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28/07/2024

L'immigration pour dépasser la nation ?

Au fond, ce qui coince vraiment vis-à-vis de "l’extrême droite", c’est son positionnement national et son programme de régulation drastique de l’immigration. Le constat est pourtant simple : il n’y a pas de politique migratoire et d’intégration digne de ce nom en France. Une étude datée de mars 2023 de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) et intitulée Immigration : comment font les États européens l’affirme, et c’est « un Think Tank libéral, progressiste et européen » qui le dit. « (…) Accueillir des migrants en grand nombre finira inévitablement par déboucher sur une crise si les États européens n’assument pas pleinement leur rôle souverain qui est de défendre leurs intérêts, leur territoire et leur population. »

Voilà ce qu’on peut lire dans le résumé, qui enfonce le clou : « (…) il est clair que la France n’a pas de vision stratégique en la matière. Nous ne sommes pas en mesure de dire quels intérêts nous avons à l’immigration, quelles sont nos préférences, quels sont nos objectifs. Il est impossible de mesurer l’efficacité des décisions. Ainsi, par certains aspects, notamment notre offre de santé, la France est le pays le plus attractif. Cette générosité ne se justifie pas du point de vue de l’État, ni du point de vue de nos obligations en matière d’asile, ni du point de vue de nos besoins de main-d’œuvre puisqu’il n’y a aucune sélection a priori des entrants. Nous avons besoin d’une politique d’immigration conçue depuis notre intérêt d’État et dans le cadre européen ».

Et ce n’est pas fini. « Le gouvernement de l’immigration est impossible sans le consentement des populations accueillantes. Les États ne peuvent pas ignorer non plus les différences culturelles, souvent profondes, parfois radicales, qui séparent les migrants de la population du pays d’accueil. Ils courent sinon le risque de l’effondrement dans la division, le séparatisme, voire le retour de la guerre civile. Accueillir des migrants en grand nombre peut être compréhensible, compte tenu notamment du vieillissement démographique et des besoins de main-d’œuvre, mais cette nécessité n’empêchera pas l’échec de l’accueil et peut-être la ruine de l’État si l’immigration ne fait pas l’objet d’une politique dédiée, inspirée par la grande doctrine de la raison d’État et conduite selon ses principes. »

Pour moins que ça, d’aucuns ont été qualifiés de xénophobes voire de racistes. Et pourtant, rappeler qu’une véritable politique d’immigration est nécessaire pour favoriser l’intégration relève du simple bon sens. L’étude de la Fondapol souligne encore « la générosité de notre accueil » en France, « notre incapacité à réguler les flux, à sélectionner comme à expulser », et avance que « la France peut aujourd’hui être considérée en matière d’asile et d’immigration comme l’État le plus permissif de l’Union européenne ». Rien que ça. Mais se demander s’il ne faudrait pas mieux maîtriser les flux migratoires ou si nous avons encore les moyens de notre extrême générosité, doit certainement être xénophobe ou raciste. Digne d’un point de vue d’extrême droite ou de droite extrême.

Accueillir beaucoup ou mieux accueillir ?

La gauche elle, ne peut être extrême, elle est juste radicale, et encore, dans le bon sens du terme, radicale dans son humanisme. Au fond, elle a bon fond, et ses éventuels défauts ne pourraient être que des qualités en excès : trop bonne, trop généreuse, trop gentille, trop compréhensive, trop conciliante… Mais sa morale, égalitaire, altruiste et compatissante, peut-elle être interrogée ? Est-elle si pure que cela ? Repose-t-elle sur des valeurs désintéressées ? Sachant que « L’attractivité de notre pays attire à nous des personnes qui ne parviendront pas à s’intégrer. Elle pousse des migrants à courir des risques considérables. Elle encourage les trafics organisés par la mafia des passeurs », sans oublier le risque d’« une hémorragie de compétences et de talents » « dans les pays d’émigration ». Et puis, le devoir de charité universelle et le devoir d’hospitalité sont-ils sans limites ? L’injonction est-elle d’"Accueillir !" point final, même mal ?

Le pape François lui-même en 2017, dans un entretien à un journal de rue italien Scarp de' tenis, « rappelle que l’on doit accueillir tous ceux que nous pouvons accueillir, c’est-à-dire que l’on "peut intégrer". Par cela, le pape entend : donner un travail, un toit, enseigner la langue du pays d’accueil, et respecter ses lois et sa culture (…) ». C’est on ne peut plus clair. De même à Marseille en 2023, dans son discours à la session conclusive des Rencontres Méditerranéennes, le pape François appelle à « assurer, selon les possibilités de chacun, un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable de la part du continent européen, dans le cadre d’une collaboration avec les pays d’origine ». Chaque mot est pesé.

Mais le plus important, c’est ce que le pape François écrit dans Fratelli tutti, ‟Tous frèresˮ, son encyclique publiée le 4 octobre 2020 : « il faut aussi "réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre" », avant d’ajouter plus loin que « l’Europe (…) "a les instruments pour défendre la centralité de la personne humaine et pour trouver le juste équilibre entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens, et celui de garantir l’assistance et l’accueil des migrants" ». Inutile donc d’éluder les difficultés d’accueil. « Les migrants doivent être accueillis, protégés ou accompagnés, promus et intégrés », disait le pape à Marseille, telles sont les conditions d’une immigration digne, et ses limites.

Haro sur les "fachos"

Avec le nombre et la perte de contrôle et des désordres partout, s’il n’est plus possible de bien accueillir, accompagner, promouvoir et intégrer, les risques pour une société ouverte, généreuse, protectrice, tolérante, équilibrée… sont de perdre en cohésion, en confiance, en volonté, en compréhension, en concorde... Mais le cœur sur la main avec l’argent des autres, sûre de son magistère moral, la gauche se contente de désigner à la vindicte publique les conservateurs, les réactionnaires ou les "fachos" qui sont attachés à des structures, des institutions, des comportements, des normes sociales, des principes, des valeurs, des croyances…, paraît-il d’un autre temps.

