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13/12/2013

Le but de la vie : devenir grand

Le petit d'homme que nous avons tous été, est-il devenu grand ? Bien sûr physiquement et psychiquement, mais intellectuellement et moralement ? On peut se poser la question, une question qui nous renvoie à celle du sens de l'existence. Car peut-être que le but de notre vie est de nous grandir, nous élever et de nous opposer à tout ce qui nous abaisse, nous diminue, nous réduit et nous détruit, tout ce qui nous rend petit et bas.

En effet, face aux petites ambitions, il y a les grandes : devenir grand par le cœur et par l'esprit, s'attacher à ce qui est vrai, beau, bien, à ce qui est grand : essentiel, supérieur, "noble" : être fort et fier, "généreux et magnanime" : faire preuve de grandeur d'âme ; penser toujours à penser dans une société où l'homme «n'a plus le temps ni le goût de penser» (Sœur Emmanuelle) alors que «Penser fait la grandeur de l'homme» (Pascal).

Et puis savoir admirer les grands hommes, "célèbres pour leur mérite, leurs qualités intellectuelles ou morales, leurs talents", comme ces grands maîtres, "artistes, écrivains ou savants", et leurs grandes œuvres qui nous grandissent. Enfin, ne pas succomber sous les tentatives d'asservissement visant à nous modeler sur le monde tel qu'il est, et nous rappeler constamment que le monde est ce que les hommes en font.

Utopique ? «L'utopie est simplement ce qui n'a pas encore été essayé» disait Théodore Monod. Alors essayons. Ce n'est pas facile ? Et depuis quand un idéal serait-il facile à atteindre ? D'après Renan : «Le but d'une vie noble doit être une poursuite idéale et désintéressée», alors poursuivons cet idéal, peut-être sans jamais l'atteindre, mais au moins pourrons-nous dire que nous avons tout tenté et au moins nous serons-nous ennoblis.

Tout le reste : les "intérêts de la vie matérielle", nous abaisse peu ou prou. Certes, on ne peut se dégager des devoirs et "contingences de la vie quotidienne", mais on doit s'en dégager dès qu'on peut, pour prendre de la hauteur et respirer. Il ne s'agit pas d'aspirer à la sainteté, même laïque, il s'agit de devenir meilleur avant d'expirer, de ne pas vendre son âme et mourir idiot, car le reste, nous ne l'emporterons pas au paradis.

Une fois devenu grand, physiquement et psychiquement, chercher à s'élever, à se grandir, intellectuellement et moralement : voilà le défi de toute une vie. Et pour cela, il faut ne jamais se résigner – «La seule dignité de l'homme : la révolte tenace contre sa condition» (Albert Camus) -, et ne jamais oublier qu'«on ne se grandit que dans la mesure où l'on se donne à quelque chose de plus haut que soi» (Antoine de Saint-Exupéry).

15/10/2013

"Fermé les dimanches et jours fériés" pour s'ouvrir

Pouvoir travailler le dimanche serait donc la dernière nouvelle liberté.

Ô Liberté, que de réformes on commet en ton nom !

Mais si l’on en croit le dictionnaire, la réforme, c’est un changement en mieux, en vue d’une amélioration. Or, est-on si sûr qu’il s’agit là d’un mieux ?

Jean-Paul II dans son encyclique sociale Centesimus annus (Éditions Mediaspaul), en référence au centième anniversaire de l’encyclique du pape Léon XIII Rerum novarum, peut nous guider peut-être dans cette recherche du mieux.

