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14/06/2013

Sans bonnes lectures, à quoi est-on réduits ?

Les études sur la lecture se suivent et se ressemblent. Déjà en 2003, avant l'explosion de l'internet, la lecture ne représentait selon l'Observatoire du temps libre que 3 % en moyenne du temps libre des Français, c'est-à-dire du temps "non contraint" : hors activités professionnelles, trajets, repas, travaux ménagers... Ce qui la situait très loin derrière la télévision (près du tiers du temps libre) ou le bricolage (un quart). Et ce qui faisait de l'art de lire, un art plus que mineur.

Le bilan des meilleures ventes de livres en 2003 que publiait Livres Hebdo était tout aussi navrant. Un article de La Tribune faisait ressortir les grandes tendances : «Le principal constat est que non seulement les Français lisent moins, mais aussi qu'ils lisent plus futile». Le fantastique, le policier, la bande dessinée, les "documents chocs" ou de "bien-être" se taillaient la part du lion, les œuvres littéraires se partageant les miettes.

Les essais philosophiques, historiques, politiques... n'apparaissaient évidemment pas dans ce classement des cinquante best-sellers. Ce qui pourrait faire dire que "le mieux vendu" n'est pas forcément "le bien acheté". Mais le pire, selon une étude TNS-Sofres, c'est que près d'un Français sur deux (46 %) n'avait acheté aucun livre en 2003, et que plus de la moitié des acheteurs de livres en achetaient moins de quatre par an !

Dans le magazine Atmosphères, l'interview des auteurs de l'ouvrage intitulé Sociologie de la lecture aux éditions La Découverte, permettait d'en savoir un peu plus. C'est ainsi que l'on apprenait que «Chez les adolescents, la lecture ne vient qu'au sixième rang des loisirs, après la télé, les jeux vidéo et la musique. Et les classes favorisées consacrent plus volontiers une partie de leur temps au sport, à la déco et aux voyages».

Autre information : «On n'a jamais tant lu d'ouvrages techniques et pratiques, et cela tient à une faillite dans la transmission des savoir-faire». Mais il convenait de noter que «La majorité des femmes considère encore la lecture comme l'enrichissement ou le prolongement de la vie intérieure, privilégiant les biographies et les romans, alors que les hommes se tournent surtout vers des livres en rapport direct avec leur métier».

Donc, «Par la lecture, les femmes s'évadent, les hommes, eux, s'informent». Mais quid des "bonnes lectures" comme accès à "ce qui ne peut être dit" ? Car c'est bien cela l'important, et non par exemple le nombre de visiteurs, d'auteurs présents, de livres vendus à tel ou tel Salon du Livre. Ce qui compte, ce n'est pas de lire ni de lire beaucoup, mais de lire ce qui compte, c'est-à-dire ce qui donne à penser, ou comme le disait Voltaire, ce qui «agrandit l'âme».

07/06/2013

L'ombre noire de la délinquance en col blanc

La délinquance financière est un mal profond qui ronge notre société. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le récit édifiant d'Eva Joly paru aux éditions des Arènes en 2000 sous le titre : Notre affaire à tous. «La délinquance financière crée du malheur pour demain», y écrit-elle. Pas seulement parce qu'elle dérègle les marchés financiers, mais aussi parce que restant largement impunie, elle mine la confiance, nos valeurs et l'ordre social.

Eva Joly cite ainsi l'historien Fernand Braudel qui dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme chez Armand Colin, «a utilisé l'image des trois étages : le premier étage est celui de la subsistance (les marges et les délinquants de rue), le second, celui de l'échange "à vue humaine" (les salariés, les petites entreprises) et le troisième, celui de l'économie-monde (les élites habituées aux échanges internationaux…)».

«Pour Braudel, le premier étage et l'étage supérieur n'obéissent pas à la loi : le premier parce qu'il n'en comprend pas le sens et le troisième parce qu'il se considère au-dessus des règles. Seul le second étage, celui de la majorité des citoyens reconnaît la légitimité des contraintes sociales. Rendre la justice, c'est préserver l'équilibre et la primauté de cet étage-là en étant en mesure de sanctionner le premier et le troisième étage.»

«Au premier étage de la société, si l'Etat-providence lui laisse le champ libre, la criminalité organisée peut se substituer à lui (... selon le vieux modèle sicilien) et contrôler avec efficacité certains quartiers chauds. (...) Au troisième étage de la société, les mafieux font remonter l'argent noir dans les bunkers off-shore de la finance et réinjectent ces sommes illégales sur les marchés légaux de Francfort ou de New York.» Blanchies.

«D'une certaine manière, "le crime organisé rend la délinquance des pauvres économiquement rentable et socialement utile"» (Jean de Maillard dans Un monde sans loi - Stock), «ce qui donne la mesure du défi lancé aux démocraties». Car «le sociologue Emile Durkheim expliquait qu'en réprimant les criminels la justice confortait surtout les honnêtes gens» ; dans ce sens qu'elle les conforte dans le droit chemin.

Mais «si la loi ne s'applique pas "à tous les étages"», affirme Eva Joly, «la démocratie est en péril. L'impunité détruit la confiance dans le contrat social». De plus en plus de citoyens de la majorité silencieuse (ces honnêtes gens sur lesquels tout repose) peuvent être tentés de suivre le mauvais exemple. La société s'enfonçant alors dans «une sorte d'anarchie douce et paisible (…(Mme de Staël). De l'eau qui dort.