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20/06/2014

Le parasite : l'ennemi de l'intérieur

Sans être dans l'oisiveté, le parasite se caractérise par la défense de sa tranquillité, la recherche de toutes les faveurs et facilités, et une paresse d'esprit. Il se réserve les bonnes places, les planques, où le travail est aisé, hors contrôle, ou consiste à faire travailler les autres. Il botte en touche (se débarrasse des problèmes en éludant les difficultés), refile les tâches ingrates, se défausse des corvées, fuit les responsabilités.

II sait obtenir des autres ce qu'il veut, les mettre dans sa poche. Il abuse de leur gentillesse, de leur bonne volonté, les exploite sans vergogne. Ses armes : la flatterie et le louvoiement ; la contrainte aussi s'il est en position dominante. Coutumier du fait accompli et habitué à jouer la montre, le temps travaille pour lui, le temps qui urge ou le temps qui use. Pressant ou épuisant, il parvient souvent à ses fins.

Partisan du moindre effort, il rechigne à l'ouvrage, ne fait que ce qui l'arrange, ce qui lui plaît, en fait le minimum. Il s'approprie les idées des autres, copie, pille, pompe sans états d'âme. Le parasite est un tricheur et un profiteur. Il fait semblant d'avoir beaucoup à faire, fait du vent, papillonne, mais en fait profite de la, de sa situation, et du système. Allant jusqu'à utiliser pour son propre compte les moyens collectifs.

L'esprit d'équipe, connaît pas. Il joue perso, préserve avant tout ses intérêts, tire la couverture à lui - s'attribue tout le mérite d'une réussite - et fait porter le chapeau aux autres en cas d'échec. Il sait "ouvrir le parapluie", ne reconnaît jamais ses torts ; prêt même à faire payer ses erreurs à autrui. Pas franc du collier, il ne connaît que le faux-fuyant et parfait imposteur, arrive à tromper son monde et même à en imposer.

Il faut dire qu'il connaît l'art de la mise en scène et joue son rôle à merveille, cherchant toujours à paraître et à se faire valoir. La parole facile, habile à cultiver ses relations, roublard, retors, il intrigue, brode, noie le poisson pour obtenir satisfaction, bénéficier de passe-droits, "présenter la note". Très à cheval sur ses prérogatives, tout lui est dû. Il ne se refuse rien ! et refuse beaucoup aux autres. Il vit aux frais de la princesse.

Lié peut-être à l'esprit capitaliste, le parasitisme s'étend comme une gangrène. Le parasite "fait des petits". Mais à vivre ainsi aux dépens de leur hôte, ces pique-assiettes le vident de sa substance. Pas seulement superflus ou gênants, les parasites sont une charge pour toute collectivité et peuvent lui porter préjudice de façon irrémédiable. "Aux crochets", ils la rongent de l'intérieur. Ils sont les ennemis de l'intérieur.

15/04/2014

L'esprit mercantile

«Tels sont les inconvénients de l'esprit commercial. Les intelligences se rétrécissent, l'élévation d'esprit devient impossible. L'instruction est méprisée ou du moins négligée et il s'en faut de peu que l'esprit d'héroïsme ne s'éloigne tout à fait. Il importerait hautement de réfléchir aux moyens de remédier à ces défauts.» Qui parle ainsi ? Adam Smith, "le pape du libéralisme" comme l'écrit Jacques Julliard dans son livre Le Malheur français chez Flammarion.

Cet économiste du XVIIIe siècle parlait d'or. Plus de deux siècles plus tard, nous ne pouvons que constater l'envahissement de «l'esprit commercial» avec ses «inconvénients», ses «défauts» qui ne trouvent aucun remède ; peut-être parce que, tout simplement, nous n'en cherchons pas. «Il importerait hautement de réfléchir» conseillait Adam Smith, mais en avons-nous encore la faculté, la liberté, et si oui, en avons-nous la volonté ?

Un père disait à son fils : «Si tu ne vis pas comme tu penses, tu penseras comme tu vis», raconte Michel Godet dans son ouvrage Le Choc de 2006 chez Odile Jacob. Il est bien possible que nous pensions comme nous vivons, que notre façon de vivre décide de notre façon de voir. Et l'intendance qui devrait suivre, maintenant précède : les questions matérielles, économiques ne sont plus subordonnées aux décisions politiques.

