Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/09/2013

Les cadres en rupture avec l'entreprise

Il existe des années qu'on pourrait qualifier de "prophétiques", c'est-à-dire annonciatrices de l'avenir. Et 2004 en est une, en particulier en matière d'emploi pour les jeunes diplômés. Pourtant, on leur avait certifié qu'un diplôme bac +4 et plus leur ouvrirait les portes, leur assurerait un avenir radieux. Et clac, sortis des études, les portes claquent à leur nez, l'avenir s'obscurcit. Y aurait-il eu tromperie sur la "marchandise" qu'on leur a vendue ?

«Seuls 50 % des étudiants de niveau bac +4 ou au-delà, ayant fini leurs études en 2003, occupent un emploi un an plus tard, indiquait une enquête de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec)». Le magazine L'Express notait ainsi que «Pour les jeunes diplômés, le marché du recrutement s'apparente à une grande loterie. A diplômes identiques, la cuvée 2003 a tiré le mauvais numéro». Un sur deux "reste sur le carreau".

Mais ce n'était pas tout. «Non seulement l'insertion professionnelle leur est plus difficile, mais ils doivent aussi se contenter d'un salaire rabougri (- 2 % par rapport à leurs collègues de 2002 ; - 4,6 % par rapport à ceux de 2000). En outre, ils "héritent" d'emplois de plus en plus précaires puisque le taux d'étudiants en CDD est passé, en quatre ans, de 11 % à 21 %.» Etait-ce donc le désamour entre les entreprises et les jeunes ?

«"Ces derniers n'ont pas intégré le principe de réalité" déplorait Jean-Louis Walter, président de l'Apec. Alors que les jeunes se disent attirés par l'intérêt des missions, l'ambiance de travail et l'autonomie, les recruteurs sont persuadés qu'ils sont avant tout séduits par la notoriété de l'entreprise, sa taille et son statut. Beau malentendu !» Et même pire peut-être, visions diamétralement opposées du travail et de l'homme.

Car l'appel au réalisme du président de l'Apec peut être compris comme un appel à la résignation. La réalité étant que c'est à l'homme de s'adapter à l'entreprise, et non l'inverse. Sous-entendu : abandonnez jeunes naïfs vos rêves ! oubliez vos aspirations à devenir ce que vous pouvez être de mieux ! soyez raisonnables, dans le monde réel de l'entreprise, l'intérêt des missions, l'ambiance de travail et l'autonomie sont secondaires !

Total : «79 % des cadres se disent désormais plus proches de la base» que de leur direction. «Devenus» eux aussi «de simples rouages de l'entreprise», ils vivent peut-être mal leur résignation qui est comme "un suicide quotidien" disait Balzac. Et qui répond à la résignation de nos décideurs au monde tel qu'il est, qui là pourrait n'être, comme l'écrivait Maeterlinck, "que de l'ignorance, de l'impuissance ou de la paresse déguisée".

30/08/2013

"Remplacer le besoin par l'envie"

«Travailler plus dur pour moins d'argent : bienvenue dans le nouveau monde de l'économie» titrait en une le magazine Newsweek en 2004. Le directeur de la rédaction de L'Expansion reprenait cette formule à son compte dans l'éditorial de son numéro de septembre de la même année. Etait ainsi résumée à ses yeux la situation des pays occidentaux - en particulier européens - confrontés à la concurrence de plus en plus vive des pays dits émergents.

Pour lui - et son opinion reflétait sans doute celle de la plupart des dirigeants économiques et politiques - cela ne pouvait plus durer. Le temps des réveils douloureux était venu. Les Européens n'avaient plus le choix et devaient se préparer «à remettre en cause leurs acquis sociaux et à modifier leur rapport au travail pour rétablir leur compétitivité». Devant la menace des délocalisations, la résignation des salariés lui paraissait même acquise.

Il n'hésitait donc pas à pronostiquer «la disparition inéluctable des trente-cinq heures» en France. Car disait-il : «En économie ouverte, le principe de réalité finit toujours par l'emporter». Michel Camdessus, ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et conseiller du président de la République (Nicolas Sarkozy) sur les questions de développement, ne devait pas être loin de penser la même chose, lui qui venait de remettre un rapport alarmant.

Les freins à la croissance (son titre) dressait le constat d'une France bridée dans ses élans et vivant au-dessus de ses moyens. Pointant du doigt le «déficit de travail» et I'«hypertrophie de la sphère publique», Michel Camdessus et une vingtaine d'experts en appelaient à un sursaut, sans lequel dans les dix ans à venir (c'est-à-dire maintenant), la France pourrait être distancée par les autres grands pays industrialisés de manière irréversible.

La solution préconisée tenait en deux mots et rejoignait la formule du début : «travailler plus». Cette quantité de travail supplémentaire à fournir se traduisant par l’allongement à la fois de la durée de la vie active et du temps de travail. L'ordonnance était sévère et faisait suite à des diagnostics catastrophistes de plus en plus nombreux, nous pressant de nous adapter à ce nouveau monde. Mais celui-ci est-il meilleur ? Rien n'est moins sûr.

Et qu'importe semble-t-il pour nos adeptes de la «réhabilitation du travail». La qualité importe moins que le nombre. Pourtant, c'est peut-être de par sa médiocre qualité que le travail perd de sa valeur. Ce sont les métiers malsains, angoissants, dénués de sens, n'assurant même pas parfois la subsistance, qui réduisent le travail à un besoin. Le réhabiliter demanderait donc d'abord de le revaloriser pour «remplacer le besoin par l'envie»*.

* Balavoine