Ainsi, en vrac et au choix : la patrie, le patrimoine, l’histoire de France, la culture classique ou générale, les beaux-arts, les traditions, le christianisme, la famille (nucléaire), les bons principes, les bonnes manières, la fidélité, la gratitude, le devoir, l’honneur, le courage, l’exemplarité, les mœurs françaises, le mode de vie et l’art de vivre à la française, la transmission, la droiture, le mérite, la liberté, la responsabilité (individuelle), le respect, l’effort, le travail, la discipline, la rigueur, l’excellence, l’autorité (de compétence), l’ordre, la sécurité…

Mais en s’en prenant à ces "biens" de nature culturelle ou morale, la gauche ne s’est pas aperçue, toute à son ivresse progressiste et déconstructrice, que c’est au "vivre ensemble" qu’elle s’en prenait, à cette joie française d’une vie en société harmonieuse - « La France ne se réalise pleinement que dans l’harmonieux équilibre » écrivait André Gide -, cette France d’avant qui avait ses rigidités, mais qui maintenant croule sous les permissivités et se trouve soumise aux pires extrémités et bientôt peut-être réduite à la dernière extrémité. La droite nationale, la droite patriote ou la droite conservatrice n’est peut-être que le retour de balancier d’une idéologie extrême cosmopolite et caritative de près d’un demi-siècle.

Sorte d’internationale de la charité désordonnée (faite de jactance et de « pognon de dingue » déversé, sans effets sur les causes), du charity-business, ou sorte d’« industrie de la bonne conscience » contrôlée par « cette gauche moderne, ou libérale-libertaire » avec son idéalisme, son utopisme, son angélisme… et son laxisme. Mais il faut noter que les internationalismes marxiste ou socialiste, humaniste et altermondialiste, s’ils se rejoignent, sont aussi rejoints par l’internationalisme capitaliste et libérale. Le libre-échangisme rejoint le sans-frontiérisme, le "No limit"… D’où des préférences, des rapprochements ou des ententes inexplicables et pour le moins bizarres (comme c’est étrange !), à moins de considérer le dépassement de la nation et de ce qui la constitue (langue, histoire, culture, religion…), comme un projet commun à terme de la gauche et de la droite libérale.

La question en tout cas se pose : comment vivre ensemble quand on n’a plus grand-chose ou plus rien en commun ? Comment vivre ensemble si nous ne partageons pas : des valeurs, des idées communes, des projets, des intérêts communs, des manières de vivre, des souvenirs, des émotions…, le pouvoir et les richesses ? Et la République est-elle possible si ses lois ne sont pas respectées par tout le monde ? Où en est ce "melting-pot" ou ce "creuset culturel", cette société mélangée qui mariait les différences et qui résultait de l’universalisme républicain par l’intégration et l’assimilation des immigrés à une culture commune ?

En quoi le multiculturalisme, le communautarisme sont-ils meilleurs ? La devise de l’Union européenne « Unie dans la diversité » est-elle réaliste si l’on ne mène pas une action déterminée pour conjuguer les différences et donner à tous le sentiment de participer à une communauté ? Qu’est-ce qui unifie, qui réunit, qui rassemble, qui intègre ? Qu’est-ce qui sépare, qui divise, qui isole, qui ségrègue ? Vise-t-on à l’unité ou à l’uniformité ? La démocratie et les droits de l’homme pourraient-ils suffire pour unir ? Suffirait-il pour cela d’aplanir les particularismes culturels et religieux et de parvenir aux mêmes droits pour tous, à la répartition équitable de toutes les richesses et au respect de toutes les différences ? On peut en douter.

L’union par le patriotisme et la religion ?

Mais c’est pourtant, avant le retour de la nation et la propagation d’une religion sous sa forme radicale et rétrograde, le chemin qui avait été choisi. La modernité conjuguée à une raison suffisante (présomptueuse) et à la volonté de s’affranchir de la nature humaine et de l’irrationnel, allaient avoir raison des identités culturelles et des croyances. Et certains continuent sur cette lancée alors qu’une Thérèse Delpech par exemple, avait dès 2005 évoqué « le besoin de faire à nouveau une place à l’irrationnel, composante essentielle du psychisme humain ».

Cette spécialiste des relations internationales et des affaires stratégiques développait ainsi dans l’épilogue de son essai chez Grasset au titre prémonitoire : L’ensauvagement - Le retour de la barbarie au XXIe siècle, une pensée des plus originales. Ainsi poursuivait-elle : « Au moment où la religion fait un retour fracassant sous des formes violentes et destructrices, ce serait un immense progrès de s’interroger sur le vide spirituel qui mine nos sociétés, et sur les déséquilibres psychiques qui accompagnent ce phénomène. Si l’on ne parvient pas à trouver une harmonie nouvelle entre le rationnel et l’irrationnel, les excès de l’un comme de l’autre (…) peuvent à nouveau produire des catastrophes collectives. »

Déjà « disqualifiée » pour avoir donné naissance aux idéologies des siècles précédents, dont certaines monstrueuses, la raison humaine pour Thérèse Delpech était au plus mal : « il lui faudrait retrouver le fil d’une pensée perdue ». « (…) La politique semble n’avoir d’autre but qu’elle-même - c’est-à-dire l’exercice du pouvoir - ou le développement de l’économie » constatait-elle, avant de citer l’économiste et philosophe Adam Smith : « Tels sont les inconvénients de l’esprit commercial. Les intelligences se rétrécissent, l’élévation d'esprit devient impossible. L’instruction est méprisée ou du moins négligée et il s’en faut de peu que l’esprit d’héroïsme ne s'éloigne tout à fait (…) ».

