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18/06/2013

Les cadres sortent du cadre

Vivons-nous une sorte de révolution depuis le milieu des années 90 ? Des signes ne trompent pas en effet. L'encadrement français prend de plus en plus ses distances d'avec certaines lignes directrices de notre modèle économique, et d'avec ses propres Directions générales. Et ceci s'explique sans doute en grande partie par la pression subie au sein des entreprises, en particulier dans les secteurs concurrentiels mais pas seulement. Le stress mine les cadres.

En fait tout est connu grâce à deux études réalisées en 2004 par Opinionway pour la CFE-CGC qui montraient l'ampleur du problème. Près de la moitié des cadres (49 %) jugaient insuffisant le temps dont ils disposaient pour accomplir leur travail et 81 % avaient le sentiment que leur charge de travail allait en augmentant. Rien de surprenant donc que 79 % ressentaient une accélération du rythme de travail. Leurs objectifs leur paraissant irréalistes pour 41 %.

Sur la stratégie de leur entreprise, 46 % se disaient d'ailleurs mal informés et 36 % n'y adhéraient pas. Pour ce qui était de leurs efforts, les cadres étaient 49 % à trouver qu'ils n'étaient pas reconnus, et 74 % qu'ils n'étaient pas récompensés, à leur juste valeur. Quant à leurs perspectives de carrière et d'avancement, elles leur semblaient mauvaises pour 56 %. Ceci s'ajoutant à des facteurs de stress sans cesse croissants.

Discriminations, critiques, remontrances, harcèlement moral, exposition à des risques de perte financière, concurrence avec les collègues, agressivité des clients..., rien ne leur était épargné. Et près d'un cadre sur trois (29 %) reconnaissait même exécuter des actions qui ne correspondaient pas à son éthique. Tout cela n'étant pas sans conséquences sur leur santé psychique et physique. La liste des affections était longue.

Naturel donc qu'ils ne voyaient pas la vie en rose, le climat social dans leur entreprise apparaissant mauvais à 49 % d'entre eux. Ils étaient même 39 % à se déclarer prêts à participer à un mouvement social. Sans doute en raison également de leur pessimisme concernant le niveau de leur future retraite (86 %), l'évolution de leur charge de travail (61 %) ou de leur niveau de rémunération (59 %), la pérennité de leur emploi (36 %).

Comme en plus ce pessimisme s'étendait à l'évolution de la place des cadres en France (47 %), de la situation économique (60 %) et de la situation sociale (73 %), on pouvait dire que ceux qui avaient la charge de diriger, d'organiser, de concevoir, de contrôler, en suivant les directives des décideurs, se trouvaient en porte-à-faux. Eux censés entraîner, traînaient leur mal-être ; et dix ans plus tard, faute de réponses, se trouvent de plus en plus à traîner les pieds. Comme de simples salariés.

01/02/2013

Consentir des sacrifices pour réussir

Un philosophe et professeur, ministre alors de l'Education nationale, de la Jeunesse et de la Recherche, Luc Ferry, s'interrogeait dans un livre paru chez Grasset en 2002 : «Qu'est-ce qu'une vie réussie ?». A sa sortie, le magazine Le Point sondait les Français. 90 % d'entre eux avaient le sentiment d'avoir réussi ou d'être en train de réussir leur vie et 74 % pensaient que réussir sa vie, c'était avoir une famille heureuse.

II semble difficile d'affirmer avoir ou non réussi sa vie avant de passer de vie à trépas. Une parole, une action peut venir bouleverser le bilan d'une vie jusqu'au dernier moment. On ne juge le parcours qu'à l'arrivée. De plus - sans parler des événements fortuits - chacun de nous est libre à tout moment de changer de vie. Une vie réussie pourrait être ainsi une vie librement choisie et pleinement vécue.

Autre enseignement : pour les Français, «mieux vaut réussir sa vie que réussir dans la vie». Mais, par choix ou par nécessité, de plus en plus de couples semblent s'être lancés le défi de réussir les deux, à deux. Cet été-là, L'Express scrutait ainsi ces couples qui jonglent avec vie familiale et vie professionnelle (les trois quarts des couples âgés de 30 à 54 ans comptaient deux actifs en 1998 ; pareil en 2011).

Il en ressort que "courir deux lièvres à la fois" a un coût. Un coût humain que la société fait payer à certains de ses membres, par intérêt ou inconscience. Robert Neuburger, psychiatre, constatait : «Je rencontre deux types de patients : des jeunes avec deux ou trois enfants, en pleine ascension dans leur métier, qui n'ont plus de temps pour eux et dont le couple n'a plus d'espace pour exister ;

... des personnes plus âgées, dont les rejetons ont quitté le nid, qui ont tout - maison, résidence secondaire - mais qui prennent conscience que leur couple est devenu une coquille vide». L'on peut redouter que, s'ils n'y prennent garde ou s'ils ne se séparent en chemin, les premiers seront les seconds vingt ans plus tard. Et que dire quand la concurrence s'installe au sein même du couple !?

Les plus exposés : les jeunes cadres. Les premières victimes : leurs enfants. La compétition interne tournant au conflit quand il s'agit de se répartir les tâches, d'autant plus si les grands-parents sont loin. Une solution (si "famille heureuse" veut dire "vivre ensemble") : la coopération. La solution : si possible le renoncement de l'un, pour une part et un temps, à soi-même. Un sacrifice qui est aussi un don. Réussir sa vie, c'est peut-être aussi aider l'autre à réussir la sienne.