Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/02/2017

Vivons-nous la vie que nous voulions vivre ?

Que sommes-nous devenus ? C'est la question que nous devrions nous poser eu égard aux promesses de notre jeunesse, en souvenir d'elles. Qu'espérions-nous alors ? devenir riche et célèbre ou du moins devenir quelqu'un ? c'est-à-dire "un homme ou une femme de valeur, ayant une forte personnalité", et non "une personne indéterminée". Ou peut-être devenir quelqu'un de bien plutôt que devenir quelqu'un d'important ? Ou les deux ?

Espérions-nous aimer et être aimé, fonder un foyer ? Espérions-nous dans le progrès, l'amélioration de la vie, de notre situation, des conditions de travail, de notre santé, de notre sort… ? Quelle carrière comptions-nous suivre ? De quel destin rêvions-nous ? Quel sens souhaitions-nous donner à notre existence ? Qu'attendions-nous de la vie ? Et que sont devenues nos bonnes résolutions ? Qu'avons-nous fait de nos talents ?

Avons-nous fait fructifier nos dons ? Ou végétons-nous, ne nourrissant plus aucun espoir ? menant une existence à la petite semaine, entre "Ne prendre aucun risque" et "Ne rien faire" ou "En faire le moins possible" ou "Faire ce qu’on a toujours fait", revenant à rester inerte, sans réaction. Où est-elle la belle énergie intellectuelle ou morale de nos vingt ans ? Est-ce que l'«0n est sans feu ni lieu. Sans foi ni loi. On passe» selon les mots de Sartre ?

Croyons-nous vraiment encore à ce que nous faisons et mettons-nous du cœur à l'ouvrage ? "A cœur vaillant rien d'impossible". A cœur défaillant rien de possible. Vivons-nous dans une société d'acteurs désabusés, comme le pense Eric Dupin, journaliste, essayiste et enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris, dans son livre Une société de chiens au Seuil ? N'y en a-t-il que pour les petits calculs et les grands intérêts ?

Sommes-nous encore capables de débattre avec passion, de discuter âprement, de nous disputer, de parler d'autre chose que de généralités ? Ou André Gide avait-il raison qu'«On ne s'entend que sur les lieux communs. Sans terrain banal, la société n'est plus possible» ? Sommes-nous condamnés au bavardage, à devoir donner des gages pour nous intégrer ? Sommes-nous réduits à parler pour ne rien dire, à ne pouvoir causer qu'à bâtons rompus ?

Que d'espoirs déçus ! «L'idéal moderne de liberté, l'affranchissement de la tradition pour mener sa vie propre, authentique, pour être soi-même - comment cela a-t-il pu déchoir en liberté de choisir le lieu de ses prochaines vacances ? La vie ressemble à une simple mise bout à bout d’émotions, sans autre sens que l’angoisse d’un arrêt. (...) Comment en sommes-nous arrivés à cette monstrueuse insignifiance ? Comment avons-nous pu à ce point nous fourvoyer ?»

* Olivier Rey dans Itinéraire de l'égarement au Seuil

29/04/2014

Sans ancien, rien de nouveau

«C'est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l'école doit être conservatrice.» Ce paradoxe formulé par Hannah Arendt défend la thèse que le neuf ne peut être qu'une émanation du vieux, qu'il ne peut y avoir transgression que s'il y a tradition, indiscipline que s'il y a discipline. Pour qu'il y ait du nouveau, il faut qu'il y ait eu de l'ancien. Et c'est cet ancien qui est le terreau de nouvelles pousses.

Mais dans une époque de l'immédiateté, seul le proche avenir a de l'intérêt. Le passé et le futur sont comme hors de portée puisque prévaut la proximité dans l'espace et dans le temps. Ce qu'on ne peut toucher, appréhender virtuellement ou physiquement, ce qui n'est pas rapidement et facilement accessible, est dévalorisé. Les horizons lointains, c'est bon pour voyager pour affaires ou tourisme, par le rêve, ou sur la Toile.

Cette "loi de proximité", si chère aux journalistes, ferme nos horizons. Ce "quoi de neuf ?" incessant, ces nouvelles nous font oublier qu'il n'y a "rien de nouveau sous le soleil", que ce qu'on nous met en pleine lumière peut ne nous apporter aucune lumière, que des zones entières restent dans l'ombre. Le fou dans une ruelle obscure cherche ses clés perdues sous le lampadaire éclairé. Les clés du monde nous demeurent cachées.

Se limiter à ce qui nous est proche, à ce qui nous concerne, c'est s'amputer des leçons du passé, des enseignements de l'histoire, de la sagesse des anciens, de l'expérience accumulée, et renoncer à écrire l'histoire de demain, à forcer le destin, et passer à côté du monde. Comment faire émerger des hommes de caractère, décidés à plier le futur à leur volonté ? peut-être en les rendant forts du passé, en éprouvant leur volonté.

Le philosophe et enseignant français Alain tenait ces Propos : «L'enseignement doit être résolument retardataire. Non pas rétrograde, tout au contraire. C'est pour marcher dans le sens direct qu'il prend du recul ; car, si l'on ne se place point dans le moment dépassé, comment le dépasser ? (...) Celui qui accourt des anciens âges est comme lancé selon le mouvement juste ; il sait vaincre ; cette expérience fait les esprits vigoureux.

«Tout l'art est à graduer les épreuves et à mesurer les efforts ; car la grande affaire est de donner à l'enfant une haute idée de sa puissance, et de la soutenir par des victoires ; mais il n'est pas moins important que ces victoires soient pénibles, et remportées sans aucun secours étranger». Le progrès technologique, l'évolution des idées... sont une chose ; autre chose est de préparer les hommes de demain à faire du neuf, à être révolutionnaires.