« Les périls qui guettent les nations où priment les intérêts économiques » semblent sans remède, tant « la faiblesse de l’intelligence et de la volonté » a atteint les fonctions régaliennes de l’État, qui en a même déléguées, et tant l’on a fait de l’attachement à la nation ou à une religion, le problème et même l’ennemi. Pourtant, le penseur politique et sociologue du XIXe siècle Alexis de Tocqueville, disait : « Il n’y a au monde que le patriotisme ou la religion qui peuvent faire marcher pendant longtemps vers un même but l’universalité des citoyens ». Mais certains en France ont préféré mettre à mal et l’un et l’autre, alors qu’ils offrent cette « profondeur de temps » indispensable pour l’écrivain et philosophe Régis Debray.

Celui-ci déclarait au Monde : « Nous ne faisons partie d’une nation (...) qu’en mémoire et en espérance. L’union des grains de poussière n’existe que par et dans une verticale. Supprimez la profondeur de temps, et les séparatismes vous sauteront à la gorge ». Nous y sommes. Le renoncement à des principes unificateurs supérieurs, voire leur rejet, nous mène tout droit à la faiblesse morale et à l’implosion sociale. Jean-Claude Barreau, qui fut notamment directeur de la coopération française en Algérie et président de l’Office des migrations internationales, réclamait que le monde moderne « retrouve, en réinterprétant ce qu’il y a de valable dans les religions et le patriotisme, des raisons de vivre, c’est-à-dire de conquérir non plus seulement l’Espace mais aussi de s’assurer du Temps ».

 

Une France à aimer

«Dostoïevsky soulignait que "toute société, pour se maintenir et vivre, a besoin absolument de respecter quelqu'un et quelque chose, et surtout que ce soit le fait de tout le monde, et non pas de chacun selon sa fantaisie" Cette citation tirée du livre Nouveau monde Vieille France aux éditions Perrin, permet à son auteur Nicolas Baverez de dénoncer comme suicidaire le désintérêt de beaucoup pour le «destin collectif de la nation».

Une nation est un "groupe humain, généralement assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité (historique, sociale, culturelle) et la volonté de vivre en commun". On peut lui préférer le nom de patrie, étymologiquement le pays du père, qu'on évoque en employant l'expression "La mère patrie" qui lui donne une dimension encore plus affective. «Je suis de mon enfance comme d'un pays» écrivait Saint-Exupéry.

Le patriote "qui aime sa patrie et la sert avec dévouement", ne se réveille pas seulement en chacun de nous lors par exemple d'une finale de Coupe du monde de football. Il peut être là aussi à des moments où on l'attend le moins. Ainsi raconte Erik Orsenna au magazine Valeurs actuelles, «nous avons demandé à un échantillon représentatif de Français : "A quel moment, (...) vous êtes-vous sentis pour la dernière fois français ?"

«60 % ont répondu : "Lors de l'éclipse de soleil". Nous leur avons demandé pourquoi. Réponse : "Parce que nous étions dehors, ensemble, à regarder dans la même direction" Toute l'idée de nation ou de patrie est dans ce "Regarder ensemble dans la même direction" cher à Saint-Exupéry, qui disait que c'était cela aimer. Et c'est peut-être cela le "mal français" : un manque d'amour et même comme une honte. Pourtant…

Ses paysages, ses monuments, sa langue, sa culture, ses traditions... font de notre pays, le pays où il fait bon vivre, et celui le plus visité au monde. Son histoire et ses valeurs témoignent aussi d'«un idéal de résistance», comme le note François Bayrou dans Projet d’espoir chez Plon, qui n'empêche pas la France d'être à la pointe aujourd’hui dans bien des domaines. Autant de motifs de fierté n'interdisant en rien la lucidité.

La philosophe Simone Weil* écrivait : «Un amour parfaitement pur de la patrie a une affinité avec les sentiments qu'inspirent à un homme des jeunes enfants, ses vieux parents, une femme aimée... Un tel amour peut avoir les yeux ouverts sur les injustices, les crimes, les hontes contenus dans le passé, le présent et les appétits du pays, sans dissimulation ni réticence, et sans être diminué, il en est seulement rendu plus douloureux».

* citée par Max Gallo dans Fier d’être français aux éditions Fayard

 

 

Redevenir libres, égaux et fraternels

«Liberté, Égalité, Fraternité», où ça ? «La liberté n'est qu'illusion dans un pays qui n'a plus ni Constitution, faute de séparation et de contrôle des pouvoirs, ni Etat de droit, compte tenu du naufrage de l'institution judiciaire. L'égalité est une chimère, quand les privilèges de castes et de statuts vont de pair avec la montée des discriminations et la ségrégation selon l'origine géographique et sociale, l'héritage culturel, la race et la religion.

«La fraternité est réduite à néant, alors que chemine une guerre civile de moins en moins froide entre les générations, les communautés, les races et les ethnies, alors que s'exacerbent les pulsions xénophobes.» Qui avait décidé ainsi de dire la vérité ? Nicolas Baverez, avocat, économiste et historien, auteur de Que faire ? Agenda 2007 aux éditions Perrin. «La vérité, disait Michel Audiart(1), n'est jamais amusante. Sans cela, tout le monde la dirait.»

La devise de la République française est en lambeaux. Et ceux qui ne veulent pas le voir ou ne s'en émeuvent pas, cherchent à "tuer" le porteur de la mauvaise nouvelle, comme s'il en était responsable. Réfutons les préceptes à la Henri Queuille(2) pour qui «il n'est pas de problème que le temps et l'absence de solution ne contribuent à résoudre» ou qu'«en politique, il faut moins résoudre les problèmes que faire taire ceux qui les posent».

