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03/06/2014

L'unité, pas l'uniformité

«Ressemblons-leur : c'est le moyen d'avoir la paix» écrivait Julien Green. Peut-être en effet est-ce la solution dans un monde où même voire surtout ceux qui s'affirment tolérants ne tolèrent en fait que ceux qui leur ressemblent ou qui se mettent à leur niveau (souvent bas), à leur portée, au diapason. Julien Green préférait parler «d'amour et non de tolérance, car ce mot recouvre vite un jugement où la haine pointe le bout de sa langue».

Comme il avait raison ! A l'occasion de la sortie le 1er septembre 2006 par Flammarion des deux dernières années (1997-1998) de son journal sous le titre Le Grand Large du soir, des journaux en publiaient des extraits, et notamment Le Point, et Le Figaro où Julien Green rendait "hommage à son ami Monseigneur Pézeril, qui fut aussi celui de Bernanos". Il y était question de ce qui rassemble ou pas des hommes qui ne se ressemblent pas.

Ainsi disait Daniel Pézeril dans une homélie prononcée en 1973 : «Chacun de nous a son histoire. Depuis vingt ans surtout, le bien-être de notre société s'accroît à vue d'œil (...). Et pourtant les gens s'inquiètent comme jamais : comment vivrons-nous demain ? Aurons-nous du travail ? Où logerons-nous ? Quel sera le prix de la vie ? Que vont devenir les enfants ?» Ces interrogations angoissées sont les mêmes plus de quarante ans après.

«Il est certain, poursuivait Mgr Pézeril, que la prospérité n'est garantie ni aux individus ni aux peuples, que trop souvent la réussite se fait au détriment des autres. Partout sur la terre grandit le sentiment d'insécurité et de frustration. Les autorités internationales se concertent et s'agitent. Chacun se demande : "Qu'en sera-t-il demain du bonheur du monde ?".» Oui, qu'en sera-t-il ? Face à la montée des périls, il y a péril en la demeure.

«La guerre de l'argent» comme disait Julien Green, exerce ses ravages. L'air est lourd de menaces. Il faut agir vite. Le monde se défait et nous file entre les doigts. Mais que faire quand c'est ce monde même qui encourage les mauvais instincts de l'homme ? Daniel Pézeril s'interrogeait : «Comment rassembler les hommes avec ce qui divise, c'est-à-dire l'arrivisme, l'argent, l'orgueil, la possession d'autrui, le ressentiment, la haine ?».

Le monde a besoin d'unité, pas d'uniformité. Pour Julien Green, «le monde pour se sauver n'a qu'une issue de secours : (...) l'amour». «(...) De toute évidence, ce qui peut unir tous les hommes est ce grand mystère qui est l'Amour, car les différences disparaissent dans l'amour» écrivait-il. «Aimer, c'est ne plus comparer» disait Bernard Grasset. La vraie paix - la concorde, pas le calme - ne peut venir que de l'accueil bienveillant de la différence.

04/04/2014

L'heure de la "reprise en main" ?

Peut-on émettre l'hypothèse comme l'historien Jacques Bainville que «(...) l'anarchie engendre des Césars» ? «L'attachement populaire à l’"ordre"», souligné par Jacques Marseille dans son livre Du bon usage de la guerre civile en France aux éditions Perrin, est trop souvent négligé par les politologues. «(...) La chienlit, non» pourrait dire le peuple en paraphrasant le général de Gaulle. Mais de là à dire « La réforme, oui »..., il y a loin.

Car le besoin de sécurité est immense alors que se développe un "capitalisme sauvage" et que «(...) l'humanité est à nouveau guettée par» L'ensauvagement (titre d'un ouvrage de Thérèse Delpech paru chez Grasset). La civilisation accouchant d'une double sauvagerie : l'une fondée sur le profit, l'autre sur le dépit. La masse grandissante des exclus, des déclassés formant comme un épouvantail pour ceux encore "dans le bain".

Notre société de plus en plus inégalitaire inspire la peur, donc la violence. La libéralisation de l'économie avec son «Laisser faire (les hommes), laisser passer (les marchandises)» s'est accompagnée - comme une compensation peut-être - de la libéralisation des mœurs. Mais les idées libérales, les idées larges, la tolérance se sont combinées et dans leurs excès ont mené notre société du "laisser aller" au "laisser-aller" (avec trait d'union).

