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22/01/2013

Sauver un homme, c'est sauver l'humanité

La mort d'un homme pour le monde n'est rien, mais pour sa famille, c'est la fin du monde. Il en alla ainsi de cet homme âgé d'une trentaine d'années, décédé de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob en 2002. Ce qui porta à quatre alors le nombre officiel de victimes en France. Son épouse porta plainte pour «empoisonnement», comme les autres familles. Dans l'indifférence générale.

Personne n'a dit la douleur de cette femme confrontée à la lente dégénérescence de l'homme qu'elle aimait, du handicap léger au coma en passant par tous les stades dégradants qui font d'un familier progressivement un étranger. Réduit à l'état d'une plante s'enfonçant dans les sables mouvants d'une mort bientôt souhaitée, il est parti sur la pointe des pieds dans la solitude du désespoir.

Personne n'a dit la révolte de cette femme confrontée au deuil et à la détresse, aux soupçons de fautes et de fraudes, aux dissimulations de ceux qui savaient, à la lenteur de la justice. Elle n'a pu compter que sur elle-même et sa famille, quelques magistrats et avocats, pour tenter d'obtenir réparation de cette perte irréparable, et surtout pour que justice soit rendue.

Personne n'a dit le découragement de cette femme confrontée aux efforts des uns et des autres pour échapper à cette justice, se disculper, utiliser tous les ressorts du droit afin que la loi ne passe pas. Elle a dû s'armer de détermination et puiser dans ses ultimes ressources pour respecter son engagement pris au nom de cet homme sacrifié à d'autres enjeux, d'autres intérêts.

Personne n'a dit l'apaisement de cette femme si elle a pu parvenir à un jugement favorable ou plutôt à une indemnisation. Elle a pu alors essayer de tourner la page, envisager peut-être un nouveau départ dans cette vie qui continuait malgré tout. Sans oublier celui qu'elle avait promis un jour d'aimer dans la joie ou dans la peine, pour le meilleur et pour le pire, jusqu'à ce que la mort les sépare.

Sans considération pour toute vie humaine, il n'y a pas d'humanité réelle. Les chiffres "rassurants" ne disent rien du malheur qui frappe des familles isolées, comme inexistantes. Car on les entendait les spécialistes de la relativisation : «quatre, cela ne fait que quatre», qui disent aujourd'hui  «27, cela ne fait que 27», avec deux nouveaux cas en France en 2012. Il n'y aura pas progrès tant qu'une seule vie perdue ne sera pas considérée comme un malheur pour la famille humaine tout entière.

11/09/2012

Exceptionnel ! Profitez-en !

Avez-vous remarqué que tout était exceptionnel de nos jours ? Je vous passe les prix exceptionnels et autres offres ou remises exceptionnelles qui se répètent à longueur d'année. Pratique commerciale bien connue qui consiste à nous faire croire que la soi-disant promotion chargée de réduire les stocks ne se reproduira pas de si tôt et qu'il faut en profiter - l'autre grande expression de notre société de consommation - c'est-à-dire acheter même si ce n'est pas nécessaire.

Plus inquiétante est l'extension de ce "marketing à la petite semaine". La télévision vend ses émissions exceptionnelles, les agences immobilières des situations exceptionnelles, la météo des conditions exceptionnelles, les experts des circonstances exceptionnelles, le gouvernement des mesures exceptionnelles, les magazines des réussites exceptionnelles, etc. Sans parler de l'exception française.

Exceptionnel est un mot magique qui permet de vendre tout et surtout n'importe quoi. Le mot attire ou rassure suivant le cas. Si un événement est exceptionnel, c'est soit qu'il est intéressant, avantageux et il s'agit de saisir l'occasion, soit qu'il est rarissime, extraordinaire et il s'agit de se tranquilliser en soulignant son caractère accidentel.

L'on nous exhorte ainsi à croire que l'exception confirme la règle dans ce sens qu'il n'y aurait pas d'exception s'il n'y avait pas de règle. Mais si les conventions faisaient qu'il n'y avait pas ou plus de règle absolue, de règle sans exception. Si la règle était de faire exception. Et si l'exception devenait la règle. La relativisation, la banalisation, la généralisation, voilà ce qui guette l'exception. Et tout à coup, ce qui était exceptionnel devient régulier, habituel et finalement normal.

Certains médias ne sont pas étrangers à ce processus de normalisation. Par leur volonté de sortir de l'ordinaire voire d'influer sur les opinions et les comportements, ils focalisent sur ce qui est original, remarquable, insolite, mais aussi sur ce qui est marginal, déviant, extrême. A vouloir vendre de l'exceptionnel pour ne pas dire du sensationnel à tout prix, le risque est de faire de l'information un produit de consommation courante dont le lecteur-auditeur-téléspectateur-voyeur ne tire en définitive aucun profit.

Mais si l’on ne vend pas de journaux en parlant des trains qui arrivent à l’heure, rassurons-nous en nous disant que leur ponctualité pourrait devenir exceptionnelle. En attendant, il vous reste ce blog exceptionnel ; profitez-en et bonne lecture !