Nous parlons, décidons et agissons avant de réfléchir, "sur des coups de tête", pendant que les logiques de l'économie de marché s'insinuent dans toute la société et influent son organisation. Cette transformation de tout en produit ou service commercial, tout devenant ainsi matière à profit, rend la vie en société impossible. Car entraîné à ne chercher que son profit, l'homme peut se muer facilement en profiteur, mesquinement intéressé.

"Il n'y a pas de petits profits", voici résumé en une phrase l'esprit de notre temps. Un économiste, François Perroux, cité aussi par Jacques Julliard qui le qualifie de libéral authentique, écrivait en 1951 dans Le Capitalisme aux Presses universitaires de France : «Toute société capitaliste fonctionne régulièrement grâce à des secteurs sociaux qui ne sont ni imprégnés, ni animés de l'esprit du gain et de la recherche du plus grand gain.

«Lorsque le haut fonctionnaire, le soldat, le magistrat, le prêtre, l'artiste, le savant sont dominés par cet esprit, la société croule et toute forme d'économie est menacée. Les biens les plus précieux et les plus nobles dans la vie des hommes, l'honneur, la joie, l'affection, le respect d'autrui, ne doivent venir sur aucun marché.» Nous aurions été bien avisés d'écouter ces avertissements au lieu de nous abandonner à l'esprit mercantile.

24/01/2014

Le déclin avant la chute ?

«Une civilisation qui ne croit plus en elle-même, qui n'est plus capable de défendre ses valeurs, qui remplace la foi par l'idolâtrie est condamnée tôt ou tard à quitter la scène du monde» avançait en 2005 Le Figaro magazine au sujet de ce déclin annoncé. Un peu plus de dix ans que régulièrement le débat se porte sur notre prétendue décadence. Mais que disent les historiens sur les décadences passées et leurs traits communs ?

Certains défendent par exemple l'idée de la crise spirituelle pour expliquer la mort de civilisations anciennes. «(...) Quand elles ont cessé de comprendre leurs raisons d'être (...)», quand «(...) il n'y a plus (...) de principe fondateur d'une communauté de destin», quand «partout prédomine l'indifférence au bien commun», alors une société, une civilisation se délite. Il convient d'ajouter pour Rome, l'institution d'un système de castes.

Un film de 1986, réservé à un public averti, Le déclin de l'empire américain, donne un éclairage particulier. Son réalisateur Denys Arcand développe la thèse que la recherche du bonheur personnel nuit au rayonnement d'une nation, d'une civilisation, et qu'une société en développement se préoccupe davantage du bien collectif ou d'un bonheur hypothétique futur plutôt que de satisfactions individuelles immédiates.

Pour lui, «les signes du déclin de l'empire sont partout : la population qui méprise ses propres institutions, la baisse du taux de natalité, le refus des hommes de servir dans l'armée, la dette nationale devenue incontrôlable, la diminution constante des heures de travail, l'envahissement des fonctionnaires, la dégénérescence des élites». Toutes observations, discutables d'ailleurs, qui pourraient être généralisées à l'Occident.

En fait, dit-il, «Avec l'écroulement du rêve marxiste-léniniste, on ne peut plus citer aucun modèle de société dont on pourrait dire : voilà comment nous aimerions vivre. Comme sur le plan privé, à moins d'être un mystique ou un saint, il est presque impossible de modeler sa vie sur aucun exemple autour de nous, ce que nous vivons, c'est un processus général d'effritement de toute l'existence», sans repères et sans points d'appui.

Manquant de références et manquant de soutiens, de moyens d'action, de leviers, de ressort(s), l'homme ne se repère plus et se perd dans l'action par calcul, l'action improductive ou l'inaction. Plus soutenu, l'homme devient instable. Sa force morale déclinante, il défaille, fléchit, flanche. La contagion gagnant de proche en proche, assisterait-on à une désagrégation, une "destruction des principes de cohésion" de toute la société ?