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18/01/2013

Un siècle de révolution agricole

«1900-2000 : cent ans de survie pour les paysans de France, un siècle de combats incessants pour maintenir sur les terres ceux qui en tirent les richesses, depuis qu'il existe une France, depuis mille ans». Ainsi commence le livre de Pierre Miquel, La France et ses paysans - Une histoire du monde rural au XXe siècle, qui paraissait début 2001 aux Editions de l'Archipel.

Alors professeur émérite à la Sorbonne et spécialiste de l'histoire du XXe siècle, Pierre Miquel, mort depuis en 2007, brosse la peinture de la France agricole des cent dernières années dans un ouvrage illustré de photographies et qui se lit comme un roman. Et il faut dire que ce livre tombait à pic à l'entrée de ce XXIe siècle qui sera urbain et qui ne sera pas sans remise en cause des pratiques et du rôle de l'agriculteur.

Pierre Miquel parcourt le siècle en six chapitres de La carte agricole de la France à La mondialisation en passant par La commotion de la Grande Guerre (1910-1929), La crise et la Seconde Guerre (1929-1945), Le productivisme des années 50 et La révolution silencieuse. Dans son avant-propos, il trace à grands traits le portrait d'une vie rurale séculaire emportée par cent ans de conflits et de mutations.

Jusqu'à ce constat : «Ceux qui se placent, par leur production, au deuxième rang des exportations françaises sont une catégorie sociale en voie d'extinction, comme si la terre n'avait plus besoin d'eux pour offrir ses richesses, comme s'ils étaient de trop». Pourtant rappelle Pierre Miquel, le paysage français au sens large doit tout aux pagani, habitants du pagus (le "pays"), plus tard appelés "paysans".

Les paysans du début du XXe siècle ne sont pas une classe uniforme : «Pour 2 millions de propriétaires, (...), exploitant directement leurs terres, (...), on distingue environ 1 million de fermiers, 344 000 métayers, près de 2 millions de domestiques de ferme. Avec les salariés et les régisseurs, on évalue à 6 663 135 l'effectif des paysans vivant directement de la terre, sans compter leurs familles».

Durant la première moitié du siècle, l'agriculture est «restée peu ou prou ce qu'elle était avant 1914 : une activité de subsistance, dont la petite propriété était l'âme». Tout allait changer ensuite jusqu'au secteur agricole d'aujourd'hui, moderne et productif, où il y a une douzaine d'années 700 000 chefs d'exploitation et 320 000 salariés suffisaient, et maintenant respectivement 480 000 (dont co-exploitants et autres actifs familiaux) et 200 000 (dont saisonniers). Histoire d'un bouleversement complet dont on évalue difficilement les suites, parmi lesquelles l'hypothèse d'un réinvestissement dans le secteur primaire, d'une sorte de "retour à la terre", n'est pas exclue.

22/06/2012

Le travail peut tuer

Le suicide au travail revient périodiquement sur le devant de l'actualité, avec son lot de questions maintes fois posées et de réponses maintes fois apportées.

Un chiffre accablant pour commencer : en 2002, 41 millions de salariés étaient victimes du stress dans l'Union européenne (UE). Et qui dit stress dit angoisses, irritabilité, mauvais sommeil, fatigue chronique, troubles digestifs ou musculo-squelettiques..., mais aussi consommation d'alcool, de tabac, de médicaments, de drogues..., jusqu'à l'ulcère, la dépression, l'infarctus, les maladies cardio-vasculaires... et même le cancer, le suicide.

Les causes sont connues. Elles relèvent pour beaucoup de la dégradation des rapports sociaux et des conditions de travail dans nombre d'entreprises. L'absence d'autonomie, l'hyperspécialisation des postes, la répétitivité des tâches, l'accélération des cadences, l'augmentation des contraintes, l'exposition à toutes sortes de risques et de violences... en sont quelques exemples.

S'y ajoutent, notamment pour les cadres, un manque de communication, de reconnaissance et de perspectives, une exclusion des processus de prise de décision, une difficulté de concilier vie privée et vie professionnelle, de nouer des relations de confiance avec leurs collègues, un excès de travail accompli dans la précipitation ; le tout baigné dans une inquiétude diffuse quant à leur situation.

Et ce constat ne vient pas de mouvements contestataires, mais de sondages ou d'études réalisées par des psychosociologues et des psychiatres. Au final, le stress expliquait le souhait de près de 50 % des cadres de changer de travail. Et pour l'UE, son coût s'élèvait à 20 milliards d'euros par an. Ce chiffre ne tenant compte que de l'absence au travail (pour moitié due au stress) et des frais médicaux.

Il faudrait encore comptabiliser la perte de productivité, en soulignant l'ironie de la situation puisque c'est justement pour augmenter cette productivité que des entreprises ont rendu impossible la vie de leurs salariés. Efficacité, compétitivité, rentabilité..., que de crimes on commet en leurs noms ! Quelle est donc cette société déshumanisée qui permet le sacrifice de certains des siens au dieu Profit !

Allons-nous encore longtemps laisser des nôtres se tuer au travail ou abréger leur vie par la fatigue, les excès, le souci... ? Le pire peut-être, c'est que conscientes de cet état de fait, ces entreprises ne cherchent même pas à modifier l'organisation du travail mais plutôt à aider leurs salariés à s'y adapter, à supporter. Alors qu'il est grand temps de passer du "beaucoup travailler" à "bien travailler".