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29/03/2019

Sans l'écrit, tout est possible

L'information était passée presque inaperçue, entre guerre et terrorisme fin 2001. Pourtant elle n'était pas sans intérêt face à la situation du moment où la manipulation par l'intermédiaire des médias de masse audiovisuels, battait son plein. Face aussi au fait qu'une grande majorité de nos contemporains, fascinés et façonnés par les images, se font leur opinion essentiellement à partir de la télévision.

L'éducation nationale avait publié les résultats de tests effectués par des jeunes de 17 ans au cours de journées d'appel de préparation à la défense. Il ressortait qu'ils n'étaient que 11,6 % à éprouver des "difficultés de lecture". La vérité était en fait plus crue : plus de 20 enfants sur 100 ayant fréquenté plus de dix ans l'école, ne comprenaient pas ou superficiellement un texte court et simple (selon un rapport nettement plus fiable).

On n'osait imaginer les résultats pour un texte plus long et difficile ou pour l’ensemble de la population. Il apparaissait plausible que 40 % des adultes français se montrent incapables de saisir vraiment une rédaction en langage courant. Score auquel était parvenue une étude internationale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que la France avait désavouée avant sa publication définitive, pour raison de désaccord sur la méthode.

Le refus du diagnostic ne supprimait pas le mal. Même si à l'époque, nos gouvernants parvenaient par des artifices à maintenir l'illusion que le niveau montait. Ce qui était sans doute vrai dans des matières scientifiques ou techniques, mais ne l'était plus concernant la lecture et l'écriture (sans oublier l'expression orale) où l'échec patent soulignait l'inutilité des multiples réformes passées.

L'illettrisme touchait encore davantage les jeunes ayant quitté le système scolaire sans diplôme au niveau de la troisième. Un tiers d'entre eux étaient ainsi condamnés à une certaine exclusion. En effet, en l'absence d'instruction, les débouchés se faisaient plus rares alors et se font encore plus rares aujourd'hui, et surtout l'exercice de la citoyenneté s'en trouve réduit à sa plus simple expression.

Car le plus grave bien sûr est la mise en cause de la liberté individuelle. Sans la faculté d'accéder à l'écrit, seul capable d'apporter une information complète et contradictoire ; sans la faculté de former et de formuler sa pensée, c'est l'esprit d'analyse, de synthèse et critique qui vient à manquer. Et la tentation est grande, puisque c'est possible, de faire ce que l'on veut d'une telle population.

25/01/2019

Petit dictionnaire du "Totalitaire"

Propagande : action exercée sur l'opinion pour l'amener à avoir certaines idées politiques et sociales, à soutenir une politique, un gouvernement, un représentant.

Intoxication : action insidieuse sur les esprits, tendant à accréditer certaines opinions, à démoraliser, à dérouter. - Effet lent et insidieux sur l'esprit de certaines influences, qui émoussent le sens critique ou le sens moral.

Manipulation : emprise occulte exercée sur un groupe (ou un individu). - Manœuvre destinée à tromper. Fait d'amener insidieusement quelqu'un à tel ou tel comportement, de le diriger à sa guise.

Injure : injustice, traitement injuste. - Parole qui blesse d'une manière grave et consciente.

Anathème : à l'origine, excommunication majeure prononcée contre les hérétiques ou les ennemis de la foi catholique. Condamnation totale. - Condamnation publique ; blâme sévère, solennel.

Mensonge : assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l'intention de tromper.

Amalgame : méthode consistant à englober artificiellement, en exploitant un point commun, diverses formations ou attitudes politiques. - Assimilation abusive, à des fins polémiques en politique, notamment.

Procès d'intention : accusation fondée non pas sur ce que quelqu'un a fait ou dit, mais sur les intentions qu'on lui prête.

Chasse aux sorcières : poursuite systématique par un gouvernement ou un parti de ses opposants politiques ; persécution organisée.

Totalitarisme : système politique caractérisé par la soumission complète des existences individuelles à un ordre collectif que fait régner un pouvoir dictatorial.

Toute ressemblance avec des pratiques employées dans un régime "démocratique" de votre connaissance, serait purement fortuite.

Sources : Le Petit Larousse Compact 2000, Le Petit Robert 1985.

04/03/2014

La "dernière idéologie totalitaire"

"II ne changeait pas d'opinion, c'était l'opinion qui changeait en lui (...). D'ailleurs il n'avait pas choisi ses opinions (...), elles lui étaient venues automatiquement, tout comme, loin de choisir un chapeau ou un vêtement, il prenait (...) ce que tout le monde portait. Ainsi le libéralisme était devenu pour lui une habitude et il aimait son journal tout comme il aimait son cigare (...) - à cause de la légère brume qu'il produisait dans son cerveau."

Telle est la description d'un des personnages d'Anna Karénine, le roman de Tolstoï. Les sociologues David Riesman et Philippe Breton, à près de cinquante ans de distance, dans leurs essais respectifs intitulés La Foule solitaire, anatomie de la société moderne (Arthaud) et La Parole manipulée (Editions La Découverte), y voient les prémices de l'homme moderne. Cet homme qui croit disposer de lui-même alors qu'on dispose de lui.

Les changements au fond de lui se font "imperceptiblement et à son insu". Rien n'est imposé, tout est suggéré. Et finalement chacun en vient à faire comme tout le monde. «Dans un tel contexte, écrit Philippe Breton, c'est-à-dire une société qui réclame de ses membres une extrême socialisation, la manipulation (...) renforce les tendances au conformisme et porte en elle les germes d'une société totalitaire d'un nouveau genre.»

«Celle-ci, tout en exaltant la "liberté", enserre ses membres dans les mailles d'un filet toujours plus serré, leur dictant au bout du compte le moindre de leurs comportements.» Dans le droit fil, Bertrand Poirot-Delpech, reprenant les propos de François Barré, remarquait il y a près de dix ans dans Le Monde que la publicité était la "dernière idéologie totalitaire" ; «par son encouragement structurel à un conformisme de masse» ajoute Philippe Breton.

"L'essayer c'est l'adopter". Une fois "le doigt dans l'engrenage", difficile de revenir en arrière. On ne peut plus s'en passer, du moins c'est ce que l'on croit. Et c'est cette croyance et toutes les autres croyances et opinions qui sont entretenues ou modifiées par la "persuasion clandestine" diffusée en boucle. "Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis", peut-être, mais imiter ou répéter n'a jamais été une preuve d'intelligence.

Bertrand Poirot-Delpech écrivait encore dans Le Monde : "La publicité et les spectacles qu'elle impose n'aident pas à s'instruire, à rêver, à choisir librement bonheur et shampooing, à croquer la vie à pleines dents, à être en forme, gagneur, nu sous les tropiques, entouré de top models, de plain-pied avec son temps, etc. Ils changent le citoyen en client sous hypnose et l'esprit critique en machine à s'émouvoir, à compatir, à désirer des produits".