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05/05/2023

Une pensée qui "fait la différence"

«L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant». Ainsi commence la réflexion d'une vieille religieuse âgée alors de 95 ans dans son livre : Vivre, à quoi ça sert ? chez Flammarion. Qui ne connaît pas cette pensée parmi Les Pensées de Pascal ?! Elle exprime l'idée que l'homme, si faible soit-il, est supérieur par sa pensée à la matière. Ce fut pour Sœur Emmanuelle la révélation de sa jeunesse.

La conscience fait la valeur, la noblesse de l'homme. «Toute notre dignité, appuie Pascal, consiste donc en la pensée (...). Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.» La pensée comme devoir pour l'homme s'il veut se montrer à la hauteur de son humanité. Car si «penser fait la grandeur de l'homme», ne pas penser ou mal penser fait sa misère, c'est-à-dire sa faiblesse, voire son néant, son non-être.

Mais la pensée paraît "de trop" dans notre monde en état de guerre économique. "Manquer d'esprit critique" semble même considéré comme une qualité. En outre, la population active, très occupée, «n'a plus le temps ni le goût de penser» constate Sœur Emmanuelle. Et puis il y a les plaisirs. «La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, dit Pascal, et cependant, c'est la plus grande de nos misères.»

L'agitation fait office d'échappatoire au vide de l'existence. Nous mettons d'ailleurs tellement d'empressement à «jouir sans limite» de cette vie, que nous ne voyons pas ce qui nous libérerait de la dépendance dans laquelle nous sommes tenus. Entraînés dans le tourbillon de la vie et des émotions qui nous submergent, perdus dans nos pensées stériles, dans nos raisonnements, nous ne parvenons plus à penser juste.

Pourtant, «Le propre de l'homme, dans sa grandeur et sa misère, est de chercher, de ne pas se satisfaire de son état ou de convictions prêtes à porter». Rien de pire que le prêt-à-penser. C'est en cela que «Pascal est moderne (...), parce qu'il n'accepte aucun argument d'autorité, aucune démonstration qui ne respecte pas sa liberté de pensée. Pour lui, la pensée libre est le fondement de la valeur inaliénable de l'homme».

Sœur Emmanuelle demande donc que nous assumions «notre nature proprement humaine, pensante et spirituelle». Seule façon de surmonter notre condition humaine, notre petitesse et notre impuissance, notre incapacité de comprendre ce qui nous dépasse, de résoudre nos difficultés, de décider de notre destin. Ce qui exige de défendre nos libertés : d'esprit, de jugement, d'expression... Pour n'être pas que des roseaux qui plient.

29/03/2019

Sans l'écrit, tout est possible

L'information était passée presque inaperçue, entre guerre et terrorisme fin 2001. Pourtant elle n'était pas sans intérêt face à la situation du moment où la manipulation par l'intermédiaire des médias de masse audiovisuels, battait son plein. Face aussi au fait qu'une grande majorité de nos contemporains, fascinés et façonnés par les images, se font leur opinion essentiellement à partir de la télévision.

L'éducation nationale avait publié les résultats de tests effectués par des jeunes de 17 ans au cours de journées d'appel de préparation à la défense. Il ressortait qu'ils n'étaient que 11,6 % à éprouver des "difficultés de lecture". La vérité était en fait plus crue : plus de 20 enfants sur 100 ayant fréquenté plus de dix ans l'école, ne comprenaient pas ou superficiellement un texte court et simple (selon un rapport nettement plus fiable).

On n'osait imaginer les résultats pour un texte plus long et difficile ou pour l’ensemble de la population. Il apparaissait plausible que 40 % des adultes français se montrent incapables de saisir vraiment une rédaction en langage courant. Score auquel était parvenue une étude internationale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que la France avait désavouée avant sa publication définitive, pour raison de désaccord sur la méthode.

Le refus du diagnostic ne supprimait pas le mal. Même si à l'époque, nos gouvernants parvenaient par des artifices à maintenir l'illusion que le niveau montait. Ce qui était sans doute vrai dans des matières scientifiques ou techniques, mais ne l'était plus concernant la lecture et l'écriture (sans oublier l'expression orale) où l'échec patent soulignait l'inutilité des multiples réformes passées.

L'illettrisme touchait encore davantage les jeunes ayant quitté le système scolaire sans diplôme au niveau de la troisième. Un tiers d'entre eux étaient ainsi condamnés à une certaine exclusion. En effet, en l'absence d'instruction, les débouchés se faisaient plus rares alors et se font encore plus rares aujourd'hui, et surtout l'exercice de la citoyenneté s'en trouve réduit à sa plus simple expression.

Car le plus grave bien sûr est la mise en cause de la liberté individuelle. Sans la faculté d'accéder à l'écrit, seul capable d'apporter une information complète et contradictoire ; sans la faculté de former et de formuler sa pensée, c'est l'esprit d'analyse, de synthèse et critique qui vient à manquer. Et la tentation est grande, puisque c'est possible, de faire ce que l'on veut d'une telle population.

03/07/2018

Valeurs patrimoniales

Quoi de plus précieux que notre patrimoine ? Ces biens de famille acquis ou hérités qui ont plus une valeur sentimentale qu'une valeur pécuniaire. Et à la question de Lamartine : «Objets inanimés, avez-vous donc une âme (…) ?», la réponse est oui, celle de nos souvenirs et de nos ascendants qui demeurent ainsi vivants en nous, passés à la postérité, en attendant que nous-mêmes y entrions.

Mais quoi de plus précieux que notre patrimoine commun ? Celui accumulé au fil des siècles et constitué de livres, de peintures, de gravures, de sculptures, d'éléments d'architecture, de musiques..., enfin de toutes les œuvres de l'esprit humain qui forment les arts. Sans oublier les trésors artisanaux créés par nos ancêtres qui avaient le goût du travail bien fait.

Les connaissances et les idées font également partie de cet héritage commun pour peu qu'on les communique. La préservation du patrimoine historique et artistique sauve de la ruine et de l'oubli le génie de l'homme. Il en va pareillement pour le savoir et la pensée qui réclament tout autant d'être protégés et légués aux générations futures pour le progrès de la raison.

De même pour notre patrimoine environnemental, composé de la nature et des paysages façonnés par les hommes, ô combien fragile et menacé ! La pollution, la pression démographique… mettent en péril les équilibres fondamentaux. La conservation des sites, des espèces, la défense de l'environnement viennent de la prise de conscience que nous n'en sommes que les dépositaires.

Les traditions demandent aussi à être sauvegardées. Longtemps brocardées, certaines font un retour remarqué sur le devant de la scène depuis quelques années. Qu'elles soient populaires, religieuses, morales, elles sont une richesse pour l'esprit, un testament du passé, d'une façon de faire, d'agir ou de penser qui n'a peut-être pas tout perdu de sa justesse et de son intérêt.

Enfin, dans ce patrimoine commun, ne devrions-nous pas placer le génome humain ? Notre hérédité nous appartient mais certains "propriétaires industriels" cherchent à nous en déposséder. La transmission de nos caractères génétiques à nos descendants sera-t-elle soumise à manipulations ? Et nos valeurs - ce qui est vrai, beau et bien - se perdront-elles dans la succession ?