Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/11/2018

La France telle qu'elle est (1)

II y a près de vingt-quatre ans paraissaient à quelques mois d'intervalle, deux petits livres qui ne sont pas passés inaperçus. Aujourd'hui oubliés, s'y (re)plonger peut provoquer un vertige. Leur auteur ou signataire y propose une vision qui "déménage". C'est ainsi que dans le premier, il s'inquiète : «(...) Un danger menace gravement les Français ; je veux parler du danger de la résignation, du refus de l'effort, puis de l'incapacité à le fournir».

«Il est sûr, complète-t-il aussitôt, que le risque est grand de voir émerger une société divisée en classes d'un nouveau genre.» Parmi lesquelles, on trouverait «Ceux (...), de plus en plus nombreux, qui ont perdu l'espoir, puis la capacité de se réinsérer, et qui, désocialisés puis déstructurés, constituent une classe d'exclus, parias du monde moderne, sur lesquels les autres jettent un regard d'indifférence quand ce n'est pas de peur.»

Il dénonce plus loin «la poursuite d'un mode de développement qui a trop négligé la dimension humaine (...)». Et note : «En vingt ans, les Français ont peu à peu divorcé d'avec la France. Une crise économique dont ils ne voient pas la fin a rompu pour beaucoup le lien de confiance qui les unissait à la société. Anxiété devant le chômage et le risque d'exclusion. Vulnérabilité devant l'évolution des techniques et l'ouverture des frontières.

«Inquiétude devant un avenir qui remet en cause cette croyance héritée des Lumières [durant le XVIIIe siècle] ; demain sera plus radieux qu'aujourd'hui et les fils plus heureux que leurs pères. Il ne s'agit plus de langueur, ni de malaise, mais d'une véritable déprime collective, mal tantôt rampant, tantôt s'exaspérant en explosions de colère quand un quartier, une profession, une génération, a le sentiment de n'être ni entendu, ni compris.

«Car dans le même temps, je le répète, le fossé s'est creusé entre les Français et ceux qui les gouvernent. Cette coupure entre la vie politique et les citoyens conduit une partie de nos compatriotes à vivre comme en exil à l'intérieur de notre démocratie. D'autres ne voient de remèdes que dans les solutions simplistes que leur propose l'extrémisme ou le populisme.» «L'état de la France, finit-il volontariste, appelle de vrais changements.»

«Ce changement, si nécessaire» appelé de ses vœux par l'auteur ou le signataire de ces ouvrages (dont le nom ne sera révélé que dans quelques jours), «doit être pensé, mûri. Il doit être offert et discuté. Une fois clairement exposé et accepté, il doit être mis en œuvre rapidement, et le politique doit engager sa responsabilité sur les résultats». Et il cite Roosevelt : «La seule chose que nous devons craindre est la crainte elle-même».

18/03/2014

Oui à la vie, non à ce genre de vie

Le printemps est comme un oui à la vie, un oui de la vie. Quand la nature s'éveille de son long engourdissement hivernal, c'est comme si à chaque fois la vie affirmait sa suprématie sur la mort. Xavier Bichat disait que «La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort». Le printemps est la saison de la renaissance, de la nouvelle vie qui éclôt, de l'espérance retrouvée. «Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir».

Mais curieusement l'espérance vient à manquer en ce printemps. Nous semblons loin de vivre un "printemps" : une "Période pendant laquelle des espoirs de progrès (économique, social) semblent sur le point de se réaliser". Peut-être parce que nous nous trouvons en France et au sein de l'Union européenne dans une situation analogue à celle décrite par cette formule d'André Gide : «Dans la vie, rien ne se résout ; tout continue».

Le Français serait-il devenu «Un vivant dégoûté de vivre» comme l'écrivait Alfred de Musset ? Et pourrait-il faire sienne cette phrase de Gide : «Je ne sais plus bien ce qui me maintient encore en vie sinon l'habitude de vivre»? Car, paradoxe, malgré une vie bien souvent qui "n'est plus une vie", malgré le fait de "Ne plus vivre" (d'être dans l'anxiété), l'ultime espérance de l'homme semble-t-il, est de "Vivre longtemps". Vivre pour vivre.

La vie moderne, quotidienne, accable l'individu qui désespère de ne pouvoir "Vivre sa vie". A "Travailler pour vivre", parce qu’"Il faut bien vivre", à «Perdre sa vie à la gagner», il en vient à "Se laisser vivre". Beaucoup ne parviennent même plus à "vivre de leur travail", "n'ont plus de quoi vivre" (sans parler des "sans-emploi"). Et chacun craint d'avoir à dire comme l'actrice américaine Louise Brooks au terme de son existence : «Nous sommes tous égarés. Ma vie ne fut rien».

Alors pour fuir la réalité, on peut "Vivre pour soi", "Vivre au jour le jour", "Faire la vie", "Mener une double vie", "Refaire sa vie", "Exposer sa vie"..., voire "Attenter à sa vie". Tout est bon. On s'échappe en vacances dans des lieux «où l'on aimerait à vivre» (La Bruyère). On vit caché pour vivre heureux. On rêve de "Changer de vie", de "Vivre libre, en paix" et peut-être de «Naître, vivre et mourir dans la même maison» (Sainte-Beuve).

«Les Français ne croient plus en rien» notaient les préfets en 2005. Sans doute les a-t-on trop fait "Vivre d'espérance". Et peut-être s'aperçoivent-ils qu'ils n'ont pas "choisi leur vie" et que «(...) le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre» (Hugo), sans jouir de la vie. Alors la tentation est grande d'user du peu de liberté qu'il leur reste, celle de pouvoir dire non. Non à cette vie dont ils ne veulent pas ou plus, en ce printemps qui dit oui à la vie.