La somme des intérêts particuliers ne fait pas l'intérêt général, désolé pour l'économiste Adam Smith. Du fait déjà d'un déséquilibre manifeste entre les citoyens : certains ont plus de poids, sont organisés en groupes de pression... La foire d'empoigne qui s'ensuit a toutefois des limites. L'Etat ne peut plus être «cette grande fiction, dont parlait Frédéric Bastiat, à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde».

«Solon, l'archonte [titre des magistrats gouvernant les républiques grecques] qui fonda la démocratie athénienne, soulignait que "la société est bien gouvernée quand les citoyens obéissent aux magistrats et les magistrats aux lois". A l'aune de cette maxime exigeante, nul ne peut manquer de conclure que la France n'est plus gouvernée» écrivait encore Nicolas Baverez, particulièrement sévère dans Nouveau monde, Vieille France chez Perrin.

«La tyrannie d’un Prince ne met pas un Etat plus près de la ruine que l'indifférence pour le bien commun n'y met une République» remarquait Montesquieu, qui disait aussi que «le droit à la différence amène toujours la différence des droits(3)». Respectueux des lois, égaux en droit, attentifs à l'intérêt de tous, telle devrait être la devise des gouvernants comme des gouvernés, unis au service d'une seule communauté : la nation.

(1)La Tragédie du Président ; scènes de la vie politique 1986-2006 - Franz-Olivier Giesbert - Flammarion (2)Accusé Chirac levez-vous ! - Denis Jeambar - Seuil (3)Lettre ouverte aux démagogues - Rachid Kaci - Editions des Syrtes

26/07/2024

De grands démocrates

De grands démocrates ont décrété que le Rassemblement national (RN) ne pouvait avoir la majorité absolue ou même une majorité relative lui permettant de former un gouvernement. Des partis qui eux se disent de gouvernement (avec les résultats que l’on sait), se sont donc mis d’accord pour empêcher que le scrutin se déroule normalement. Le programme du RN était dangereux, son inexpérience dangereuse, ses arrière-pensées dangereuses… Ce qui n’est pas sans rappeler la grande frayeur à l’arrivée en 1981 des socialo-communistes, auxquels on reprochait les mêmes choses.

De grands démocrates ont orchestré des désistements massifs, au plus haut niveau de l’État et avec notamment La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), Les Écologistes, le Parti communiste français (PCF)…, et ont ainsi permis essentiellement à des candidats d’Ensemble ! pour la République (Renaissance, Mouvement démocrate, Horizons…) et du Nouveau Front Populaire (NFP) mais aussi des Républicains (LR) de l’emporter. Signifiant en quelque sorte qu’ils se considéraient comme les propriétaires de la Cinquième République et qu’ils refusaient d’en être délogés.

De grands démocrates ont souligné dimanche 7 juillet au soir la défaite du RN pour s’en satisfaire voire jubiler, la victoire de la gauche pour s’en satisfaire voire jubiler, la demi-victoire du centre et la bonne surprise pour LR (Les Républicains). Une simple lecture pourtant des résultats électoraux mettait en évidence que c’était la suppression des triangulaires qui avait permis cette "défaite" et ces "victoires". Dans l’euphorie d’avoir "sauvé" la République, leur République, et donc leur place forcément légitime en son sein, ils en oubliaient le nombre de voix et les pourcentages.

De grands démocrates qui s’étaient pourtant alliés à d’autres grands démocrates pour "faire barrage" au RN (à moins que ce ne soit à la démocratie, à la volonté d’une forte proportion du peuple français), ont tout à coup (re)découvert qu’une partie de la gauche qu’ils venaient de favoriser, était pour le coup radicale, jusqu’au-boutiste voire fanatique. D’où dans la panique, un autre barrage pour empêcher essentiellement LFI et Jean-Luc Mélenchon d’être au gouvernement. Les amis d’hier sont devenus les ennemis d’aujourd’hui : « va comprendre Charles ! »

De grands démocrates ont donc décidé de leur propre chef qu’entre un peu plus de 210 députés (avec seulement LFI + RN) et un peu plus de 320 députés (si l’on prend tout le NFP + RN), et donc qu’autour de 15 à 18 millions d’électeurs, comptaient pour rien et ne pouvaient avoir voix au chapitre. Au pire chez certains, l’on pourrait ainsi trouver normal que près de 60% des électeurs qui se sont exprimés au premier tour de ces élections législatives ne puissent pas être représentés dans le prochain gouvernement. Mais bien sûr, vive la République et vive la France !

De grands démocrates arrivés en tête en nombre de sièges mais ne pesant même pas un tiers de l’Assemblée nationale, ont conclu qu’il leur revenait de gouverner la France et d’appliquer intégralement un programme devant lequel paraissent très modérés voire carrément mollassons le Programme commun de la gauche (des socialo-communistes) et les 110 propositions qui menèrent François Mitterrand à l’Élysée le 10 mai 1981. Et devant une certaine réticence, tout de suite d’intimider, de menacer, d’invectiver… Peut-être sont-ils aussi démocrates que leur mouvement et l’association qui va avec, ont un fonctionnement démocratique ?

Diaboliser et "tenter le diable"

De grands démocrates se permettent d’exclure de ce qu’ils appellent « l’arc républicain » ou « le champ républicain » un ou des partis admis par les lois de la République, leur déniant une légitimité politique. Quelques années après que le Front national est devenu le Rassemblement national, des groupements hétéroclites reprennent à leur compte le terme de "front", sans référence aucune hélas au siège de la pensée mais en référence plutôt à une ligne ou une zone de batailles : Front populaire, front républicain…, ce qui ne peut mener qu’à des confrontations, qu’à des affrontements.

