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12/04/2021

Le crime contre l'humanité

La journée du Souvenir des Déportés, le dernier dimanche d'avril, vient nous rappeler depuis 76 ans une abomination. Cette journée nationale des héros et victimes de la déportation n'est pas une commémoration comme les autres. Certes la Seconde Guerre mondiale n'a pas été avare d'atrocités sans nom, de même que le vingtième siècle, mais rien ne dépasse en monstruosité le crime contre l'humanité.

 

André Frossard dans son livre Le crime contre l'humanité paru en 1997 chez Robert Laffont, soulignait la spécificité de : «ce meurtre conscient que fut l'extermination des Juifs, mise en doctrine, préparée, annoncée longtemps à l'avance, organisée avec lucidité, et assez de machiavélisme pour que l'exécutant ne se sentît pas plus impliqué que son voisin, ni plus porté à désobéir (...)».

 

«Le crime contre l'humanité, poursuivait-il, c'est tuer quelqu'un sous prétexte qu'il est né». Mais à l'assassinat notait André Frossard, s'ajoute la tentative d'avilissement. D'où la définition définitive de ce rescapé de la baraque des juifs du fort Montluc où, résistant, il fut détenu en 1944 : «Il y a crime contre l'humanité, quand l'humanité de la victime est niée, en clair, et sans appel».

 

André Frossard voyait dans le nouveau paganisme resurgi au milieu du XXe siècle, l'explication de cette haine visant à l'anéantissement du peuple élu et de ce Dieu dont Nietzsche avait annoncé la mort. Puis citant Aristote : le Barbare «est celui qui ne vit pas sous des lois», l'auteur dénonçait le totalitarisme, «la barbarie à l'état pur», dont les crimes «(...) ont une seule et même origine : le mépris de l'homme».

 

«Et ce mépris de l'homme (...), remarquait-il, on en relève des traces ailleurs, dans l'archipel du Goulag, dans certaines expériences génétiques, dans l'exploitation industrielle du fœtus, dans le trafic des enfants à naître, dans l'indifférence totale des fabricants de pollution, dans l'immoralité consciente ou inconsciente des experts en manipulations psychologiques.»

 

Cela peut recommencer, en d'autres lieux, sous d'autres formes. Cela a peut-être déjà recommencé. D'où sa mise en garde en direction de la jeunesse pour qu'elle ne vende jamais son âme à un parti, une idéologie, un homme, et qu'elle préserve sa connaissance du Bien et du Mal léguée par la tradition religieuse ou morale. Et André Frossard, l'Immortel aujourd'hui disparu, terminait par ce dernier avertissement : «enfants, soyez vigilants, enfants, méfiez-vous».

15/10/2013

"Fermé les dimanches et jours fériés" pour s'ouvrir

Pouvoir travailler le dimanche serait donc la dernière nouvelle liberté.

Ô Liberté, que de réformes on commet en ton nom !

Mais si l’on en croit le dictionnaire, la réforme, c’est un changement en mieux, en vue d’une amélioration. Or, est-on si sûr qu’il s’agit là d’un mieux ?

Jean-Paul II dans son encyclique sociale Centesimus annus (Éditions Mediaspaul), en référence au centième anniversaire de l’encyclique du pape Léon XIII Rerum novarum, peut nous guider peut-être dans cette recherche du mieux.

« Il n’est pas mauvais de vouloir vivre mieux, écrivait-il, mais ce qui est mauvais, c’est le style de vie qui prétend être meilleur quand il est orienté vers l’avoir et non vers l’être, et quand on veut avoir plus, non pour être plus mais pour consommer l’existence avec une jouissance qui est à elle-même sa fin. Il est donc nécessaire de s’employer à modeler un style de vie dans lequel les éléments qui déterminent les choix de consommation, d’épargne et d’investissement soient la recherche du vrai, du beau et du bon, ainsi que la communion avec les autres hommes pour une croissance commune. »

Ainsi, de même que "Le mieux est l’ennemi du bien", peut-être que le mieux-être est l’ennemi du bien-être, pour paraphraser le philosophe Ivan Illich. Ou pour le dire autrement : surabondance de biens nuit. A chercher à avoir toujours plus, il se pourrait qu’on en arrive à être moins bien.

Le dimanche est une pause, un soupir, une respiration dans la frénésie organisée.

Car les sociétés contemporaines dites développées acculent l’être humain à courir après "les biens de ce monde" pour les accumuler à plaisir, et à courir après les plaisirs pour "se changer les idées", négligeant les biens de nature intellectuelle, spirituelle, esthétique...

Le dimanche est l’occasion de revenir à ces biens qui permettent de se dépasser par la pensée plutôt que de passer par la dépense. La gratuité, voilà ce qui sans doute donne de la grandeur au dimanche. Cette sorte aussi d’inutilité au sens que l’emploie Jean d’Ormesson dans son ouvrage intitulé C’était bien (Éditions Gallimard) : « les sentiments, les passions, les idées vagabondes, l’imagination créatrice, la liberté des mots. Rire et boire avec d’autres, rêver, dessiner, peindre, chanter devant un feu, faire de la musique et l’écouter, siffler avec les oiseaux, composer des motets, des messes, des opéras, raconter des histoires, écrire et lire des épopées, des odes, des fables, des tragédies. Ou regarder en silence les arbres qui changent et restent les mêmes et les nuages dans le ciel. Ou demeurer immobile, loin de soi-même et de tout, à bénir on ne sait quoi. Cultiver de l’inutile, au moins en apparence. Il n’est pas tout à fait exclu que l’inutile soit plus nécessaire que l’utile. Au bonheur, en tout cas ».

Mais il y a plus grave encore. Et c’est Georges Bernanos qui le soulignait : la civilisation moderne bannit toute vie intérieure, c’est-à-dire toute vie de l’esprit, toute vie morale, spirituelle…, toute conscience. En étant dévoreuse de temps, de calme, de solitude choisie… ; et parce que la vie intérieure est un obstacle aux influences extérieures et à tous les trafics, commerces, corruptions.

Dans son livre La Liberté pour quoi faire ? (Éditions Gallimard), Bernanos disait également que la « civilisation technique » ou « civilisation des machines » n’est en fait qu’« une contre-civilisation, une civilisation non pas faite pour l’homme, mais qui prétend s’asservir l’homme, faire l’homme pour elle, à son image et à sa ressemblance (…) ».

Le dimanche est une résistance au temps, le jour où l’homme peut être vraiment lui-même, faire vraiment ce qu’il veut, ne rien faire s’il préfère, en tout cas ne plus être seulement un producteur et un consommateur de biens et de services.

Si « la liberté économique [qui] n’est qu’un élément de la liberté humaine (…) se rend autonome, [si] l’homme est considéré plus comme un producteur ou un consommateur de biens que comme un sujet qui produit et consomme pour vivre, alors elle perd sa juste relation avec la personne humaine et finit par l’aliéner et par l’opprimer » écrivait encore Jean-Paul II dans son encyclique sociale.

Et puis le dimanche c’est la famille réunie. La famille, ce « refuge contre l’adversité », cette « cellule de résistance à l’oppression, si forte et si bien constituée que la première tâche que les tyrannies totalitaires s’assignent est de la faire voler en éclats (…) » remarquait André Frossard dans son livre L’Homme en questions (Éditions Stock).

Et si refuser de voir une liberté dans le fait de pouvoir travailler le dimanche, c’était vouloir empêcher ce que constatait Bernanos, à savoir que « dans presque tous les pays, la démocratie » est « d’abord et avant tout une dictature économique » ?!