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16/09/2014

Dépasser l'illusion et la déception

Tout est absolument vain, rien n'a de sens. «Vanité des vanités, dit Qohéleth, vanité des vanités, tout est vanité. Quel profit y a-t-il pour l'homme de tout le travail qu'il fait sous le soleil ? Un âge s'en va, un autre vient, et la terre subsiste toujours. Le soleil se lève et le soleil se couche, il aspire à ce lieu d'où il se lève. Le vent va vers le midi et tourne vers le nord, le vent tourne, tourne et s'en va, et le vent reprend ses tours.

«Tous les torrents vont vers la mer, et la mer n'est pas remplie ; vers le lieu où vont les torrents, là-bas, ils s'en vont de nouveau. Tous les mots sont usés, on ne peut plus les dire, l'œil ne se contente pas de ce qu'il voit, et l'oreille ne se remplit pas de ce qu'elle entend. Ce qui a été, c'est ce qui sera, ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera : rien de nouveau sous le soleil !» Qui ne connaît pas ce texte, du moins son début et sa fin ?!

«Vanité des vanités, tout est vanité» et «Rien de nouveau sous le soleil» sont des expressions encore employées couramment de nos jours et pourtant tirées d'un livre biblique de 2300 à 2500 ans d'âge dont le titre hébreu "Qohéleth" est plus connu sous celui de l'Ecclésiaste. Mais à dire vrai, 2500 ans n'auront pas suffi pour que ces sages paroles soient comprises. L'on continue de faire le contraire de ce qu'elles disent.

Comme, sous de louables prétextes, courir après la gloire, les honneurs (dont ceux de la presse), les richesses..., en un mot la réussite dans le sens de la phrase de Simone de Beauvoir : «Ce qu'ils appellent réussite c'est le bruit qu'on fait et le fric qu'on gagne». «Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés» notait à ce sujet La Rochefoucauld, qui disait aussi que «L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu».

Un jour, rappelle Julien Green dans Le Grand Large du soir chez Flammarion, Jean-Paul II avait eu ces mots en Pologne : «La personne humaine, créée à l'image de Dieu, ne peut devenir l'esclave des choses, des systèmes économiques, de la civilisation technologique, de la consommation, du succès facile. Ne vous laissez pas asservir». Hormis sans doute la phrase : «créée à l'image de Dieu», un altermondialiste ne dirait pas mieux.

Albert Einstein donnait lui aussi sa solution pour ne pas mener une existence vaine et retrouver un tant soit peu de sens : «N’essayez pas de devenir quelqu'un qui a du succès. Essayez de devenir quelqu'un qui a de la valeur». Et Julien Green, à quelques semaines de sa mort, écrivait «(...) n'avoir pas été alourdi à travers les années par des possessions inutiles. Nous quittons la terre chargés seulement de ce que nous avons donné».

25/10/2013

Pas une minute à perdre

Avez-vous remarqué que la "Minute de silence" dure rarement une minute ? Avez-vous remarqué de plus qu'elle ne dure jamais plus d'une minute mais toujours moins d'une minute ? La "Minute de silence" devrait en fait s'appeler les "Quelques secondes de silence". Pourquoi diable cette "Minute" se refuse à faire son temps ? Quel est donc ce sortilège qui s'abat sur toutes les "Minutes de silence", les condamnant ainsi à être raccourcies ?

Rappelons d'abord grâce au Petit Robert que ladite "Minute de silence" est un hommage rendu à un ou des morts en demeurant debout, immobile et silencieux. Et ajoutons que l'explication est peut-être dans cette définition. Car en effet quoi de plus anachronique que ce rituel dans le monde actuel ?! Un monde où il ne se passe pas une minute sans qu'il se passe quelque chose, alors que durant une "Minute de silence", il ne se passe rien.

La "Minute de silence", c'est l'absence de tout bruit, de tout mouvement ; juste les pensées qui tournent et retournent dans les cerveaux. Certaines de ces pensées n'ayant d'ailleurs peut-être qu'un lointain rapport avec le ou les morts concernés. Et puis il y a cette contenance à se donner, car ce genre de garde-à-vous peut s'avérer très embarrassant : faut-il joindre les talons ? les bras doivent-ils être le long du corps ou croisés ? Etc.

Qui plus est, rendre un ixième hommage à une ou des personnes disparues paraît inutile à ceux plus soucieux de les recevoir (les hommages) de préférence de leur vivant. Avides d'être honorés par des marques, des témoignages de respect, d'admiration, de reconnaissance, et que leur mérite, leur talent ou leur vertu soit salué, les voici donc tout décontenancés de devoir honorer, saluer la mémoire de morts qui ne comptent plus.

En fait, les morts dérangent les vivants, ils les empêcheraient presque de vivre. "Hodie mihi, cras tibi : aujourd'hui moi, demain toi" nous disent-ils d'outre-tombe. Alors on les cache et on ne leur accorde que le minimum de temps. Car celui-ci est précieux. Il n'y a pas une minute à perdre quand il s'agit d'être en avance sur les autres et sur son temps, tout comme il est intenable de rester immobile dans une société qui a la bougeotte.

Et puis garder le silence quand le bruit et le tapage sont la mesure de l'activité ou de la capacité, de même que se tenir debout quand beaucoup sont assis ou couchés, courbés, à genoux ou à plat ventre, vous n'y pensez pas ! Non, toujours rampant et en mouvement, bruyant et bavard, voilà l'homme modèle. Proposons donc une "Minute de silence" pour l'homme qui sut demeurer debout, immobile et silencieux... plus d'une minute.