16/11/2018
"Combien ?", est-ce la question ?
"Combien ?" Voilà la question qui compte dans un "système" où tout est concurrence, compétition et rivalité. Combien de temps, combien d'argent, combien de fois...? C'est un adverbe utile quand il s'agit de savoir la quantité, le nombre, pour ce qui est d'une distance, d'un temps, d'un prix, etc. Et c'est sans doute ce qui préoccupe le plus le monde adulte, après les "Pourquoi ?" de l'enfance.
Antoine de Saint-Exupéry, dans son Petit Prince, évoquait ainsi cette obsession des «grandes personnes» qui : «aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel (...). Elles vous demandent : Quel âge a-t-il ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ? Alors seulement elles croient le connaître».
En fait n'est-ce pas là l'éternelle préoccupation de l'être humain qui par nature tend à évaluer, comparer, se mesurer...? Il paraît même que sans cela, nulle amélioration ne serait possible. Mais peut-on justifier cette confrontation systématique par cette seule envie de progresser, en faisant l'impasse sur une autre explication : l'envie tout court, qui n'est pas que désir et volonté ?
Car l'envie est aussi jalousie, convoitise, lubie, et c'est alors une des plus grandes plaies de l'humanité. Elle est à l'origine de bien des conflits et s'oppose à l'amour vrai et au désintéressement. Elle peut aller jusqu'à la haine en effet de celui ou celle qui a ce qu'on n'a pas. Elle vous mine, vous dévore de l'intérieur, comme une tristesse ou une colère rentrée. Elle vous accable et ne vous lâche plus.
Tout le "système" dans une société de consommation repose ainsi sur l'insatisfaction nourrie par la publicité en particulier. Susciter l'envie, créer des besoins, voilà ses objectifs. Sans cela pas d'achats, pas de croissance. Pas de progrès ? Entretenir ce délire marchand, c'est le défi posé. Il nécessite pour y parvenir la complicité de l'Etat, des médias, de l'école... Et notre soumission.
Mais à quoi bon l'accumulation de biens, de richesses, mais aussi de scores, de records, de promotions, d'honneurs...? Car à la question "Combien ?", la réponse apparaît bien souvent sans intérêt, quand on y réfléchit. Et combien sont-ils ceux qui préfèrent rechercher un sens à leur existence, ou qui regrettent les "Pourquoi ?" de leur enfance ? «Etre ou ne pas être, telle est la question.»*
* Shakespeare
10:48 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : combien ?, concurrence, compétition, rivalité, temps, argent, quantité, nombre, distance, prix, pourquoi ?, antoine de saint-exupéry, le petit prince, chiffres, évaluer, comparer, se mesurer, confrontation, envie, désir, volonté, jalousie, convoitise, lubie, conflits, haine, société de consommation, insatisfaction, publicité, besoins, délire marchand, accumulation, sens | Facebook |
03/06/2014
L'unité, pas l'uniformité
«Ressemblons-leur : c'est le moyen d'avoir la paix» écrivait Julien Green. Peut-être en effet est-ce la solution dans un monde où même voire surtout ceux qui s'affirment tolérants ne tolèrent en fait que ceux qui leur ressemblent ou qui se mettent à leur niveau (souvent bas), à leur portée, au diapason. Julien Green préférait parler «d'amour et non de tolérance, car ce mot recouvre vite un jugement où la haine pointe le bout de sa langue».
Comme il avait raison ! A l'occasion de la sortie le 1er septembre 2006 par Flammarion des deux dernières années (1997-1998) de son journal sous le titre Le Grand Large du soir, des journaux en publiaient des extraits, et notamment Le Point, et Le Figaro où Julien Green rendait "hommage à son ami Monseigneur Pézeril, qui fut aussi celui de Bernanos". Il y était question de ce qui rassemble ou pas des hommes qui ne se ressemblent pas.
Ainsi disait Daniel Pézeril dans une homélie prononcée en 1973 : «Chacun de nous a son histoire. Depuis vingt ans surtout, le bien-être de notre société s'accroît à vue d'œil (...). Et pourtant les gens s'inquiètent comme jamais : comment vivrons-nous demain ? Aurons-nous du travail ? Où logerons-nous ? Quel sera le prix de la vie ? Que vont devenir les enfants ?» Ces interrogations angoissées sont les mêmes plus de quarante ans après.
«Il est certain, poursuivait Mgr Pézeril, que la prospérité n'est garantie ni aux individus ni aux peuples, que trop souvent la réussite se fait au détriment des autres. Partout sur la terre grandit le sentiment d'insécurité et de frustration. Les autorités internationales se concertent et s'agitent. Chacun se demande : "Qu'en sera-t-il demain du bonheur du monde ?".» Oui, qu'en sera-t-il ? Face à la montée des périls, il y a péril en la demeure.
«La guerre de l'argent» comme disait Julien Green, exerce ses ravages. L'air est lourd de menaces. Il faut agir vite. Le monde se défait et nous file entre les doigts. Mais que faire quand c'est ce monde même qui encourage les mauvais instincts de l'homme ? Daniel Pézeril s'interrogeait : «Comment rassembler les hommes avec ce qui divise, c'est-à-dire l'arrivisme, l'argent, l'orgueil, la possession d'autrui, le ressentiment, la haine ?».
Le monde a besoin d'unité, pas d'uniformité. Pour Julien Green, «le monde pour se sauver n'a qu'une issue de secours : (...) l'amour». «(...) De toute évidence, ce qui peut unir tous les hommes est ce grand mystère qui est l'Amour, car les différences disparaissent dans l'amour» écrivait-il. «Aimer, c'est ne plus comparer» disait Bernard Grasset. La vraie paix - la concorde, pas le calme - ne peut venir que de l'accueil bienveillant de la différence.
09:21 Publié dans Amour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paix, julien green, amour, tolérance, jugement, haine, éditions flammarion, le grand large du soir, magazine le point, journal le figaro, monseigneur daniel pézeril, bernanos, rassembler, se ressembler, homélie de 1973, bien-être, inquiétude, vivre, travailler, se loger, prix de la vie, devenir des enfants, prospérité, réussite au détriment des autres, sentiment d'insécurité, frustration, autorités internationales, le bonheur, la guerre de l'argent, le monde se défait, mauvais instincts de l'homme, ce qui divise, arrivisme, argent, orgueil, possession d'autrui, ressentiment, unité, uniformité, unir tous les hommes, différences, comparer, bernard grasset, la concorde, le calme | Facebook |