Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/08/2012

Le plus grand cirque du monde

Les dieux du stade ont donc investi les arènes de Londres. Devant des centaines de caméras, ils vont aller d'exploits en exploits, les commentateurs s'enflammant dans l'espoir d'entretenir notre intérêt pour ce qui n'est en définitive que des personnes qui courent, qui sautent ou qui lancent. Le monde entier, c'est-à-dire les habitants de la planète qui ont l'électricité et accès à la télévision, n'aura d'yeux que pour ces héros modernes, figures emblématiques de nos sociétés qui vouent un culte au corps, à la jeunesse et à la performance.

Plus vite, plus haut, plus fort, tel est le leitmotiv de ces Olympiades. Et Pierre de Coubertin doit se retourner dans sa tombe en voyant ces jeux transformés en enjeux médiatiques, politiques et financiers. L'essentiel n'étant plus évidemment de participer mais bien de gagner et parfois par tous les moyens. En termes d'image, de notoriété, de rentabilité, les JO sont une affaire, une gigantesque affaire de gros sous mais aussi une affaire de pouvoir. Les empereurs romains avaient déjà compris tout le parti qu'ils pouvaient tirer des combats de gladiateurs. «Panem et circenses», du pain et des jeux de cirque, voilà une méthode infaillible pour gouverner ou, devrions-nous plutôt dire, manœuvrer les hommes.

Mais pour l'occupation des masses, il ne peut y avoir de trou dans l'agenda du divertissement. L'euphorie se doit d'être perpétuelle (titre, en italique, d'un livre de Pascal Bruckner chez Grasset). Le spectacle permanent, voilà le mot d'ordre. Les médias, les sponsors, les Etats et nous spectateurs réclamons des compétitions, des records, des vainqueurs et des médailles. Ah ! ces champions au garde-à-vous tenant fièrement leur récompense, ces drapeaux qui claquent au vent et ces Marseillaises. Mais pendant que «l'étendard sanglant est levé», «qu’un sang impur abreuve nos sillons», que disons-nous, que faisons-nous du sang dopé qui coule dans les veines de combien d'athlètes montrés en exemple ?!

Eh bien ! malgré tout, nous regarderons ces conquérants de l'inutile se dépenser (pas vraiment sans compter) pour des gloires passagères et des trophées dérisoires. Peut-être juste pour s'enthousiasmer, peut-être pour rêver. Peut-être aussi pour combler le vide de nos existences et l'absence de sens de notre société où, au moment des jeux de Sydney en 2000, une vedette multimillionnaire du football¹, certes douée et sympathique, détrônait au hit-parade de nos personnalités préférées, un religieux sans le sou² ayant voué sa vie à ceux qui ne sont ni compétitifs, ni jeunes, ni en bonne santé, et qui n'ont ni l'électricité ni la télévision.

¹ Zinedine Zidane ; ² l'abbé Pierre

22/06/2012

Le travail peut tuer

Le suicide au travail revient périodiquement sur le devant de l'actualité, avec son lot de questions maintes fois posées et de réponses maintes fois apportées.

Un chiffre accablant pour commencer : en 2002, 41 millions de salariés étaient victimes du stress dans l'Union européenne (UE). Et qui dit stress dit angoisses, irritabilité, mauvais sommeil, fatigue chronique, troubles digestifs ou musculo-squelettiques..., mais aussi consommation d'alcool, de tabac, de médicaments, de drogues..., jusqu'à l'ulcère, la dépression, l'infarctus, les maladies cardio-vasculaires... et même le cancer, le suicide.

Les causes sont connues. Elles relèvent pour beaucoup de la dégradation des rapports sociaux et des conditions de travail dans nombre d'entreprises. L'absence d'autonomie, l'hyperspécialisation des postes, la répétitivité des tâches, l'accélération des cadences, l'augmentation des contraintes, l'exposition à toutes sortes de risques et de violences... en sont quelques exemples.

S'y ajoutent, notamment pour les cadres, un manque de communication, de reconnaissance et de perspectives, une exclusion des processus de prise de décision, une difficulté de concilier vie privée et vie professionnelle, de nouer des relations de confiance avec leurs collègues, un excès de travail accompli dans la précipitation ; le tout baigné dans une inquiétude diffuse quant à leur situation.

Et ce constat ne vient pas de mouvements contestataires, mais de sondages ou d'études réalisées par des psychosociologues et des psychiatres. Au final, le stress expliquait le souhait de près de 50 % des cadres de changer de travail. Et pour l'UE, son coût s'élèvait à 20 milliards d'euros par an. Ce chiffre ne tenant compte que de l'absence au travail (pour moitié due au stress) et des frais médicaux.

Il faudrait encore comptabiliser la perte de productivité, en soulignant l'ironie de la situation puisque c'est justement pour augmenter cette productivité que des entreprises ont rendu impossible la vie de leurs salariés. Efficacité, compétitivité, rentabilité..., que de crimes on commet en leurs noms ! Quelle est donc cette société déshumanisée qui permet le sacrifice de certains des siens au dieu Profit !

Allons-nous encore longtemps laisser des nôtres se tuer au travail ou abréger leur vie par la fatigue, les excès, le souci... ? Le pire peut-être, c'est que conscientes de cet état de fait, ces entreprises ne cherchent même pas à modifier l'organisation du travail mais plutôt à aider leurs salariés à s'y adapter, à supporter. Alors qu'il est grand temps de passer du "beaucoup travailler" à "bien travailler".