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28/01/2014

L'homme : une grande cause

«Les enfants commencent tous par la métaphysique, les adolescents continuent dans la morale, et nous les adultes, nous finissons dans la logique et la comptabilité.» Daniel Pennac, en quelques mots, décrit la déchéance que peut constituer le passage à l'âge adulte. Et l'on peut affirmer peut-être que le monde adulte ne serait pas ce qu'il est si les adultes qui le composent se nourrissaient de métaphysique et de morale.

Mais voilà, la philosophie et l'éthique, "c'est fait pour les intellos", "ça n'intéresse personne", "ça ne fait pas vendre", etc., disent les dédaigneux. Foutaises ! Les choses terrestres ne suffisent pas à nourrir leur homme. Il lui faut des nourritures spirituelles qui nécessitent certes un effort intellectuel (et pourquoi pas ?!), mais après l'effort, quelle récompense ! La lecture, passage obligé quoi qu'on dise, nourrit notre esprit, l'élève.

En fait, nous devrions toute notre vie nous considérer comme des élèves et oser convenir que nous ne savons pas, ou pas grand-chose. Recevoir ou suivre l'enseignement de maîtres, voilà le droit que devrait avoir tout homme ; transmettre cet enseignement à ceux qui n'y ont pas accès, voilà le devoir de tout initié. Car, avec Spinoza, nous devons soutenir obstinément "qu'il faut désirer pour l'autre ce que l'on veut pour soi".

Tout être humain mérite ce qu'il y a de mieux. Pouvoir se référer aux meilleures pensées des meilleurs esprits permet d'éviter de penser en rond, de raisonner à vide. Observer, lire, réfléchir pour "avoir du jugement", rien là de surhumain mais tout au contraire de proprement humain. S'en dispenser, c'est se mépriser ; en dispenser les autres, c'est les mépriser. Et "Si vous n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres !".

Alors que tout défenseur d'une certaine idée, d'une haute idée de l'homme se lève et ferraille avec panache contre les contempteurs de la philosophie et de la morale, avec leur logique et leur comptabilité, en s'exclamant comme Cyrano de Bergerac sous la plume d'Edmond Rostand : «Que dites-vous ?... C'est inutile ?... Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès ! Non ! non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !

«Qu'est-ce que c'est que tous ceux-là ! Vous êtes mille ? Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis ! Le Mensonge ? Tiens, tiens ! - Ha ! ha ! les Compromis, les Préjugés, les Lâchetés !... Que je pactise ? Jamais, jamais ! - Ah ! te voilà, toi la Sottise ! Je sais bien qu'à la fin vous me mettrez à bas ; N'importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !» Oui, battons-nous, même si la cause semble perdue, car ce qui est en cause, c'est l'homme.

15/02/2013

Au pied du mur ou dans le mur ?

Nous ne pouvons pas dire que nous n'avons pas été avertis. De partout nous sont arrivés des propos alarmants. Il y a seize ans déjà, Françoise Giroud déclarait au Monde : «C'est la période la plus noire que j'ai connue, à cause de cette désespérance. Certes, j'ai vécu la guerre, les années noires de 1940-1945. Mais on espérait, on se battait. Aujourd'hui les gens se sentent impuissants, et, probablement, ils le sont».

«Plus personne ne contrôle plus rien, confiait en 2003 au Point le ministre-philosophe Luc Ferry. On est dépossédé. La marge de manœuvre et d'efficacité est étroite (...).» Et il s'interrogeait : «Est-ce qu'on est là pour décorer ? Est-ce que la politique existe ou bien disparaît-elle au profit de l'économie mondialisée et de la communication ?». Il se disait pourtant «confiant quant aux chances de limiter le contrecoup social de la mondialisation».

Limiter la casse, voilà à quoi était réduit le gouvernement. François Fillon, ministre alors des affaires sociales..., ne disait pas autre chose à un «Grand Jury RTL-"Le Monde"-LCI» : «(…) On va être placés devant des situations très difficiles en matière d'emploi dans les années qui viennent parce que l'élargissement de l'Union européenne, la montée en puissance de nouveaux pays industriels vont provoquer des délocalisations en cascade».

