20/05/2014
La loi du nombre
«Y’a trois choses importantes dans l'histoire : premièrement le nombre, deuxièmement le nombre et troisièmement le nombre (...)» dit le personnage principal, professeur d'histoire, au début du film de Denys Arcand Le déclin de l'empire américain. «Ça veut dire (...) que l'histoire n'est pas une science morale. Le bon droit, la compassion, la justice... sont des notions étrangères à l'histoire.» Flaubert parlait de «droit du nombre».
Le nombre. Voilà bien un des problèmes principaux des Occidentaux, bientôt «cernés au milieu de sept milliards d'hommes» comme l'écrivait en 1985 Jean Raspail dans la préface à la troisième édition de son livre Le Camp des Saints chez Robert Laffont. Un problème d'autant plus aigu que selon le romancier, «(...) l'Occident est vide (...), l'Occident n'a plus d'âme (...)», alors que «c'est toujours l'âme qui gagne les combats décisifs».
«II me vient souvent l'impression, ajoutait-il, (...) que bien des Français "de souche", aujourd'hui, ne sont plus que des bernard-l'ermite qui vivent dans des coquilles abandonnées par les représentants d'une espèce à présent disparue (...). Ils se contentent de durer. Ils assurent machinalement leur survie à la petite semaine et de plus en plus mollement.» Invertébrés jouissant «d'une richesse héritée et de moins en moins méritée».
«Sous les bannières d'une solidarité interne et "sécurisante" illusoire, ils ne sont plus solidaires de rien, ni même conscients de rien de ce qui constitue l'essentiel fond commun d'un peuple» poursuivait Raspail. Ils font grand cas de leur petite personne, ne se sentent plus "liés par une responsabilité commune, des intérêts communs", ni même par "l'obligation morale de ne pas desservir les autres" ou de "s'accorder une aide mutuelle".
«Sur le plan pratique et matérialiste qui seul peut encore allumer une lueur d'intérêt dans leur regard envieux, ils forment une nation de tout petits bourgeois qui s'est payée et se paye encore en pleine crise (...), des millions de domestiques : les immigrés. Ah ! comme ils vont trembler ! Les domestiques ont d'innombrables familles en deçà et au-delà des mers, une seule et famélique famille qui peuple toute la terre» prévenait Raspail.
«Mais le tout petit bourgeois sourd et aveugle reste bouffon sans le savoir. Encore miraculeusement à l'aise dans ses grasses prairies d'Occident, il crie en louchant sur son plus proche voisin : "Faites payer les riches !" Le sait-il seulement, mais enfin le sait-il ! que le riche c'est précisément lui, et que ce cri de justice, ce cri de toutes les révoltes, hurlé par des milliards de voix, c'est contre lui et contre lui seul que bientôt il s'élèvera.»
09:38 Publié dans Inégalités | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'histoire, le nombre, denys arcand, le déclin de l'empire américain, science morale, le bon droit, la compassion, la justice, flaubert, droit du nombre, les occidentaux, jean raspail, le camp des saints, éditions robert laffont, l'occident, l'âme, "français de souche", durer, richesse héritée et de moins en moins méritée, solidarité, peuple, responsabilité commune, intérêts communs, ne pas desservir les autres, s'accorder une aide mutuelle, pratique, matérialiste, intérêt, envieux, nation de tout petits bourgeois, domestiques, les immigrés, sourd et aveugle, bouffon, faites payer les riches, cri de justice, révoltes | Facebook |
31/01/2014
La force des choses
Paul Valéry proposait dans son livre Regards sur le monde actuel une «recherche : étudier les variations de la liberté individuelle, depuis X années». Si l'on entend par liberté le fait de ne pas être au pouvoir de quelqu'un ou de quelque chose, sous sa domination, sa dépendance, notre conclusion pourrait bien être celle de Valéry : «J'ai grand-peur que son aire n'ait fait que se rétrécir depuis un demi-siècle. C'est une peau de chagrin».
En effet, si d'abord, «Il s'agirait d'examiner les lois successives : les unes accroissent, les autres restreignent le domaine des possibilités de chacun. (...) Il serait très injuste et très superficiel de ne considérer que les contraintes légales». Il s'agirait d'examiner aussi les contraintes de fait. Et le constat s'impose : «L'homme moderne est l'esclave de la modernité : il n'est point de progrès qui ne tourne à sa plus complète servitude».
«Le confort nous enchaîne. La liberté de la presse et les moyens trop puissants dont elle dispose nous assassinent de clameurs imprimées, nous percent de nouvelles à sensations. La publicité (...) insulte nos regards, falsifie toutes les épithètes, gâte les paysages, corrompt toute qualité et toute critique, (...) et confond sur les pages que vomissent les machines, l'assassin, la victime, le héros, le centenaire du jour et l'enfant martyr.»
«Il y a aussi la tyrannie des horaires» ajoutait Valéry. Au point que «Le temps de chacun, d'une famille, devient le temps de l'entreprise qui suppose une forme d'organisation humaine, implique un type de relations humaines» dit Andreu Solé, professeur de sociologie à HEC. Et même si nous n'en sommes pas conscients et si apparemment la majorité n'en souffre pas, «Tout ceci nous vise au cerveau» remarquait encore Valéry.
Et terminait-il : «II faudra bientôt construire des cloîtres rigoureusement isolés, où ni les ondes, ni les feuilles n'entreront ; dans lesquels l'ignorance de toute politique sera préservée et cultivée. On y méprisera la vitesse, le nombre, les effets de masse, de surprise, de contraste, de répétitions, de nouveauté et de crédulité. C'est là qu'à certains jours on ira, à travers les grilles, considérer quelques spécimens d'hommes libres».
Paul Valéry écrivait ce texte en 1938, avant la société de consommation, des loisirs, du spectacle... Que dirait-il aujourd'hui ?! Pour beaucoup, les "figures imposées" semblent admises sans examen et forment même comme des jalons. Ils prennent la société comme elle est, aliènent leur liberté en obéissant à la force des choses. Totalement dans le monde, alors qu'il faudrait, pour rester libre, vivre le plus possible à l'écart du monde.
10:29 Publié dans Liberté | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul valéry, regards sur le monde actuel, liberté individuelle, les lois, domaine des possibilités, contraintes légales, contraintes de fait, l'homme moderne esclave de la modernité, progrès, complète servitude, le confort, la presse, la publicité, la tyrannie des horaires, le temps de l'entreprise, forme d'organisation humaine, type de relations humaines, andreu solé professeur de sociologie à hec, cloîtres isolés, la politique, la vitesse, le nombre, effets de masse, effets de surprise, effets de contraste, effets de répétitions, effets de nouveauté, effets de crédulité, hommes libres, société de consommation, société des loisirs, société du spectacle, obéir à la force des choses | Facebook |