De grands démocrates devraient comprendre qu’il est temps d’inclure des partis dits extrêmes et en particulier le RN qui représente plus de 10 millions de citoyens français, tout aussi démocrates et républicains que les autres, et de le traiter en opposant, en adversaire politique et non en ennemi. On ne peut continuer à rejeter ou mépriser en bloc (de façon simpliste et extrême) un parti légal, ses idées, ses analyses, ses propositions, ses électeurs et leurs préoccupations. Là est le péché originel, le "first blood", le premier sang versé, la première offense, la violence mère.

De grands démocrates un peu bas du front devraient revenir à la raison. Le RN n’est pas là par hasard depuis quarante ans dans le paysage politique français. Il répond, peut-être mal, à des problèmes bien réels (dont la montée des violences et de l’insécurité, de l’islamisme, d’une immigration incontrôlée) qu’il ne suffit pas d’évacuer, parce que jugés politiquement incorrects, pour qu’ils ne se posent plus. Mais encore faudrait-il que certains de ces grands démocrates n’aient pas intérêt à la radicalisation, à la conflictualisation, à la discrimination… et en même temps à la complaisance, à la connivence.

De grands démocrates devraient pouvoir reconnaître qu’avec 37 sièges obtenus dès le premier tour (32 au NFP), le RN a dépassé au second tour de 1 740 000 voix le NFP (contre 380 000 voix au premier tour), soit un écart de près de sept points en pourcentage des votes exprimés (contre un point au premier tour), le NFP baissant entre les deux tours de 28,06% à 25,68%. Et si l’on compte les voix obtenues par les candidats apparentés d’Éric Ciotti, c’est cinq points de plus pour le RN au second tour (3,96 au premier tour), soit 37,05% contre 25,68% au NFP.

De grands démocrates soulignent-ils ce fait majeur ? Près de onze points et demi d’écart (plus de 3,1 millions de voix), malgré les "combinazione" ! Dit autrement, RN et alliés n’ont perdu qu’un peu plus de 500 000 voix entre les deux tours alors que 38 de leurs candidats avaient été élus dès le premier tour. En comparaison, avec 32 sièges obtenus au premier tour, le NFP a perdu près de 2 millions de voix entre les deux tours ! Où est le front républicain en matière de mobilisation ? Juste trois points pour Ensemble ! (23,14% des votes exprimés contre 20,04% au premier tour).

De grands démocrates peuvent-ils admettre que le rappel des troupes n’a pas fonctionné à gauche entre le premier et le second tour, que seuls les reports de voix ont joué ? Et ces grands démocrates sont-ils seulement choqués de constater qu’au second tour il a fallu au RN 114 875 voix pour obtenir un siège, au NFP 47 978 voix, à Ensemble ! 42 661 voix, à LR 38 807 voix, soit 2,4 à 3 fois plus de voix ? Si l’égalité était honorée, à combien de sièges pourrait prétendre le RN ? Heureusement que tout cela s’est fait dans le cadre du mode de scrutin et dans le respect des règles électorales.

Basse tactique électorale

De grands démocrates peuvent-ils cautionner cela ? Presque tout s’explique, répétons-le, par la manœuvre visant à réduire l’offre politique du second tour en retirant un candidat pour passer de triangulaires à des duels dans 215 circonscriptions (173 perdues par le RN). Bien sûr, tout cela est légal, mais qu’en est-il des principes ? De l’esprit de la loi et de la Constitution ? Bien sûr, beaucoup d’électeurs ont reporté leur voix suivant les consignes (à des degrés divers suivant les partis en lice) mais aussi sous la pression d’une mobilisation militante peut-être sans précédent et tous azimuts.

De grands démocrates s’en émeuvent-ils ? Le matraquage a été tel que par exemple 26% des électeurs LR et divers droite (les plus proches politiquement du RN) ont voté pour un candidat LFI face au RN (29% pour un candidat PS, PCF ou écologiste).  Et l’inverse est vrai : dans le cas d’un duel RN/LR, 70% des électeurs du NFP ont choisi de voter pour le candidat LR. Des électeurs donc persuadés de défendre la démocratie, la République, la France. Que ces électeurs aient pu accepter la thèse de l’ennemi public numéro un en dit long sur l’efficacité de cette campagne d’intoxication.

De grands démocrates ont réussi à vendre le "Tout sauf le RN", "l’esprit du mal" incarné. Parvenir ainsi à retourner les esprits sans aucun élément factuel (combien d’enquêtes sur la gestion des mairies RN ?) ou sinon, avec des éléments uniquement orientés ou à charge et sans "parole à la défense", parvenir à instiller l’idée que c’était le RN qui divisait et était néfaste pour le pays (et non pour le statu quo ou pour les statuts sociaux de nombre de grands démocrates en poste), relève d’une stratégie du bouc-émissaire qui fait du RN le responsable de la situation alors qu’il n’est pas aux affaires.

De grands démocrates ont suscité, encouragé ou approuvé ce "bombardement en tapis" propagandiste ou "bombardement de saturation" de l’espace médiatique notamment. Plaçant les électeurs au minimum sous influence et presque même sous la contrainte. Mais ceux-ci peuvent constater aujourd’hui que ces grands démocrates dans leur obsession d’empêcher le RN d’obtenir une majorité absolue ou relative, en ont tant et tant fait qu’il n’y a aucune majorité absolue ou relative pour qui que ce soit. Pour eux, ils ont évité le pire et se rengorgent. Mais la réalité est peut-être tout autre.

