qu'ils voudraient bien, c'est connaître l’Euro-vision de leurs dirigeants et savoir ce qu'il reste de la civilisation européenne dans la construction de l'Europe et ce qu'il reste du projet des Pères fondateurs d'une Europe-puissance. En fait, ils aimeraient une Union européenne conciliant leur désir d'une communauté européenne à visage humain, qui ne soit pas qu'économique, et leur désir de vivre au sein de communautés à taille humaine.

Mais la modernité emporte tout. Valéry soulignait «Tout ce qu'emporte de risques la précipitation dans le travail». Le Non rappelle à ceux qui veulent "presser le mouvement" qu’"il ne faut rien précipiter". L'homme a besoin d'attaches. Et l'Europe et ses habitants ont besoin de retrouver «des raisons de vivre» et «le sens d'un bien commun», comme l'écrivent Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot dans Toute l'histoire du monde chez Fayard.