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18/03/2014

Oui à la vie, non à ce genre de vie

Le printemps est comme un oui à la vie, un oui de la vie. Quand la nature s'éveille de son long engourdissement hivernal, c'est comme si à chaque fois la vie affirmait sa suprématie sur la mort. Xavier Bichat disait que «La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort». Le printemps est la saison de la renaissance, de la nouvelle vie qui éclôt, de l'espérance retrouvée. «Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir».

Mais curieusement l'espérance vient à manquer en ce printemps. Nous semblons loin de vivre un "printemps" : une "Période pendant laquelle des espoirs de progrès (économique, social) semblent sur le point de se réaliser". Peut-être parce que nous nous trouvons en France et au sein de l'Union européenne dans une situation analogue à celle décrite par cette formule d'André Gide : «Dans la vie, rien ne se résout ; tout continue».

Le Français serait-il devenu «Un vivant dégoûté de vivre» comme l'écrivait Alfred de Musset ? Et pourrait-il faire sienne cette phrase de Gide : «Je ne sais plus bien ce qui me maintient encore en vie sinon l'habitude de vivre»? Car, paradoxe, malgré une vie bien souvent qui "n'est plus une vie", malgré le fait de "Ne plus vivre" (d'être dans l'anxiété), l'ultime espérance de l'homme semble-t-il, est de "Vivre longtemps". Vivre pour vivre.

La vie moderne, quotidienne, accable l'individu qui désespère de ne pouvoir "Vivre sa vie". A "Travailler pour vivre", parce qu’"Il faut bien vivre", à «Perdre sa vie à la gagner», il en vient à "Se laisser vivre". Beaucoup ne parviennent même plus à "vivre de leur travail", "n'ont plus de quoi vivre" (sans parler des "sans-emploi"). Et chacun craint d'avoir à dire comme l'actrice américaine Louise Brooks au terme de son existence : «Nous sommes tous égarés. Ma vie ne fut rien».

Alors pour fuir la réalité, on peut "Vivre pour soi", "Vivre au jour le jour", "Faire la vie", "Mener une double vie", "Refaire sa vie", "Exposer sa vie"..., voire "Attenter à sa vie". Tout est bon. On s'échappe en vacances dans des lieux «où l'on aimerait à vivre» (La Bruyère). On vit caché pour vivre heureux. On rêve de "Changer de vie", de "Vivre libre, en paix" et peut-être de «Naître, vivre et mourir dans la même maison» (Sainte-Beuve).

«Les Français ne croient plus en rien» notaient les préfets en 2005. Sans doute les a-t-on trop fait "Vivre d'espérance". Et peut-être s'aperçoivent-ils qu'ils n'ont pas "choisi leur vie" et que «(...) le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre» (Hugo), sans jouir de la vie. Alors la tentation est grande d'user du peu de liberté qu'il leur reste, celle de pouvoir dire non. Non à cette vie dont ils ne veulent pas ou plus, en ce printemps qui dit oui à la vie.

15/02/2013

Au pied du mur ou dans le mur ?

Nous ne pouvons pas dire que nous n'avons pas été avertis. De partout nous sont arrivés des propos alarmants. Il y a seize ans déjà, Françoise Giroud déclarait au Monde : «C'est la période la plus noire que j'ai connue, à cause de cette désespérance. Certes, j'ai vécu la guerre, les années noires de 1940-1945. Mais on espérait, on se battait. Aujourd'hui les gens se sentent impuissants, et, probablement, ils le sont».

«Plus personne ne contrôle plus rien, confiait en 2003 au Point le ministre-philosophe Luc Ferry. On est dépossédé. La marge de manœuvre et d'efficacité est étroite (...).» Et il s'interrogeait : «Est-ce qu'on est là pour décorer ? Est-ce que la politique existe ou bien disparaît-elle au profit de l'économie mondialisée et de la communication ?». Il se disait pourtant «confiant quant aux chances de limiter le contrecoup social de la mondialisation».

Limiter la casse, voilà à quoi était réduit le gouvernement. François Fillon, ministre alors des affaires sociales..., ne disait pas autre chose à un «Grand Jury RTL-"Le Monde"-LCI» : «(…) On va être placés devant des situations très difficiles en matière d'emploi dans les années qui viennent parce que l'élargissement de l'Union européenne, la montée en puissance de nouveaux pays industriels vont provoquer des délocalisations en cascade».

Mais, ajoutait-il, «nous devons éviter que le rythme de ces délocalisations soit incompatible avec la capacité de réaction de l'économie française». Comment ? Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en parlait aux 4 Vérités sur France 2 : «On a un pouvoir de créer, disons, les conditions pour que les acteurs économiques aient envie d'entreprendre et (...) créent les conditions de cette croissance».

Quel pouvoir !? La croissance n'était pas au rendez-vous, le déficit budgétaire et la dette se creusaient. Et Jacques Attali dans L'Express annonçait avant fin 2003 un plan de rigueur, «ce qui ramènera notre puissance et notre rayonnement à sa triste mesure. Il s'ensuivra une accélération de l'augmentation du chômage : les plans de licenciement d'aujourd'hui ne sont rien à côté de ceux qui se préparent». Nous étions au pied du mur.

Au stade où, comme le soulignait Patrick Devedjan, ministre délégué aux libertés locales, «L'important, c'est de maintenir la cohésion sociale». Françoise Giroud s'exprimait encore ainsi : «On a envie de dire : arrêtons-nous cinq minutes, réfléchissons. Mais est-ce que les gens ont encore la faculté de réfléchir ? (...) Je ne crois pas au progrès moral, mais je crois au progrès social, et nous sommes en pleine régression».