De grands démocrates ont déchaîné les passions, les pulsions, hystérisé et ostracisé, exalté, déliré, surexcité…, ont déclaré le RN indigne de toute considération, l’ont dénoncé au mépris public. Parfois les mêmes qui démonisent le RN, angélisent certaines idéologies, certains fondamentalismes, certains radicalismes absolus... En s’opposant par tous les moyens, pour le moins limites pour ne pas dire extrêmes, en allant jusqu’à nazifier le RN, l’animaliser, ils se sont comportés en muftis républicains lançant des fatwas laïques, des condamnations sans appel.

Politiquement malin, moralement méprisable

Ces grands démocrates ont refusé de perdre le pouvoir et refusé au RN de parvenir au pouvoir. Ils peuvent espérer que des militants, sympathisants et électeurs de ce parti, lassés de perdre, se tournent vers des partis comme LR qui depuis douze ans tente de se refaire une virginité politique et maintenant reprend les propositions du RN en matière de sécurité, de justice, d’immigration... Mais quoi qu’il en soit, il demeure que ces élections ont été faussées par une surreprésentation de la gauche, du centre et de LR à l’Assemblée nationale, contraire à la réalité politique du pays.

Ces grands démocrates devraient savoir qu’on ne peut toucher impunément aux valeurs et pratiques républicaines. Qui plus est, une démocratie représentative doit garantir le pluralisme politique et des élections libres. Si l’expression de toutes les opinions n’est plus réellement permise par une déconsidération systématique, si certains partis d’opposition ne sont pas tenus pour légitimes et que l’espoir d’accéder au gouvernement leur est fermé, si les lois et procédures permettant une alternance légale sont en quelque sorte contournées, où cela pourrait-il nous mener ?

Ces grands démocrates devraient se questionner : libre expression, y compris des citoyens, et juste représentativité des élus ont-elles été vraiment respectées dans ces élections ? Les sauveurs de la démocratie s’avèrent ses fossoyeurs. Comme des enfants, ils ont joué (avec le feu), ils ont perdu, en voulant à toute force faire perdre "le grand méchant loup". Ils ont agité l’épouvantail, ont "crié au loup" comme l’enfant de la fable d’Ésope datée du VIe siècle av. J.-C. (avant Jésus-Christ). Comme quoi, dès l’Antiquité, l’on savait le danger du mensonge qui trompe, divise et nuit.

Ces grands démocrates doutent-ils en fait de la solidité de nos institutions ? Car à voir leurs (ré)actions, l’on serait presque tenté de croire qu’on peut en faire ce qu’on veut, et eux y compris. Les résultats des élections sont tombés, de même en interne à l’Assemblée nationale, et qu’a fait le "grand loup noir" ? S’est-il écrié comme dans le conte des Trois Petits Cochons : « je vais m’enfler et souffler et la maison défoncer » ? Non. Mais désigne-t-on ceux qui sapent les fondations de la Maison du peuple (que devrait être l’Assemblée nationale) et de la Maison France ?

Ces grands démocrates, maintenant que tout le monde a perdu, crient de nouveau au loup (plus petit mais autrement plus méchant), mais tout ce que gagnent les menteurs, c’est de n’être plus crus, même s’ils disent la vérité. "Nous ou le chaos" suggéraient-ils. Résultat : eux et le chaos. Les "bonnes consciences" donnent des "leçons de maintien" mais pataugent dans le marigot politic(h)ien. Que se sont-elles empêchées ? Devenir grands, c’est peut-être ce que le peuple français souhaiterait pour nos démocrates en culottes courtes. Car à défaut de changement, le pire, c’est peut-être maintenant.

11/07/2024

Vous avez dit extrême droite ?

A en croire une partie des "influenceurs" ou se voulant tels, le Rassemblement National (RN), Reconquête, Debout la France, Les Patriotes… et même l’aile droite des Républicains seraient d’extrême droite, ce qui peu ou prou équivaudrait à considérer qu’autour de 45 % des électeurs français qui se déplacent pour voter, seraient d’extrême droite. Rien que cette dernière remarque devrait faire douter ceux qui profèrent de tels propos, relayés ou repris complaisamment par tous les "idiots utiles" qui, pas une fois, ne pensent à interroger cette notion d’extrême droite.

Pour ceux qui auraient quelques souvenirs de leurs cours d’histoire ou d’éducation civique, pour ceux qui seraient un minimum informés de l’historique de l’extrême droite, ils n’apprendront rien de ce simple rappel. Deux articles de deux sites qui font référence, celui d’Encyclopædia Universalis, l’encyclopédie en ligne, et celui de Perspective Monde, de l’Université de Sherbrooke au Canada (Québec) qui est un outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, abordent cette appellation d’extrême droite, réservée aux néonazis et aux néofascistes avant de s’étendre.

En effet, pour en rester à l’histoire récente, nous dit le premier site, « Ce n’est qu’après 1945 que le terme "extrême droite" entrera dans le langage courant, pour désigner les formations politiques nationalistes, autoritaires et xénophobes : le parti de Pierre Poujade ; le mouvement Jeune Nation et, par extension, les partisans de l’Algérie française qui choisiront la voie de l’action violente, au sein de l’Organisation de l’armée secrète (OAS). Il est utilisé dès le départ pour décrire l’idéologie du Front national, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972 ».

Il ajoute qu’« il y avait quelque vraisemblance à cette étiquette. D’une part parce que le FN était le seul parti politique à proposer l’inversion des flux migratoires et même, à un moment, le retrait des naturalisations accordées depuis 1962. D’autre part parce que, jusqu’aux législatives de 1978 incluses, il investissait des candidats appartenant à des groupuscules nationalistes révolutionnaires et néonazis ». Perspective Monde confirme qu’« historiquement », cette « appellation » était « donnée aux mouvements et aux partis politiques qui prônaient l’instauration d’un régime de type fasciste (…) ».