Mais, ajoutait-il, «nous devons éviter que le rythme de ces délocalisations soit incompatible avec la capacité de réaction de l'économie française». Comment ? Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en parlait aux 4 Vérités sur France 2 : «On a un pouvoir de créer, disons, les conditions pour que les acteurs économiques aient envie d'entreprendre et (...) créent les conditions de cette croissance».

Quel pouvoir !? La croissance n'était pas au rendez-vous, le déficit budgétaire et la dette se creusaient. Et Jacques Attali dans L'Express annonçait avant fin 2003 un plan de rigueur, «ce qui ramènera notre puissance et notre rayonnement à sa triste mesure. Il s'ensuivra une accélération de l'augmentation du chômage : les plans de licenciement d'aujourd'hui ne sont rien à côté de ceux qui se préparent». Nous étions au pied du mur.

Au stade où, comme le soulignait Patrick Devedjan, ministre délégué aux libertés locales, «L'important, c'est de maintenir la cohésion sociale». Françoise Giroud s'exprimait encore ainsi : «On a envie de dire : arrêtons-nous cinq minutes, réfléchissons. Mais est-ce que les gens ont encore la faculté de réfléchir ? (...) Je ne crois pas au progrès moral, mais je crois au progrès social, et nous sommes en pleine régression».

14/09/2012

Un pape à rebours de l'évolution générale

Huit ans déjà : les jeux étaient faits à Athènes comme à Lourdes où les premières paroles du pape Jean-Paul II à Jacques Chirac furent : «Il fallait que je revienne à Lourdes avant de mourir». Lui «le sportif de Dieu» comme l'avait surnommé le cardinal Marty, achevait son itinéraire sur la Terre en fauteuil roulant parmi "les fauteuils roulants". Et faisait de son chemin de croix un témoignage de combat en faveur de tous les «blessés de la vie».

Que l'on partageait ou non sa foi et sa morale, ce pape forçait le respect. Il était de «Ceux qui luttent contre leur époque et nagent à contre-courant» comme l'écrivait André Maurois. Pour cela et ceux-là, la punition ne tarde pas en "démocratie" : Seuls sont les indomptés. Et le philosophe de gauche Marcel Gauchet le reconnaissait : «La communauté catholique est la seule minorité persécutée, culturellement parlant, dans la France contemporaine».

Mais Jean-Paul II persistait : «Soyez des femmes et des hommes libres ! Défendez votre liberté !». Au moment de l'ouverture des Jeux olympiques et alors que les caméras du monde entier se braquaient sur la perfection et les performances physiques des dieux du stade, un homme de Dieu, vieux, fatigué et souffrant, exhortait à vivre "dans le sens contraire de la tendance générale" : ce "Plus vite, plus haut, plus fort !" stérile.

Et là, devant pas loin de 300 000 personnes - c'est-à-dire bien plus que dans toute grand-messe politique, syndicale, culturelle ou sportive -, devant de nombreux malades et handicapés, il ajoutait : «Je lance un appel pressant pour que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour que la vie, toute vie, soit respectée depuis la conception jusqu'à son terme naturel. La vie est un don sacré, dont nul ne peut se faire le maître».

Mais comment résister au courant ? Saturé du tumulte de la vie actuelle, cerné par toutes sortes de sollicitations, l'homme peut être amené à "suivre, être entraîné par le courant". Telle une vigie, le pape indiquait les dévoiements et les "facilités" selon lui de notre temps, et des lignes de conduite exigeantes : «Le bien ne fait pas de bruit, la force de l'amour s'exprime dans la tranquille discrétion du service quotidien». Sans parader.

Avant sa venue en France, Jean-Paul II avait d'ailleurs encouragé à renouer avec le silence, car «Les multiples occasions de relations et d'information qu'offre la société moderne risquent d'enlever tout espace au recueillement au point de rendre les gens incapables de réfléchir (...)». François Mauriac avait peut-être raison : «Le monde est finalement sauvé par un petit nombre d'hommes et de femmes qui ne lui ressemblent pas».