« Il n’est pas mauvais de vouloir vivre mieux, écrivait-il, mais ce qui est mauvais, c’est le style de vie qui prétend être meilleur quand il est orienté vers l’avoir et non vers l’être, et quand on veut avoir plus, non pour être plus mais pour consommer l’existence avec une jouissance qui est à elle-même sa fin. Il est donc nécessaire de s’employer à modeler un style de vie dans lequel les éléments qui déterminent les choix de consommation, d’épargne et d’investissement soient la recherche du vrai, du beau et du bon, ainsi que la communion avec les autres hommes pour une croissance commune. »

Ainsi, de même que "Le mieux est l’ennemi du bien", peut-être que le mieux-être est l’ennemi du bien-être, pour paraphraser le philosophe Ivan Illich. Ou pour le dire autrement : surabondance de biens nuit. A chercher à avoir toujours plus, il se pourrait qu’on en arrive à être moins bien.

Le dimanche est une pause, un soupir, une respiration dans la frénésie organisée.

Car les sociétés contemporaines dites développées acculent l’être humain à courir après "les biens de ce monde" pour les accumuler à plaisir, et à courir après les plaisirs pour "se changer les idées", négligeant les biens de nature intellectuelle, spirituelle, esthétique...

Le dimanche est l’occasion de revenir à ces biens qui permettent de se dépasser par la pensée plutôt que de passer par la dépense. La gratuité, voilà ce qui sans doute donne de la grandeur au dimanche. Cette sorte aussi d’inutilité au sens que l’emploie Jean d’Ormesson dans son ouvrage intitulé C’était bien (Éditions Gallimard) : « les sentiments, les passions, les idées vagabondes, l’imagination créatrice, la liberté des mots. Rire et boire avec d’autres, rêver, dessiner, peindre, chanter devant un feu, faire de la musique et l’écouter, siffler avec les oiseaux, composer des motets, des messes, des opéras, raconter des histoires, écrire et lire des épopées, des odes, des fables, des tragédies. Ou regarder en silence les arbres qui changent et restent les mêmes et les nuages dans le ciel. Ou demeurer immobile, loin de soi-même et de tout, à bénir on ne sait quoi. Cultiver de l’inutile, au moins en apparence. Il n’est pas tout à fait exclu que l’inutile soit plus nécessaire que l’utile. Au bonheur, en tout cas ».

Mais il y a plus grave encore. Et c’est Georges Bernanos qui le soulignait : la civilisation moderne bannit toute vie intérieure, c’est-à-dire toute vie de l’esprit, toute vie morale, spirituelle…, toute conscience. En étant dévoreuse de temps, de calme, de solitude choisie… ; et parce que la vie intérieure est un obstacle aux influences extérieures et à tous les trafics, commerces, corruptions.

Dans son livre La Liberté pour quoi faire ? (Éditions Gallimard), Bernanos disait également que la « civilisation technique » ou « civilisation des machines » n’est en fait qu’« une contre-civilisation, une civilisation non pas faite pour l’homme, mais qui prétend s’asservir l’homme, faire l’homme pour elle, à son image et à sa ressemblance (…) ».

Le dimanche est une résistance au temps, le jour où l’homme peut être vraiment lui-même, faire vraiment ce qu’il veut, ne rien faire s’il préfère, en tout cas ne plus être seulement un producteur et un consommateur de biens et de services.

Si « la liberté économique [qui] n’est qu’un élément de la liberté humaine (…) se rend autonome, [si] l’homme est considéré plus comme un producteur ou un consommateur de biens que comme un sujet qui produit et consomme pour vivre, alors elle perd sa juste relation avec la personne humaine et finit par l’aliéner et par l’opprimer » écrivait encore Jean-Paul II dans son encyclique sociale.

Et puis le dimanche c’est la famille réunie. La famille, ce « refuge contre l’adversité », cette « cellule de résistance à l’oppression, si forte et si bien constituée que la première tâche que les tyrannies totalitaires s’assignent est de la faire voler en éclats (…) » remarquait André Frossard dans son livre L’Homme en questions (Éditions Stock).

Et si refuser de voir une liberté dans le fait de pouvoir travailler le dimanche, c’était vouloir empêcher ce que constatait Bernanos, à savoir que « dans presque tous les pays, la démocratie » est « d’abord et avant tout une dictature économique » ?!