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30/10/2019

Les jours du souvenir

Du berceau au tombeau, nous marchons vers la mort, le cœur léger, presque inconscients. «Le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort» écrivait Pascal. Alors nous nous occupons l'esprit pour oublier qu'un jour nous allons partir. Seuls les enterrements et les visites au cimetière nous rappellent que nous sommes mortels, que nous ne pourrons y échapper, que nous rejoindrons les 100 milliards d'êtres humains déjà passés sur terre. «Nous avons été ce que vous êtes, vous serez ce que nous sommes», croyons-nous les entendre murmurer les jours du souvenir, de la Toussaint au 11 novembre.

Que reste-t-il de ces êtres chers qui nous ont quittés et qui nous manquent ? Des restes putréfiés, des ossements blanchis, des cendres, de la poussière. Pourtant nous leur rendons visite pour leur parler, pour faire silence, pour nous recueillir ou pour prier. Devant l'absurdité, nous nous rebellons. Devant l'inévitable, nous nous résignons. Devant le mystère, nous espérons. Et devant la tombe, nous nous souvenons de ces visages aimés et de ces bons moments. Nous entretenons la pierre tombale, déposons quelques fleurs et refaisons l'arbre généalogique. Et peut-être nous imaginons-nous plus tard reposer en paix dans ce caveau.

Curieusement avec le temps, la sérénité nous envahit et ces lieux nous apparaissent presque beaux, ou plutôt familiers, comme une maison souvent visitée, longtemps habitée. Et si nous étions vraiment humains quand nous pensons à la mort ? Certains anthropologues datent la naissance de la conscience à l'apparition des inhumations et des rites funéraires. Conscients de leur existence, de l'espace et du temps, nos ancêtres se seraient alors posés le problème de l'avant et de l'après. Leur solution alla dans le sens de la survivance de ce qu'on appelle l'âme, et la tradition nous lègue cette espérance : fruit d'une révélation ou d'une autosuggestion ?

En tout cas, les interrogations demeurent. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Si tout obéit au principe de causalité, alors qu'y a-t-il à l'origine de l'univers et de la vie ? Et qu'y a-t-il au delà ? Toutes ces questions resteront sans doute à jamais sans réponse. Les religions apportent les leurs. Elles sont parfois très belles. L'idée que nous retrouverons, après notre mort ou notre résurrection, ceux que nous avons aimés, cette idée peut nous plaire. Et si «l’enfer, écrivait Sartre, c'est les autres» ; le paradis, ce serait les nôtres à jamais réunis. Il y a autant de raisons d'y croire que de ne pas y croire, disent certains. Pas sûr, il y en a sans doute moins. Mais la foi qui est paraît-il un don, relève peut-être aussi d'une décision.

25/04/2018

Pas d'effet sans cause

«Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles continuent à chérir les causes.» Cette citation de Jacques Bénigne Bossuet dans le livre Démolition avant travaux de Philippe Meyer chez Robert Laffont, convient parfaitement à notre époque où l'inconséquence est partout, par le "manque de suite dans les idées, de réflexion dans la conduite", par le fait de "ne pas calculer les conséquences de ses actes ou de ses paroles"...

C'est ainsi que l'on peut déplorer toutes sortes de problèmes politiques, économiques, financiers, environnementaux, de société, de santé, psychologiques..., tout en chérissant notre mode de vie, notre organisation du travail, notre modèle économique ou notre fameux "modèle social" que le monde entier nous envierait et qui fait eau de toutes parts, ou tout au moins sans s'attaquer aux abus, gabegies, inégalités et injustices...

Il n'y a pas d'effet sans cause, pas de fumée sans feu. C'est le principe de causalité ou de raison suffisante. Le philosophe et ancien ministre de l'Éducation nationale Luc Ferry, interviewé par le magazine L'Expansion en juin 2006, évoquait «une critique du libéralisme qu'un libéral comme moi doit prendre au sérieux». En effet disait-il, «beaucoup de chefs d'entreprise n'ont pas conscience de la contradiction dans laquelle ils se trouvent.

«La plupart du temps, ils déplorent les vicissitudes du temps présent sur l'air du "tout fout le camp", mais, d'un autre côté, ils ne se rendent pas compte que l'effondrement d'un certain nombre de valeurs fondamentales auxquelles ils tiennent est directement lié à la naissance d'un univers de la consommation et du zapping qu'ils ont eux-mêmes créé.» Le lien de cause à effet ne leur saute pas aux yeux, par aveuglement en partie.

«Si nous avions dans nos têtes les mêmes valeurs que nos arrière-grands-mères, expliquait Luc Ferry, nous ne consommerions pas. Nous trouverions même que ces nouveaux temples que sont les centres commerciaux sont avilissants et obscènes. Le capitalisme est une révolution permanente, une érosion continue des traditions, et on ne peut pas avoir, comme disent joliment les Italiens, "le tonneau plein et la femme ivre".»

Luc Ferry recommandait l'élaboration d'«un projet (...) qui donne à l'avenir un autre horizon que celui de la seule consommation». Les candidats favoris de l'élection présidentielle de 2007 ne l'ont pas entendu et ceux de 2012 et 2017 pas davantage. Mais peut-être aussi serait-il utile d'écouter la recommandation de Bergson : «Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d'action», pour éviter les contradictions et le danger qui vient de l'enchaînement des causes et des effets.