Mais Perspective Monde poursuit : « capable de faire échec au socialisme et au communisme », et il faut le souligner expressément avant de donner les autres caractéristiques de l’extrême droite : « opposée aux principes de la démocratie » et « considérant comme légitime l’emploi de la violence » en utilisant « des voies autoritaires, voire terroristes, pour défendre » ses « idées ». Donc, répétons-le, cette idéologie était limitée dans un premier temps aux régimes politiques de Benito Mussolini en Italie et d’Adolph Hitler en Allemagne.

Ce n’est que plus tard et progressivement que cette idéologie a été associée à des courants ou mouvements monarchistes, religieux traditionnalistes, fondamentalistes… et des partis souverainistes, populistes ou nationalistes, sous l’impulsion, comme de bien entendu, des socialistes et des communistes. Jusqu’à banaliser, disons-le tout net, les caractères extrêmes de ces régimes nazi ou fasciste, mais aussi, en focalisant sur ceux-ci, jusqu’à banaliser ou plus précisément jusqu’à faire accepter ou faire oublier ceux des régimes communistes d’hier comme d’aujourd’hui. Car le totalitarisme marxiste-léniniste ou communiste n’est ni du passé ni dépassé ni fantasmé, il est toujours actuel.

Concernant donc l’expression "extrême droite", l’encyclopédie en ligne note que « Son ambiguïté fondamentale est qu’elle est généralement utilisée par les adversaires politiques de l’extrême droite comme une expression stigmatisante, censée renvoyer toutes les formes du nationalisme populiste et xénophobe aux expériences historiques que furent le fascisme italien et le national-socialisme allemand, ou bien, dans le cas français, à une hypothétique filiation directe avec les ligues des années 1930 et la collaboration ou le régime de Vichy ».

« Dans la France contemporaine, il n’est pratiquement jamais assumé par ceux qui en relèvent, qui préfèrent se désigner, à l’instar du RN/FN, par les appellations de "mouvement national" ou de "droite nationale". En 1996 déjà, le FN envoyait à la presse un communiqué protestant contre l’étiquette d’extrême droite qui lui était accolée, expliquant que l’extrême droite signifiait "le refus de la démocratie et des élections, l’appel à la violence, le racisme et la volonté d’installer le parti unique" qui, effectivement, ne figuraient pas dans son programme. »

Bien sûr, socialistes et communistes et même « la droite politique » n’en ont pas tenu compte et ont continué à le dénommer extrême droite, de même que beaucoup ont continué à dire "Front National" plutôt que "Rassemblement National" depuis 2018, dans le but de le discréditer ou de le décrédibiliser. Perspective Monde avance qu’« on peut démarquer l’extrême droite de la droite politique dans la mesure où cette dernière ne remet pas en question les principes du capitalisme et du libéralisme », ce qui devrait nous amener à considérer le RN comme le RPR d’origine (Rassemblement pour la République) ou une droite populaire.

Comme lui, le RN adhère au modèle de la démocratie libérale et à la Ve République en sa Constitution. Mais rappeler « la souveraineté nationale » qui pourtant « appartient au peuple » devient du souverainisme, rappeler « l’indépendance nationale » dont « le Président de la République est le garant » devient du nationalisme, rappeler que le « principe » de la République « est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » devient du populisme, rappeler « l’égalité devant la loi de tous les citoyens » qui ont des droits, des garanties et des devoirs spécifiques pouvant leur donner des préférences ou avantages, des priorités et des obligations, ou rappeler que la sûreté est un droit fondamental comme la vie et la liberté devient du fascisme.

Pourtant, l’extrême droite existe bien. Concrètement, c’est une cinquantaine de groupuscules totalisant 3000 adhérents environ, parfaitement identifiés, voilà l’extrême droite en France. Réservons donc ce terme à ces extrémistes plutôt que de se donner le ridicule d’utiliser le terme d’ultra-droite, censé caractériser « l’extrême droite radicale » (sic). Comme la devise de ce grand dadais de Buzz l’Éclair, « Vers l’infini, et au-delà ! », des nigauds ou des "adroits" de gauche et de droite sautent sur leur chaise comme des cabris en criant : "Vers l’extrême droite, et au-delà !" en pointant du doigt tous les "Zurg" de carton-pâte qu’ils se créent, ces "ennemis imaginaires" qui sont autant de joujoux en plastoc bien utiles pour faire semblant.

Au fond, il y a toujours "plus à droite" ou "trop à droite", toujours plus infréquentable, méprisable, détestable, ignoble, abject…, « immonde » comme « la bête ». « L’abomination de la désolation. » Mais interrogeons-nous. D’où vient aujourd’hui le refus du verdict des urnes et donc de la démocratie ? D’où viennent la violence et même le terrorisme, y compris intellectuel ? D’où viennent le racisme et cette racisation qui fait des racisés, c’est-à-dire des non-blancs, les seules victimes de racisme, évidemment de la part des seuls blancs ? D’où vient la volonté d’hégémonie politique à défaut de parti unique ?

Et puis, puisque chez des "bien-pensants", l’extrême droite commencerait dès Les Républicains, en tout cas certain d’entre eux, où commencerait donc l’extrême gauche ? L’extrême droite se référant au nazisme, se pourrait-il que cette extrême gauche commence au communisme, originaire du socialisme et du marxisme, et qui constitue l’autre totalitarisme du XXe siècle ? Elle engloberait alors La France insoumise, Lutte ouvrière, le Nouveau Parti anticapitaliste… Vu le passé du communisme (cf. encadré), ce qui frappe, c’est que ce nom ne soit pas frappé d’opprobre comme le nazisme ou le fascisme et qu’il soit même encore conservé, utilisé et assumé.

