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06/05/2019

Tout obstacle est une chance

«La rive est la chance du fleuve» écrivait Jacques de Bourbon Busset. Dans une chronique d'il y a une quarantaine d'années, l'écrivain revenait sur le sens de cette phrase énigmatique. Il constatait que la morale de l'effort personnel est souvent considérée comme une morale de répression. «La spontanéité étant à la mode, tout ce qui tend à l'orienter (...), est suspect et même condamnable.»

Il percevait une erreur grave dans le fait de déconsidérer ainsi la volonté, l'autodiscipline et l'effort. Car «La force qui anime l'être humain», c'est le désir. Mais ce désir est fragile. Il lasse et passe aussi vite qu'il est venu. D'où la nécessité de le structurer pour ne pas le perdre. Et Jacques de Bourbon Busset ne voyait qu'un moyen pour y parvenir : les obstacles.

C'est là que la comparaison avec le fleuve prend tout son sens. Que serait un fleuve sans ses rives qui sont les obstacles contenant son flux et lui donnant sa direction ? «Le désir obstiné du fleuve de s'écouler a constitué les rives et les rives, ensuite, maintiennent le fleuve et le structurent.» Il en va de même pour l'homme dont la vie s'écoule de sa naissance à sa mort, mue par le désir.

«Sans obstacles, sans résistances, rien ne se fait, rien n'avance, tout stagne et se dégrade. Pour avoir des désirs forts, il faut se colleter avec ce qui fait face et résiste.» L'écrivain affirmait là une loi essentielle tant dans la vie affective que dans la vie intellectuelle : «L'esprit se pose en s'opposant». Et il ajoutait : «La contradiction est le stimulant nécessaire de tout progrès».

A chacun de nous donc d'aiguiser son esprit de contradiction mais aussi sa soif de savoir. Car selon Jacques de Bourbon Busset, il n'y a pas de connaissance sans désir de connaissance : «L'intelligence n'est jamais qu'un merveilleux esclave au service du désir. C'est donc la force du désir qu'il faut sauver à tout prix. Un homme sans désirs est une larve ou un fantôme».

Mais surtout, «A chacun de nous de construire ses rives, s'il ne veut devenir étendue d'eau stagnante. La rive du fleuve humain, c'est la contrainte d'un engagement librement choisi, l'obstacle qui rend nécessaires l'invention et l'énergie». Tout obstacle est une chance qu'il faut saisir. Et plutôt que de les éviter en préférant la fuite en avant, confrontons-nous aux problèmes, pour nous (et les) dépasser.

25/04/2018

Pas d'effet sans cause

«Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles continuent à chérir les causes.» Cette citation de Jacques Bénigne Bossuet dans le livre Démolition avant travaux de Philippe Meyer chez Robert Laffont, convient parfaitement à notre époque où l'inconséquence est partout, par le "manque de suite dans les idées, de réflexion dans la conduite", par le fait de "ne pas calculer les conséquences de ses actes ou de ses paroles"...

C'est ainsi que l'on peut déplorer toutes sortes de problèmes politiques, économiques, financiers, environnementaux, de société, de santé, psychologiques..., tout en chérissant notre mode de vie, notre organisation du travail, notre modèle économique ou notre fameux "modèle social" que le monde entier nous envierait et qui fait eau de toutes parts, ou tout au moins sans s'attaquer aux abus, gabegies, inégalités et injustices...

Il n'y a pas d'effet sans cause, pas de fumée sans feu. C'est le principe de causalité ou de raison suffisante. Le philosophe et ancien ministre de l'Éducation nationale Luc Ferry, interviewé par le magazine L'Expansion en juin 2006, évoquait «une critique du libéralisme qu'un libéral comme moi doit prendre au sérieux». En effet disait-il, «beaucoup de chefs d'entreprise n'ont pas conscience de la contradiction dans laquelle ils se trouvent.

«La plupart du temps, ils déplorent les vicissitudes du temps présent sur l'air du "tout fout le camp", mais, d'un autre côté, ils ne se rendent pas compte que l'effondrement d'un certain nombre de valeurs fondamentales auxquelles ils tiennent est directement lié à la naissance d'un univers de la consommation et du zapping qu'ils ont eux-mêmes créé.» Le lien de cause à effet ne leur saute pas aux yeux, par aveuglement en partie.

«Si nous avions dans nos têtes les mêmes valeurs que nos arrière-grands-mères, expliquait Luc Ferry, nous ne consommerions pas. Nous trouverions même que ces nouveaux temples que sont les centres commerciaux sont avilissants et obscènes. Le capitalisme est une révolution permanente, une érosion continue des traditions, et on ne peut pas avoir, comme disent joliment les Italiens, "le tonneau plein et la femme ivre".»

Luc Ferry recommandait l'élaboration d'«un projet (...) qui donne à l'avenir un autre horizon que celui de la seule consommation». Les candidats favoris de l'élection présidentielle de 2007 ne l'ont pas entendu et ceux de 2012 et 2017 pas davantage. Mais peut-être aussi serait-il utile d'écouter la recommandation de Bergson : «Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d'action», pour éviter les contradictions et le danger qui vient de l'enchaînement des causes et des effets.