A "laisser évoluer sans intervenir", à "laisser courir", on en arrive à une "absence de soin", une "négligence", un "relâchement" tendant à se généraliser. Et ce laxisme engendre l'anarchie : "Désordre résultant d'une absence ou d'une carence d'autorité" ou "Confusion due à l'absence de règles ou d'ordres précis". Mendès France disait par exemple que «Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent».

Et de fait en maint endroit de notre société, le refus de règles communes, les résistances à l'autorité se développent, par le fait même que nombre de règles n'ont plus été appliquées, respectées ou rappelées, et que nombre d'autorités se sont dérobées à leurs obligations, ont manqué à leurs tâches, à leur devoir. Leur abstention, leur impuissance, leur inaction par souci de tranquillité, faisant le lit de l'inquiétude et de l'agitation.

"C'est l'anarchie" là où l'on n'en fait qu'à sa tête, là où il n'y a plus personne "à la tête" ; et dans les secteurs aux développements incontrôlés, désordonnés. Cette sorte de "vacance du pouvoir" ne peut plus durer. "Laisser les choses en l'état" conduit à la sclérose. Il faut "remettre de l'ordre". L'heure est peut-être aux "mains de fer" avec ou sans gants, concevant, inspirant, dirigeant et commandant, y compris et surtout aux événements*.

* Cf. Winston Churchill : «Il faut prendre l'événement par la main avant d'être saisi par lui à la gorge».

04/10/2013

On meurt de ne plus aimer, être aimé et "avoir soif"

La pyramide de Maslow, c'est la hiérarchie des besoins de l'homme établie par le psychologue américain Abraham Maslow. Tout en bas au niveau des besoins physiologiques, on trouve notamment la soif. Et plus haut au niveau des besoins de socialisation, figure en particulier l'amour. On peut se demander pourquoi l'amour n'est pas placé tout en haut de cette échelle, au niveau des besoins d'estime ou d'accomplissement.

Car l'attachement, l'amour, l'affection, ces trois mots qui peut-être ne font qu'un, disent ce sentiment plus haut que tout qu'il est vital d'éprouver : «(...) c'est le premier besoin de l'enfant ; sans affection il ne peut vraiment vivre. Et cela sera vrai toute la vie» écrivait Laurence Pernoud dans son livre J'élève mon enfant chez Horay. Sans amour, l'être humain ne vit pas vraiment. L'amour est sa sève et sans doute sa plus grande liberté.

«Et, conséquence importante sur la voie de l'autonomie, poursuivait Laurence Pernoud, vers 4-6 mois, l'enfant dont les besoins d'attachement ont été comblés se sent suffisamment en sécurité pour commencer à se détacher, à se séparer.» Il peut en quelque sorte "partir", "quitter" son père et sa mère en toute confiance, l'espace de quelques heures ou d'une journée, car il "se sait" aimé, il "se sait" attendu. Merveilleuse assurance.

L'attachement apparaît quand commence le dialogue, «(...) ce dialogue inépuisable, fait de caresses, de paroles, de sourires (...), où l'enfant appelle et la mère réagit, où l'enfant vocalise et la mère répond». Plus précisément, «(...) c'est de la qualité des échanges, des interactions, que vont se créer des liens, et que va naître l'attachement». Et ainsi, «Les liens deviennent chaque jour plus forts et déjà l'inquiétude mesure l'attachement».

Peut-on dire alors que c'est d'une baisse de la qualité des échanges que peut naître le détachement ? et que la perte de l'inquiétude pour ceux à qui ou ce à quoi on tenait, on était dévoué, mesure le détachement ? Le dialogue impossible et le repliement sur soi, caractéristiques de notre époque, seraient ainsi liés. Détaché des autres et du monde, indifférent, l'homme occidental repu, vieux avant l'âge, n'a en fait plus "soif".

Désabusé et blasé, celui "qui a perdu ses illusions" et "n'éprouve plus de plaisir à rien", meurt ainsi à petit feu, non "de soif" mais de ne plus "avoir soif". Il continue pourtant de "boire", il "boit" sans "soif", cherche à s'étourdir de mille façons pour s'oublier d'abord et pour oublier peut-être aussi qu'il n'a pas su entretenir la conversation, conserver l'esprit ouvert et curieux d'un enfant, empêcher son cœur de se dessécher, "rester sur sa soif".