L’absence de honte révèle une indifférence, au nom de la cause, pour l’injustice, pour la souffrance, pour l’oppression, indifférence qui est fruit également d’une tolérance sans limites, donc également envers l’intolérance et l’intolérable. Où trouve-t-on aujourd’hui l’intransigeance, le sectarisme, le fanatisme ? Refuser le débat et refuser les résultats du scrutin en démocratie, et y répondre par la violence, revient à se mettre hors la loi. C’est là que se situe l’extrémisme. C’est là que se situe le danger pour la liberté, pour la paix voire pour la survie d’un pays.

 

 

Souvenir d'Octobres rouges

Nous ne pouvons plus dire que nous ne savons pas. Les livres sont là qui décrivent par le menu ce que furent les différents régimes communistes sous toutes les latitudes. Certains de ces ouvrages ont d'ailleurs provoqué des réactions de la part de ceux qui ne mobilisent leur mémoire que sur l'horreur nazie. Amnésie curieuse qui est autant une faute historique qu'une offense à toutes les victimes.

Le passé d'une illusion de François Furet en 1995 et plus encore Le livre noir du communisme en 1997 (pour les plus connus) sont revenus sur cette page d'histoire qui n'en finit pas de se tourner, tant l'on refuse ici et là d'admettre la réalité, de regarder la vérité historique en face. Mais les faits sont tenaces : quel que soit le pays, le communisme au pouvoir a semé mort et désolation.

Ainsi dès 1917 en Russie, rappelait Jean Sévillia dans son livre Le terrorisme intellectuel, de 1945 à nos jours paru chez Perrin en 2000, Lénine surnomme le commissariat à la Justice «commissariat à l'extermination sociale», les bolcheviques gazent les paysans rebelles, affament la région de la Volga (5 millions de morts), puis l'Ukraine (5 à 6 millions de victimes).

Le bilan général du communisme est ainsi par ses dimensions à peine croyable : 20 millions de morts en URSS, 65 millions en Chine, 6,5 millions en Asie, 1 million en Europe de l'Est, 1,7 million en Afrique, 150 000 en Amérique latine. Soit au total près de cent millions d'êtres humains rayés de la planète au nom d'une idéologie censée vouloir le bonheur du peuple, mais malgré lui.

Le nazisme et le communisme sont des frères siamois dont l’un, sous diverses formes, survit encore en Chine, en Corée du Nord… Ce qui les relie : concentration des pouvoirs, culte du chef, parti unique, propagande continuelle, mobilisation des masses, contrôle policier, répression, élimination de catégories de population, embrigadement de la jeunesse, haine des valeurs anciennes et de toute religion...

Pour autant, si le nazisme utilisa l'expropriation, les camps de concentration, les massacres planifiés, la déportation et les camps d'extermination, le bolchevisme ne fit pas appel à ces derniers mais ajouta l'exécution judiciaire de personnes innocentes et la famine organisée. Ce devoir de mémoire dû au génocide juif, unique par son aspect "industriel", les suppliciés du communisme y ont droit aussi.

 

 

L'heure de la "reprise en main" ?

Peut-on émettre l'hypothèse comme l'historien Jacques Bainville que «(...) l'anarchie engendre des Césars» ? «L'attachement populaire à l’"ordre"», souligné par Jacques Marseille dans son livre Du bon usage de la guerre civile en France aux éditions Perrin, est trop souvent négligé par les politologues. «(...) La chienlit, non» pourrait dire le peuple en paraphrasant le général de Gaulle. Mais de là à dire « La réforme, oui »..., il y a loin.

Car le besoin de sécurité est immense alors que se développe un "capitalisme sauvage" et que «(...) l'humanité est à nouveau guettée par» L'ensauvagement (titre d'un ouvrage de Thérèse Delpech paru chez Grasset). La civilisation accouchant d'une double sauvagerie : l'une fondée sur le profit, l'autre sur le dépit. La masse grandissante des exclus, des déclassés formant comme un épouvantail pour ceux encore "dans le bain".

Notre société de plus en plus inégalitaire inspire la peur, donc la violence. La libéralisation de l'économie avec son «Laisser faire (les hommes), laisser passer (les marchandises)» s'est accompagnée - comme une compensation peut-être - de la libéralisation des mœurs. Mais les idées libérales, les idées larges, la tolérance se sont combinées et dans leurs excès ont mené notre société du "laisser aller" au "laisser-aller" (avec trait d'union).

A "laisser évoluer sans intervenir", à "laisser courir", on en arrive à une "absence de soin", une "négligence", un "relâchement" tendant à se généraliser. Et ce laxisme engendre l'anarchie : "Désordre résultant d'une absence ou d'une carence d'autorité" ou "Confusion due à l'absence de règles ou d'ordres précis". Mendès France disait par exemple que «Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent».

Et de fait en maint endroit de notre société, le refus de règles communes, les résistances à l'autorité se développent, par le fait même que nombre de règles n'ont plus été appliquées, respectées ou rappelées, et que nombre d'autorités se sont dérobées à leurs obligations, ont manqué à leurs tâches, à leur devoir. Leur abstention, leur impuissance, leur inaction par souci de tranquillité, faisant le lit de l'inquiétude et de l'agitation.

"C'est l'anarchie" là où l'on n'en fait qu'à sa tête, là où il n'y a plus personne "à la tête" ; et dans les secteurs aux développements incontrôlés, désordonnés. Cette sorte de "vacance du pouvoir" ne peut plus durer. "Laisser les choses en l'état" conduit à la sclérose. Il faut "remettre de l'ordre". L'heure est peut-être aux "mains de fer" avec ou sans gants, concevant, inspirant, dirigeant et commandant, y compris et surtout aux événements*.

* Cf. Winston Churchill : «Il faut prendre l'événement par la main avant d'être saisi par lui à la gorge».